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Les travailleurs agricoles touchés par les pesticides selon l'étude "Pesticides at Work

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 398 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/03/2022
    • de RYCKMANS Hélène
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Une vaste enquête mondiale et collaborative « Pesticides at Work » a été publiée par le journal Le Monde. Elle évoque les travaux de la recherche Pestexpo, menée depuis 20 ans et qui pointe le risque de pathologie grave pour les travailleurs agricoles.

    L'équipe de Pestexpo a en effet démontré que les travailleurs agricoles étaient bien plus exposés aux pesticides qu'on ne le pensait : ils seraient exposés à plus d'une centaine de pesticides. Pire encore : les équipements qu'ils sont censés porter pour se protéger ne remplissent tout simplement pas leur fonction. Dans certains cas, même, le port de combinaison ou de gants augmente leur exposition.

    L'« usage contrôlé » des pesticides, comme le recommandent les fabricants, n'est quasiment jamais une réalité. Pire, certaines protections accroîtraient le risque pour la santé.

    Comment Monsieur le Ministre réagit-il à la publication de cette enquête ? Quel est le bilan qu’il peut faire faire des recherches qui seraient réalisées dans des conditions réelles par nos centres de recherche ?

    A-t-il la possibilité d'évaluer la pertinence et l'effectivité de la protection pour les travailleurs du monde agricole par la formation et la bonne application des procédures prévues avec la phytolicence ? Car les chercheurs ont mis en évidence que dans la réalité, les choses ne se déroulent pas comme sur les étiquettes. Les bonnes pratiques agricoles ne résistent pas à la réalité des pratiques quotidiennes dans les exploitations.

    La plupart des études d'exposition sont effectuées ou commanditées par les fabricants eux-mêmes et les données, considérées comme relevant du secret commercial, sont soustraites à l'examen du public et à celui de la communauté scientifique. Les chercheurs estiment que des données indépendantes doivent impérativement être collectées.

    Comment le Conseil indépendant qu'il est prévu de mettre en place va-t-il intégrer ces éléments pour assurer une meilleure sécurité aux travailleurs ?
  • Réponse du 21/03/2022
    • de BORSUS Willy
    L’étude Pestexpo, réalisée en France, met surtout en avant le besoin de former davantage les agriculteurs aux pesticides et d’améliorer l’efficacité des moyens de protection qui devraient être adaptés en fonction des produits et des utilisations.

    À ce sujet, il faut rappeler que l’utilisation des équipements de protection individuelle par les agriculteurs n’est pas une mesure de prévention, mais une mesure de protection.

    Les chercheurs ont mis en évidence que dans la réalité, les choses ne se déroulent malheureusement pas toujours comme les consignes le prévoient. Les bonnes pratiques agricoles ne résistent pas à la réalité des pratiques quotidiennes dans les exploitations.

    En toute logique, ce sont les mesures de prévention destinées à réduire les risques engendrés par l’utilisation des produits phytosanitaires qui doivent d’abord être privilégiées par rapport aux mesures de protection. Il est toujours plus efficace de s’attaquer à la source du risque ; à savoir, les propriétés intrinsèques des produits utilisés et le matériel destiné à les appliquer sur le terrain.

    Afin de relayer vers les agriculteurs de l’information sur les risques inhérents aux produits de protection phytosanitaire, les bonnes pratiques et les mesures de prévention adaptées, des formations spécifiques phytolicences ont été mises en place.

    PreventAgri est un service de la Mission wallonne des secteurs verts destiné à promouvoir la santé et la sécurité dans les secteurs de l’agriculture, de l’horticulture et des parcs et jardins. Parmi ses missions figurent l’information, la sensibilisation et l’encadrement des utilisateurs de produits phytosanitaires à usage professionnel pour les matières liées à la sécurité et au stockage.

    Suivant leur retour d’expérience en tant qu’agent de terrain, les données concernant la caractérisation des équipements de protection individuelle adaptés à l’utilisation des produits phyto ont été bien identifiées sur la base de l’expertise de professionnels de la prévention. Ces recommandations vont au-delà des recommandations de protection proposées par les firmes phyto. Ainsi, les conseils prodigués en Wallonie par PreventAgri sont plus stricts que ceux proposés par les firmes phyto et basés sur les recommandations d’organismes de prévention indépendants (INRS, MSA, et cetera) - (Plus d’informations sur le site internet PreventAgri concernant les caractéristiques des EPI adaptés pour l’utilisation des produits phyto : https://secteursverts.be/wp-content/uploads/2021/03/Guide-phyto-2021.pdf).

    L’étude Pestexpo met en évidence que certaines combinaisons de protection ne respectent pas les propriétés de protection annoncées par le fabricant en ce qui concerne la résistance à la perméation des produits chimiques. Il est donc important d’orienter l’utilisateur vers un équipement de protection individuelle correctement normé, contrôlé et efficace.

    Les résultats des enquêtes réalisées en France par le réseau Phyt’attitude (observatoire et suivi des intoxications aiguës et chroniques causées par les produits phytosanitaires) et en Région wallonne (enquête sécurité de PreventAgri), ainsi que l’expérience de terrain de ces préventionnistes démontrent que :
    - les utilisateurs ne connaissent pas toujours tous les équipements de protection individuelle adaptés à leur sécurité (les caractéristiques techniques, la référence des cartouches des masques respiratoires, la matière et normes des équipements de protection, et cetera) ;
    - les utilisateurs ne savent pas nécessairement utiliser correctement les équipements de protection individuelle (quand remplacer les filtres, comment éviter les contaminations secondaires, les gestes parasites, les mauvais réflexes, et cetera) ;
    - les utilisateurs ne souhaitent pas utiliser les équipements de protection individuelle ou, trop souvent, ils les utilisent partiellement (pas confortables, trop contraignants, manque de dextérité, jugés trop coûteux, regard des autres et peur du jugement vis-à-vis du public, des passants, du voisinage, et cetera) ;
    - les équipements de protection individuelle sont des contraintes par rapport au confort de l’utilisateur et à sa dextérité, ils peuvent éventuellement apporter un risque autre que phyto (malaise, accident). Certains professionnels font donc le choix de ne pas en porter ou de porter des équipements inadaptés. C’est souvent la combinaison de protection et les bottes qui sont les équipements de protection individuelle les moins utilisés (les équipements de protection les plus performants en matière de sécurité sont ceux qui présentent le moins de confort et sont donc les plus difficiles à porter/supporter sur une longue durée (30 minutes). Dans certaines situations, ils peuvent engendrer un risque (par exemple : coup de chaleur dans le cas d’un port prolongé d’une combinaison étanche et résistante aux produits chimiques par temps chaud). Il faut rechercher un compromis entre les contraintes physiques engendrées par le port de l’équipement et la protection vis-à-vis du produit phyto).

    Les formations et informations destinées à convaincre les utilisateurs de produits phytosanitaires du port des équipements de protection individuelle adaptés et surtout de l’usage des bonnes pratiques permettent d’améliorer la situation. Ces types de formation sont organisées par PreventAgri en Région wallonne.

    En ce qui concerne les études relatives aux produits phytosanitaires, il faut une nouvelle fois rappeler que, dans le cadre des dossiers d’autorisation, des études préalables doivent être déposées à la Commission européenne pour les substances actives ou chez les États membres pour les produits commerciaux comprenant une ou plusieurs de ces substances actives préalablement autorisées sur le territoire européen.

    Les différents aspects qui doivent être abordés dans ces études ont été définis par des spécialistes, pas par les firmes elles-mêmes. Ces études réalisées et financées par les firmes sont ensuite analysées par l’EFSA (pour les substances actives) ou, en Belgique, par les experts du SPF Santé publique (pour les produits commerciaux). Cela permet de définir les « cibles » des substances actives qui sont accessibles sur le site de l’EFSA (via les rapports d’évaluation des substances actives).

    Dans le cadre de la nouvelle PAC, un « Conseil indépendant » va remplacer l’actuel « Service de Conseil Agricole ». Ce nouveau Conseil indépendant va poursuivre la mise en place des formations phytolicence orientées vers la sécurité des travailleurs. À ce stade, il est important de distinguer deux situations en termes de sécurité : (i) le travailleur est un indépendant ou (ii) il travaille sous l’autorité d’un employeur.

    Dans le premier cas, il n’y a pas d’obligation légale pour un indépendant d’assurer sa propre sécurité au travail. En d’autres termes, si un agriculteur ne souhaite pas utiliser d’équipement de protection individuelle, rien ne peut l’obliger à les utiliser afin de réduire les risques pour sa santé. D’où l’importance des formations continues pour éveiller les consciences et entretenir le sens des responsabilités.

    Le second cas relève de la législation sur le bien-être au travail. L’employeur est responsable de la sécurité de ses travailleurs (qui reste une compétence fédérale). Il est responsable de la politique de prévention dans l’entreprise.

    Dans les deux cas, le facteur humain est primordial. Il est trop souvent considéré que « un accident, cela n’arrive qu’aux autres ». Dans ce sens, la priorité en matière de sécurité n’est pas de rechercher les caractéristiques techniques des équipements de protection individuels adaptés, mais de convaincre les utilisateurs de les utiliser à bon escient et de se conformer aux bonnes pratiques permettant de réduire le risque lié à l’utilisation des produits phytosanitaires. La formation continue du type phytolicence est une opportunité précieuse permettant de toucher, d’informer, de répéter et finalement de convaincre chaque utilisateur d’améliorer sa sécurité.

    En ce qui concerne les études menées en Région wallonne, je citerai le projet BIOPEST qui a pour but d’améliorer les connaissances de l’exposition des Wallons et Wallonnes aux pesticides et, plus spécifiquement à objectiver l’exposition aux pesticides de la population générale a priori plus exposée (riverains de cultures traitées) et d’une population spécifique (agriculteurs) via un biomonitoring humain.

    J’ajouterai finalement que, depuis de nombreuses années, les recherches du CRA-W contribuent au bénéfice d'une agriculture raisonnée dans l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ces projets ont pour but de réduire l’usage des pesticides de synthèse ou les risques liées à leurs usages.