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L'avenir de l'extraction cimentière dans le Tournaisis.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 234 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 12/07/2006
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    La Wallonie ne dispose pas, ou plus, de matière première exploitable et rentable si ce n'est le cas notamment de la pierre calcaire. Ainsi, depuis de très nombreux siècles, le banc calcaire du Tournaisis est exploité par l'industrie cimentière. Si, au début du XXème siècle, on dénombrait plusieurs dizaines d'exploitations en activité, ces entreprises ne sont plus aujourd'hui qu'au nombre de trois à exploiter la pierre calcaire dans la région de Tournai et d'Antoing.

    Les sites actuellement en exploitation sont proches de l'épuisement. Les carrières de Gaurain pour CCB et du Milieu pour CBR seront bientôt taries. La carrière de Barry n'étant pas encore prête, la Compagnie des ciments belges (CCB) a dû conclure un accord avec CBR pour l'exploitation de sites appartenant à cette dernière. Quant à la CBR, elle aura un besoin impératif d'ouvrir et d'exploiter de nouveaux gisements, notamment sur la rive gauche de l'Escaut, à Bruyelle-Calonne.

    Dans une interview récemment accordée à la presse locale, plusieurs responsables de ces cimenteries ont clairement remis en cause l'attitude actuelle de l'administration de la Région wallonne concernant l'avenir du secteur cimentier. En effet, ceux-ci estiment que la Région wallonne ne fait rien pour faciliter les demandes des cimentiers et que l'administration serait très, voire trop lente dans le cadre de ses prises de décision. La Société Holcim envisagerait même, dans l'absolu, de fermer ses sites d'Obourg et d'Antoing en cas de décision trop tardive de la Région wallonne concernant les multiples demandes de pouvoir exploiter la rive gauche de l'Escaut.

    Monsieur le Ministre a-t-il déjà eu des contacts concernant l'avenir du secteur cimentier en Région wallonne en vue de pérenniser les activités en Tournaisis ? Quelles sont les mesures qui ont été prises par la Région wallonne en vue de permettre le maintien de cet outil ancré depuis de nombreux siècles dans le Pays blanc ?

    A ce sujet, je rappelle à Monsieur le Ministre que les cimenteries ont consenti de très importants investissements et de très gros efforts en vue notamment de réduire les nuisances qui pourraient être causées aux riverains dans le cadre de ces exploitations.
  • Réponse du 07/08/2006
    • de ANTOINE André


    Je tiens à rassurer Madame la Députée. Même si les ressources du sous-sol de la Wallonie ne sont pas illimitées, notre Région recèle encore d'importants gisements de roches exploitables et rentables (cf. la publication de la Région wallonne intitulée : « L'activité extractive en Wallonie : situation actuelle et perspectives »). Il est vrai que ces réserves méritent une attention particulière et qu'elles doivent faire l'objet d'une gestion responsable et parcimonieuse dans un souci de développement durable.

    Le fait que le nombre d'exploitations de carrières ait fortement diminué depuis un siècle n'est pas lié à l'attitude et aux lenteurs de l'administration. Il résulte d'un phénomène économique qui a poussé peu à peu les « petits » exploitants à abandonner leur activité, alors que dans le même temps, certaines exploitations (« gros » carriers) se développaient et devenaient de vraies multinationales classées parmi les premiers producteurs dans le secteur (exemples : Lhoist et Carmeuse pour les chaufourniers, et dans une moindre mesure les Ciments d'Obourg, CCB et CBR pour les cimentiers). Cette évolution n'est pas propre au secteur carrier. Elle caractérise également l'agriculture : les petites exploitations disparaissent en masse alors que les grandes exploitations ne cessent de se développer.

    La problématique de la gestion des dossiers relatifs aux carrières en Région wallonne n'est pas nouvelle. Elle peut, en grande partie, s'expliquer par la particularité de l'activité extractive, sa complexité et les multiples changements opérés au niveau de la législation afin de mettre en œuvre les directives européennes (dont la dernière est intitulée « mining waste »). En effet, il faut se rendre à l'évidence que, dans le concept actuel du développement durable, il est de plus en plus difficile de concilier l'activité extractive, génératrice de nuisances « visibles » (bruit, poussières, charroi, vibrations liées aux tirs de mines, …) avec la gestion qualitative du cadre de vie des riverains et la protection de l'environnement (nappes aquifères et captages, Natura 2000, risques d'effondrement karstiques provoquant des dégâts aux constructions en cas d'exhaure trop importante).

    Que ce soit dans le cadre d'une procédure de révision du plan de secteur ou de demande de permis (avec ou non une étude d'incidences sur l'environnement), il est impératif que l'administration examine avec la plus grande rigueur non seulement le contenu technique de ces dossiers, mais aussi toutes les observations et remarques formulées par les riverains dans le cadre des enquêtes publiques, afin de limiter au maximum les procédures de recours (surtout au Conseil d'Etat en cas de demande de suspension), qui peuvent mettre en péril la pérennité des exploitations concernées.

    Quant aux demandes de permis d'environnement ou de permis unique, je rappelle à Madame la Députée qu'elles font l'objet de délais de rigueur depuis le 1er octobre 2002.

    Cas particulier du Tournaisis

    Concernant la rive gauche de l'Escaut, j'ai moi-même délivré le permis unique sur recours, en date du 15 juin 2006, pour l'exploitation du site par la S.A. Holcim Granulats Belgique, illustrant ainsi ma détermination à soutenir la société.

    Si le gisement de la carrière de Barry n'est pas encore accessible pour l'exploitation du calcaire (plus de 700 ha inscrits en zone d'extraction), c'est parce qu'il faut au préalable enlever une couche importante de terrains de couverture (plus de 20 m d'argiles) qui sont exploités actuellement par une briquetterie.

    Dès lors, la Région wallonne ne peut être tenue pour responsable de ce problème.

    Quant à la carrière du Milieu, il reste près de 80 ha à exploiter dans l'extension est (réserves estimées à plus de 60 ans d'activité). Des réserves sont également disponibles dans la carrière Lemay et chez Cimescaut (extension est de près de 100 ha).

    Enfin, la société Holcim a par ailleurs reçu un permis d'extraction en mai 2004 pour l'extension de

    son site de Mons, lui accordant ainsi 20 ans de réserves pour l'alimentation de l'usine d'Obourg.

    Comme vous pouvez vous en rendre compte des gisements inscrits en zones d'extraction existent et peuvent garantir le maintien de l'activité cimentière durant plusieurs dizaines d'années encore. Pour cela, il faut que les grandes sociétés multinationales trouvent un accord entre elles pour exploiter, en commun, les réserves directement accessibles. Ceci ne relève évidemment pas de ma compétence. En effet, le rôle du Ministre du Développement territorial doit se limiter à mettre en œuvre une politique de gestion parcimonieuse du sol (et de ses ressources), conformément à l'article 1er du CWATUP.

    S'il est exact que les cimentiers ont consenti de très importants investissements en termes de protection de l'environnement, ceux-ci n'avaient pas le choix vu les normes et les impositions européennes, notamment en termes de rejets, de gaz à effet de serre (CO2, Nox).

    En conclusion, je pense que le secteur cimentier a encore de beaux jours devant lui (plus d'une centaine d'années de réserves), bien que, l'activité extractive reste une des activités grosses consommatrices de territoire. Ce dernier n'étant pas extensible et étant de plus en plus urbanisé, il y aura toutefois forcément une limite car on ne peut raisonnablement pas léguer aux générations futures un gigantesque trou béant (ou un lac) en lieu et place du Tournaisis.



    André ANTOINE