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La structure de la facture d'énergie des ménages wallons

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 470 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 15/02/2022
    • de LOMBA Eric
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Face à la hausse des prix de l'énergie qui met en difficulté les ménages, le Gouvernement fédéral ainsi que Monsieur le Ministre ont décidé des mesures d'aide aux citoyens. Le Gouvernement wallon a récemment décidé de prolonger le tarif social jusqu'au 31 août 2022, d'octroyer une aide individuelle sous forme d'un chèque énergie pour le gaz et de permettre notamment, aux ménages qui le souhaitent, de désactiver les compteurs à budget.

    Cependant, bien que les surcharges et les prélèvements sont généralement fixes et donc non influencés par la hausse du coût de l'électron, il n'empêche que l'ensemble de ces taxes, telles que la redevance de raccordement au réseau électrique, la surcharge en guise de soutien aux énergies renouvelables et la redevance voirie pour l'utilisation du domaine public, quand on les additionne, pèsent lourd sur la facture d'énergie du ménage wallon.

    Au-delà de ces mesures d'urgence indispensables prises par le Gouvernement fédéral ainsi que par lui-même, Monsieur le Ministre a-t-il décidé de revoir la structure de la facture d'énergie pour les composantes régionales ?

    Il est vrai que les redevances régionales permettent de financer des services louables aux citoyens, tels que des politiques sociales et le soutien à la production de l'énergie renouvelable. Que pense-t-il de prévoir un système qui ne mettrait pas tous les ménages à contribution, sachant que la crise énergétique actuelle risque de durer plusieurs années ?
  • Réponse du 28/04/2022
    • de HENRY Philippe
    Depuis le début de la législature, nous avons été confrontés à plusieurs crises, graves, qui ont généré des difficultés pour les ménages dans leur accès à l’énergie. La crise des prix constitue une nouvelle difficulté à laquelle nous devons faire face.

    Cette crise ne concerne pas que la Belgique. Tous les pays européens y sont confrontés. L’augmentation des prix du gaz provient d’une demande particulièrement élevée à la suite de la reprise post-Covid, notamment en Asie, où la demande en gaz naturel a explosé, faisant concurrence à l’Europe. La demande a également été influencée par un hiver 2020-2021 long et particulièrement froid, qui a contraint à puiser dans les stocks sans possibilité de les renflouer par la suite. La hausse du prix du CO2 et du charbon a également eu une incidence sur le recours au gaz pour produire de l’électricité.

    Cette demande a justement lieu à un moment où l’offre se fait rare, du fait d’une conjonction d’éléments :
    − les niveaux de stockage sont en deçà des normales saisonnières ;
    − l’offre de gaz en provenance de Russie et, dans une moindre mesure, de Norvège, par gazoduc est réduite ;
    − la date de démarrage du gazoduc Nordstream 2 est incertaine ;
    − sans oublier évidemment les tensions géopolitiques avec la Russie.

    Tous ces éléments combinés amènent à une hausse des prix du gaz, mais aussi de l’électricité qui en dépend en partie.

    Alors que l’Europe souffrait déjà du prix élevé du gaz à la suite d’une forte demande, la société russe Gazprom a diminué ses exportations de gaz naturel vers l’Europe d’un cinquième par rapport au niveau pré-Covid. Cette diminution a aggravé l’augmentation du prix du gaz pour l’Europe. La Belgique n’est pas dépendante du gaz russe. Elle importe la plus grande partie de son gaz naturel de la Norvège, des Pays-Bas et du Qatar. Seuls 5 % du gaz belge est importé de Russie. Cependant, la dépendance européenne au gaz russe a un impact sur l’intégralité du marché et la Belgique est donc vulnérable face aux augmentations des prix sur les marchés internationaux.

    Les ménages sont évidemment affectés par la hausse des prix de l’énergie, mais de manière inégale. Pour rappel, l’indexation automatique protège le pouvoir d’achat du “ménage moyen” (avec toutefois un effet retard : les prix augmentent d’abord, et les revenus sont corrigés par la suite). Mais nombre de ménages ne subissent pas le même niveau de compensation, en particulier :
    − ceux dont les revenus ne sont pas (ou pas complètement) indexés ;
    − ceux qui ont des contrats désavantageux (notamment à tarifs variables) ou qui perdent un tarif avantageux (échéance du contrat à tarif fixe, perte du droit d’accès au tarif social, faillite du fournisseur d’énergie) ;
    − ceux qui se chauffent au gaz et/ou à l’électricité (le prix du gasoil et des pellets, notamment, ayant augmenté moins fortement jusqu’ici) ;
    − ceux qui habitent des logements à faibles performances énergétiques (grands et/ou mal isolés et/ou sans énergies renouvelables installées) ;
    − ceux pour qui les dépenses énergétiques représentent une plus large part de leurs revenus (c’est plus souvent le cas des ménages précaires qui risquent de voir leur situation s’aggraver).

    Par ailleurs, un certain nombre de ménages pourraient se retrouver fragilisés au moment de la réception de leur facture de régularisation (surtout si leurs acomptes n’ont pas été suffisamment adaptés), ce qui pourrait générer un « bill shock » en 2022.

    Sur base du récent rapport circonstancié de la CWaPE sur l’évolution des prix de l’électricité et du gaz pour les différents segments de consommation, il est estimé sur base de différentes hypothèses qu’un ménage sous tarif variable pourrait connaitre une augmentation de son tarif de 135 % (par rapport à 2019) à 150 % (par rapport en 2020) en électricité. L’évolution en gaz serait quant à elle de +175 % (par rapport à 2019) et +200 % (par rapport en 2020) en gaz.

    Comme je l’ai déjà rappelé à de nombreuses reprises, la compétence d’aide sociale aux ménages en matière d’énergie est principalement une compétence fédérale. Les dispositifs que nous proposons doivent s’inscrire dans la complémentarité.

    Nous avons eu de premiers échanges la semaine dernière avec les partenaires de majorité. Un projet de texte visant à interdire les coupures sur tout le territoire wallon, ainsi qu’une note d’orientation présentant différentes possibilités d’actions pour renforcer la première ligne et octroyer une aide directe aux ménages en difficulté est en discussion au niveau du Gouvernement wallon. L’interdiction des coupures sur le territoire des communes sinistrées est déjà prévue dans le cadre du décret intempéries.

    D’ici à la fin de l’année, le décret « juge de paix » entrera en vigueur, et plus aucun ménage en situation de défaut de payement ne pourra être coupé de manière administrative. La proposition en discussion assurera l’articulation entre ces deux dispositions en étendant l’application territoriale et l’application dans le temps de la suspension des coupures.

    Le rapport sur l’évolution des prix énergétiques que j’ai demandé à la CWaPE a été livré et est actuellement disponible sur son site.

    La CWaPE propose en effet diverses mesures dont l’extension du nombre de bénéficiaires du tarif social, le chèque énergie, la baisse de la TVA, la diminution de la consommation, la recherche d’une saine concurrence sur le marché … en passant par la recherche d’autres sources de financement pour le soutien aux énergies renouvelables et pour les obligations de service public à caractère social.

    La CWaPE laisse aux autorités politiques le soin d’opérer les choix entre les différentes pistes qu’elle identifie. Toutes ces mesures ont un impact important sur les finances publiques et il importe donc d’être prudent, de rester très ciblé et de s’assurer que les effets correspondent effectivement aux besoins essentiels de la population ou des entreprises.

    À propos des contributions de type surcharges ou redevances de voiries, plusieurs éléments doivent être pris en compte.
    Les redevances de voirie ont été décidées par le Parlement wallon pour soutenir financièrement les communes (électricité et gaz) ainsi que, pour le gaz, les provinces et la Région. Cependant, l'impact est faible sur le coût de l'énergie (de l’ordre de 1 %).

    En ce qui concerne la surcharge, celle-ci ne concerne que le vecteur « électricité » et n’offre dès lors pas de piste d’action concrète pour le gaz.
    Enfin, comme cela a déjà été dit, en complément des mesures d’urgence déjà adoptées par le fédéral et en cours d’analyse au niveau régional, il est absolument essentiel de pouvoir soutenir les ménages dans leurs démarches de rénovation de leur logement. La seule manière de soutenir les ménages pour faire face dans la durée à l’augmentation des prix de l’énergie, c’est réduire leur facture de manière structurelle. L’isolation de la toiture, le remplacement des châssis, de la chaudière sont autant de moyens de réduire fortement la consommation du logement. Nous savons que de nombreux ménages font face à des difficultés pour enclencher ces travaux. Soit qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour les préfinancer, soit qu’ils n’ont pas accès au crédit, soit qu’ils ne disposent pas des biens sur le logement, car ils sont locataires. Lever ces difficultés figure dans mes priorités de travail pour l’année 2022.