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La prévention de l'impact des intérêts négatifs sur la trésorerie de la Région

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 56 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 07/03/2022
    • de HAZEE Stéphane
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Comme la Cour des comptes l'a montré dans son 33e cahier d'observations du 17 novembre 2021, la Wallonie a payé, durant ces dernières années, des intérêts négatifs sur sa trésorerie. Ainsi, cette dépense a dépassé 1 million en 2018 et en 2019, et a même atteint 8,5 millions d'euros en 2020, dans le contexte de la crise Covid. Une telle dépense a naturellement quelque chose de paradoxal, dans le contexte de l'endettement de la Région.

    Il convient donc d'être particulièrement attentif à l'annonce faite par l'administrateur général de la Trésorerie (SPF Finances) il y a quelques semaines de mutualiser cet enjeu à partir de l'État fédéral, afin de réduire le coût de leur trésorerie pour les pouvoirs publics. Une plateforme digitale baptisée « e-dépo » a ainsi été créée et permet aux institutions publiques de déposer de l'argent en quelques clics à des taux au minimum nul.

    De manière plus générale, une meilleure coordination en matière de financement des pouvoirs publics, à l'échelle interfédérale dans notre pays, est à notre sens une perspective opportune, pour augmenter notre résistance aux évolutions de la conjoncture extérieure.

    Monsieur le Ministre a-t-il été informé de cette initiative ?

    Des contacts ont-ils pu intervenir ou sont-ils prévus à ce sujet ?

    Quelle est son analyse à cet égard ?
  • Réponse du 30/06/2022
    • de DOLIMONT Adrien
    Comme l'a rappelé l'honorable membre dans l’introduction à ses différentes sous-questions, la Région a vu ses charges d’intérêts créditeurs augmenter ces dernières années, passant notamment de 10,2 millions d'euros en 2020 à 26,3 millions d'euros en 2021. Rappelons que le taux d’intérêt créditeur correspond au rendement des montants laissés en compte par la Région.

    Selon le contrat caissier actuellement en vigueur, le taux créditeur appliqué à la centralisation financière de la Région se calcule via un taux de référence, défini comme étant la moyenne mensuelle (sur base du nombre de jours ouvrables) de l’Euribor 1 semaine, auquel s’appliquent les marges suivantes :
    - pour la tranche 1 (solde de la trésorerie allant jusque 150 millions d'euros), le taux de référence est augmenté de 26 points de base. Exclusivement pour cette tranche, le taux créditeur appliqué ne pourra pas être négatif.
    - pour la tranche 2 (de plus de 150 à 500 millions d'euros), le taux de référence flat.
    - pour la tranche 3 (de plus de 500 millions à 1,5 milliard d'euros), le taux de référence est diminué de 10 points de base.
    - pour la tranche 4 (de plus de 1,5 milliard d'euros), le taux de référence est diminué de 20 points de base.

    Chaque tranche a donc son propre taux créditeur. Pour information, la moyenne mensuelle du taux Euribor 1 semaine était de -0,568 % au mois de mai 2022. En date du 31 mai 2022, la moyenne pondérée des taux créditeurs appliqués au solde de l’État global général était de -0,71 %.

    L’Euribor est le taux d’intérêt moyen auquel les grandes banques européennes s’accordent des prêts en euros sur le marché interbancaire. Les taux Euribor existent sur plusieurs maturités différentes, allant d’une semaine à 12 mois. Ceux-ci varient journalièrement en fonction de l’offre et la demande sur le marché interbancaire et des circonstances économiques. L’Euribor est également influencé par le principal taux directeur de la BCE, appelé le taux de refinancement, qui correspond au taux auquel les banques commerciales empruntent des liquidités à la BCE.

    Par ailleurs, le taux Euribor 1 semaine suit l’évolution du taux de refinancement de la BCE. Ainsi, quand le taux directeur était de 4,25 % en mi-juillet 2008, le taux Euribor 1 semaine était de 4,35 %. Lorsque le taux de refinancement est descendu à 0,05 % à la fin de l’année 2014, le taux Euribor a commencé à être négatif. Actuellement et depuis 2016, le taux de refinancement est de 0 %. La politique monétaire de la BCE influence donc fortement le taux créditeur appliqué à la centralisation financière de la Région.

    La plateforme « e-depo » offre la possibilité aux administrations publiques locales de déposer leurs fonds à un taux d'intérêt nul sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations. Mon cabinet s’est entretenu avec le SPF Finances afin d’avoir un complément d’information concernant le compte de dépôt proposé par « e-depo ». Tout d’abord, il apparait que celui-ci n’a pas été pensé initialement pour les entités régionales, mais bien pour les entités locales telles que les communes, les écoles ou encore les CPAS. Cependant, il est parfaitement possible de créer un compte pour n’importe quelle administration publique. En outre, le taux d'intérêt sur les fonds déposés est égal au rendement des OLO d'une durée résiduelle d'un an. Ce dernier est actuellement de 0 %.

    Or, le 9 juin, la BCE a annoncé qu’elle mettait fin à sa politique d’achat d’obligations sur les marchés et qu’elle allait relever ses taux directeurs de 0,25 % en juillet et de 0,25 %-0,50 % en septembre.
    Comme expliqué précédemment, cette hausse des taux directeurs exercera une influence haussière sur l’Euribor 1 semaine, et donc mécaniquement sur les taux créditeurs appliqués à l’État global général de la Région. Il est donc probable, au vu de la politique monétaire actuelle de la BCE, que les taux créditeurs de la Région se rapprochent d’une position nulle ou deviennent légèrement positifs dans les prochains mois.

    De plus, une telle initiative est intéressante, mais n’est pas possible dans le cadre de la centralisation financière de la Région wallonne. Tout d’abord, parce que la majorité de la trésorerie globale générale provient des UAP centralisées. Or, selon l’Arrêté du Gouvernement wallon portant sur les modalités de gestion de la centralisation financière des trésoreries des organismes d'intérêt public wallons dont les missions touchent les matières visées aux articles 127 et 128 de la Constitution : « Chaque organisme est tenu d'ouvrir tous ses comptes financiers auprès du caissier centralisateur et d'y verser tous ses avoirs et ses placements ». Les UAP faisant partie de la centralisation ne peuvent donc pas déposer une partie de leur trésorerie sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations. En outre, si les UAP venaient à déposer une partie de leur trésorerie sur des comptes non centralisés, la centralisation perdrait son utilité principale, c’est-à-dire la possibilité pour la Région d’avoir une vision globale et quotidienne de l’ensemble de sa trésorerie. En effet, le principe de la centralisation est de fusionner, en montant et en date de valeur, l’ensemble des soldes de tous les comptes de la Région wallonne et des organismes désignés.

    Il en est de même pour la trésorerie du SPW. Selon l’arrêté royal du 6 août 1990 fixant les modalités d'organisation de la trésorerie des Communautés, des Régions et de la Commission communautaire commune, précisent que « les comptables de la Communauté ou de la Région ne peuvent - sauf cas exceptionnels pour lesquels des modalités particulières sont prévues - ouvrir de comptes qu'auprès du caissier de la Communauté ou de la Région. Il reviendra au caissier de procéder aux opérations matérielles réalisées à l'intervention des comptables et relatives à l'encaissement des recettes et au paiement des dépenses. Aussi, le caissier sera-t-il chargé de tenir la situation journalière de la trésorerie de la Communauté et de la Région ».