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La réquisition de bâtiments pour le relogement des sinistrés des inondations

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 224 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 15/02/2022
    • de KELLETER Anne
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Dans L'Avenir du lundi 7 février, j'ai découvert un article sur un collectif de citoyens qui s'est mis à « réquisitionner » des bâtiments publics dans la région verviétoise pour aider des sinistrés des inondations de juillet passé à trouver un logement. Même si la démarche peut être contestée, ceci ne doit pas cacher le problème sous-jacent.

    Plus de 6 mois après les évènements, certaines personnes n'ont toujours pas de « chez-soi » ou vivent dans des conditions totalement indignes. Si l’on voit à côté que des bâtiments publics vides subsistent, on peut légitimement comprendre que la colère et le sentiment d'abandon conduisent certains à des actes illicites. Le droit à un logement salubre est ancré dans la constitution. Ces citoyens se voient privés de ce droit depuis des mois. Aujourd'hui, en Europe, cela est tout simplement indigne.

    Quelles instructions Monsieur le Ministre a-t-il données en ce qui concerne la réquisition de bâtiments publics ?

    Quelle collaboration est possible avec les sociétés de logement pour leur mise en état et leur mise à disposition de sinistrés ?

    Dans ce même article, des membres du collectif « Les petits robins des toits » relatent que le directeur de Logivesdre serait accusé par divers cabinets et son propre personnel de mauvaise gestion. Or, Logivesdre pourrait jouer un rôle clé dans le relogement des sinistrés. Ces paroles, émanent-elles du cabinet de Monsieur le Ministre ?

    Quelle est sa position en la matière et quelles actions a-t-il prises en conséquence ?
  • Réponse du 16/02/2022
    • de COLLIGNON Christophe
    La réquisition de logements ou d’infrastructures doit rester la prérogative exclusive des pouvoirs publics. Et ce, dans un cadre légal bien défini et pour des motifs d’ordre public, notamment des raisons de sécurité et de salubrité publiques. Dès la fin juillet, j’avais d’ailleurs rappelé à l’ensemble des communes les diverses règles applicables en matière de réquisition, que ce soit de logements ou de matériels. Juridiquement, la situation évoquée dans la question ne relève pas de la réquisition, mais de l’effraction et de l’occupation sans droit ni titre d’un logement ; je viendrai sur le fond un peu plus avant.

    Sur la problématique en général, dès le lendemain des inondations, la mise sur le marché rapide des logements inoccupés a été au cœur de mon action.

    La zone d’activité de Logivesdre s’étend sur huit communes de la région verviétoise qui a été particulièrement touchée (Pepinster, Dison, Spa, Jalhay, Theux, Herve, Limbourg et Verviers). Logivesdre a dû faire face à de graves dégâts, dans près de 600 logements, soit près d’un quart de son patrimoine. 250 de ces logements ont été très sévèrement touchés. La société, appuyée par du renfort administratif et technique de la SWL, a mis en œuvre le relogement de 130 ménages, tout en procédant à une analyse de la situation de ses logements vides susceptibles d’être mis rapidement à la disposition des sinistrés. Conformément aux dispositions prises par le Gouvernement, Logivesdre a relogé en priorité ses propres locataires sinistrés. Au-delà, elle a relogé 59 ménages privés sinistrés.

    Il reste des ménages en attente d’une proposition, mais on constate aussi que certains sinistrés ont parfois refusé plusieurs propositions de relogement. Les chiffres changent quasi tous les jours au gré des arrivées et des départs. Néanmoins, des différents contacts que mon cabinet a régulièrement avec les bourgmestres des communes les plus touchées, la Croix-Rouge et les acteurs institutionnels locaux, il semble que le nombre de logements disponibles permette actuellement de répondre globalement aux demandes de relogements de ménages sinistrés.

    Sur la base de l’aide exceptionnelle octroyée par le Gouvernement pour la réalisation de travaux de rénovation dans les logements inoccupés des SLSP, la société Logivesdre avait, en date du 7 février, remis en ordre soixante-huit logements. Vingt et un de plus devraient l’être d’ici à la fin du mois. Il est à noter que le logement occupé illégalement évoqué dans la question se trouve sur la liste des logements visés par l’aide et devait faire l’objet de travaux dans les semaines à venir.

    Cela dit, il convient de se pencher sur la situation de Logivesdre et de la gestion de ses logements inoccupés.

    Les données communiquées, la semaine dernière, par la société, font état de 288 logements inoccupés, dont un peu plus d’une centaine sinistrés par les inondations de juillet. Pour évaluer avec précision la situation sur place, j’ai mandaté la SWL afin qu’elle réalise en urgence un audit technique du patrimoine inoccupé de la SLSP. Sur cette base, si la SWL constate l’existence de logements vides qui pourraient être occupés — c’est-à-dire répondant aux critères de salubrité et de sécurité et disposant des commodités de base — je lui demanderai de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

    Nonobstant cela, je veux être tout aussi clair pour saluer le travail des équipes, et notamment de l’équipe sociale qui, avec les partenaires du réseau local, accompagne les ménages sinistrés depuis le début de la catastrophe. Cet accompagnement — qui intègre le soutien au relogement, l’analyse des besoins ou l’orientation vers les aides disponibles — se poursuit tant pour les locataires que pour les ménages sous convention précaire.

    En ce qui concerne la collaboration avec les sociétés de logement et les mesures prises pour le relogement, je rappelle que le Gouvernement a mis en place un large éventail de solutions pour reloger les victimes, et a consenti des efforts financiers considérables dans ce but, dont Logivesdre a bénéficié. Cette société a reçu 4,3 millions d’euros dans le cadre de l’aide d’urgence et 2,6 millions pour la rénovation rapide de logements inoccupés.

    Je rappelle aussi l’octroi d’avances remboursables aux SLSP, à hauteur de 40 millions, pour différentes dépenses liées au relogement, à la remise en état, à la location ou à l’achat de matériel ; dans l’attente des indemnités des assurances et du Fonds des calamités. Elles ont, en outre, bénéficié de 40 millions supplémentaires pour acquérir, auprès de promoteurs privés ou de particuliers, des logements à mettre à la disposition de ménages sinistrés. Pour Logivesdre, un immeuble à appartements a été sélectionné et une offre a été déposée par la SLSP sur avis favorable de la SWL. La vente sera concrétisée dès l’installation par le promoteur des cuisines et des aménagements intérieurs nécessaires, exigés par le comité de suivi des acquisitions de la SWL.

    Pour terminer, puisque ce point est explicitement évoqué dans plusieurs questions posées à ce sujet, concernant cette action d’occupation sans droit ni titre d’un logement de la société Logivesdre, il faut noter que les deux personnes qui occupent le logement ne sont pas des sinistrés des inondations de juillet ; qu’une d’elles dispose déjà d’un logement social qui n’a pas été sinistré ; et que la seconde a décliné une proposition de logement formulée par un organisme public autre que la SLSP.

    Je ne nie certainement pas les difficultés vécues par ces personnes et je ne veux pas « étaler » leur situation, mais je pense que, par cette action, elles empêchent la réalisation des travaux prévus dans ce logement, qui aurait alors pu être affecté suivant les normes objectives d’attribution. Je pense aussi que l’association qui a installé ces personnes dans ce logement risque de leur causer plus de tort que de bien. En effet, ce n’est pas l’association qui risque de se retrouver devant un juge pour occupation sans droit ni titre d’un logement, mais bien les personnes qui l’occupent. En outre, la personne qui est déjà titulaire d’un bail dans un logement public risque de perdre le droit à ce logement, et donc de se retrouver, à terme, dans une situation encore plus instable.

    Je tiens néanmoins à être rassurant : mon message à la SLSP a été de lui demander de temporiser et de trouver une solution à l’amiable, en collaboration avec le CPAS et d’autres opérateurs locaux, même si son conseil d’administration garde, bien entendu, toute son autonomie si de tels faits devaient se reproduire.

    Pour conclure, je dirai être convaincu de la bonne volonté de l’association, qui a agi pour de nobles motifs, mais qui ne choisit manifestement pas les moyens adéquats pour atteindre le but qu’elle poursuit. La réponse aux défis humains qui nous font face se trouve dans le travail de fond que nous menons, dans le partenariat et le dialogue. Et je redis donc que ma porte est toujours ouverte pour rechercher, avec les acteurs locaux, des solutions humaines et utiles à une détresse sociale qui ne peut évidemment nous laisser indifférents.