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L'impact en Wallonie des décisions du Gouvernement flamand en matière d'émissions d'azote

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 390 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 07/03/2022
    • de WITSEL Thierry
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    À la veille du congé de carnaval, le Gouvernement flamand a annoncé un accord, dit Krokusdeal, dont les trois mesures principales sont :
    - fermeture, d'ici 2025, de 40 exploitations agricoles très polluantes situées à proximité de zones naturelles ;
    - cessation, d'ici 2026, sur base volontaire, de 120 exploitations jugées problématiques ;
    - obligation de réduction, d'ici 2030, d'émissions d'azote de 60 % pour les autres exploitations porcines et de volaille.

    Les deux premiers points se feront moyennant indemnisation. À cet effet, une enveloppe de 3,6 milliards servira donc à couvrir, en partie, les indemnisations et en partie à restaurer certains espaces naturels.

    Ce Krokusdeal a suscité de vives réactions au sein du Boerenbond, principal représentant des agriculteurs flamands.

    Madame la Ministre envisage-t-elle ce type d'initiative radicale en Wallonie ?

    Quelles mesures prend-elle en vue de diminuer les émissions d'azote ?

    Comment rassurer nos agriculteurs wallons, qui ont connaissance de cet accord, tout en tentant de préserver nos zones naturelles ?
  • Réponse du 24/05/2022
    • de TELLIER Céline
    Les thématiques que l’honorable membre soulève ici au travers de sa question « L'impact en Wallonie des décisions du Gouvernement flamand en matière d'émissions d'azote » ont été abordées entretemps lors de la Commission du 3 mai 2022 via une question de Monsieur le Député André Antoine « L'avenir des élevages intensifs en Wallonie ».

    Ci-dessous, il trouvera une copie de la réponse qui y a été apportée.

    Depuis de nombreuses années, la Wallonie, vous le savez, défend un modèle agricole qui se veut familial et insiste régulièrement, au sein de ce Parlement d'ailleurs, sur le choix de privilégier un modèle d'élevage lié au sol, en adéquation avec son environnement et non pas une production à tout prix, dans n'importe quelles conditions environnementales.

    Les ambitions du Gouvernement flamand de faire évoluer l'agriculture flamande vers plus de durabilité méritent – et vous l'avez fait – d'être saluées. Il faut également signaler que la Flandre est aujourd'hui au pied du mur. L'intensivité du modèle d'élevage en Flandre est d'ailleurs largement décrié depuis des années et a été la cible, en 2021, d'un rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européens sur la mise en oeuvre de la directive concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles pour la période 2016-2019.

    Les Pays-Bas, également pointés du doigt il y a quelques années, avaient dû également prendre des mesures de ce type, assez drastiques.

    Au niveau wallon, c'est le programme de gestion durable de l'azote en agriculture, le PGDA, qui contient les mesures obligatoires pour les fermiers wallons, tant pour le stockage des engrais de ferme que pour leur épandage. Ce programme est également en cours de révision afin de répondre aux exigences de la Commission sur trois points : l'épandage des fertilisants sur sols en forte pente, la présente d'un registre des fertilisants et le stockage des fumiers aux champs. Une fois ces trois points intégrés, la version 4 du PGDA sera en ligne avec la directive Nitrates. Ces éléments sont importants, mais n'ont pas la même portée que les critiques faites en Flandre et l'ayant contrainte à prendre de pareilles mesures.

    La Flandre représente en effet 94 % de la production porcine belge, évaluée à un peu plus de six millions de têtes. Au niveau des volailles, la Flandre héberge 84 % du cheptel belge. L'ensemble de son territoire est considéré comme une zone vulnérable alors qu'en Wallonie, seule une partie du territoire est concernée, en particulier la zone du nord du sillon Sambre-et-Meuse.

    La Wallonie axe la production porcine et avicole depuis des années sur la qualité différenciée et/ou le passage en bio des élevages, et nous sommes régulièrement amenés à rendre des avis négatifs ou conditionnés face à de mégaprojets d'élevage. Par exemple, les porcheries industrielles de Comines-Warneton.

    Quand ces avis sont rendus, nous avons régulièrement droit à des levées de boucliers : « Pourra-t-on encore s'installer en Wallonie ? On nous empêche de produire… », comme on peut l'entendre malheureusement encore trop souvent encore régulièrement pour d'autres dossiers, notamment celui de la mise en place du couvert végétal permanent le long des cours d'eau qui est une nécessité aussi, qui s'inscrit dans la même logique de préservation de nos ressources en eau.

    Mon objectif est clairement de relocaliser notre alimentation et de ramener de la valeur ajoutée dans les filières de production agricole. Nous devons donc encourager les installations et le renouvellement des générations en agriculture. On sait que c'est un

    problème essentiel, mais j'insiste pour que cela se fasse sans mettre en péril nos ressources en eau, nos sols, notre biodiversité, sans porter atteinte non plus au bien-être des animaux d'élevage. C'est un juste équilibre à trouver pour éviter de devoir prendre des mesures aussi drastiques que celles prises aujourd'hui en Flandre. Et aussi pour assurer plus largement dès lors la viabilité de notre agriculture et de notre élevage.

    La Wallonie de demain se construit dès aujourd'hui. Le Gouvernement flamand est amené aujourd'hui à tenir le même type de discours.

    À côté de la gestion de l'azote, les élevages intensifs posent aussi des questions importantes en matière de biodiversité ou de bien-être animal. Pour ce qui concerne la biodiversité, la Flandre est en effet également pointée du doigt concernant l'état de ses 47 sites Natura 2000, dont 38 sont considérés comme étant dans un « état de conservation très défavorable ». La Commission européenne exige toutefois que l'on mette un terme à cette situation au plus tard pour 2050. Vu l'état de dégradation de la

    situation, la Flandre n'a plus d'autre choix que de prendre pour cible les élevages les plus polluants et situés à proximité des zones Natura 2000.

    Concernant l'état de conservation des habitats en Wallonie, il est globalement considéré comme la négociation de la future PAC pour la mise en place de nombreuses mesures destinées à améliorer la biodiversité des exploitations wallonnes, préserver les prairies et milieux humides en zones et hors zones Natura 2000 et réduire l'emploi d'intrants chimiques.

    Si la Wallonie n'envisage pas ce type d'initiative à ce stade, c'est parce qu'elle cherche à anticiper ces obligations et que des mesures préventives sont prises dans chacun des permis d'environnement accordés aux éleveurs. À cet égard, je veux signaler que je n'ai, à mon niveau, jamais soutenu l'octroi de permis pour des élevages intensifs depuis le début de mon mandat.

    En matière de bien-être animal, dans la Déclaration de politique régionale, le Gouvernement wallon s'est engagé à évaluer les normes relatives aux élevages industriels – poulaillers, porcheries – et à les adapter le cas échéant. C'est dans ce cadre, notamment, que j'ai fait financer une étude relative aux normes de densités appliquées dans les élevages de poulets de chair.

    L'objectif était d'avoir une vue claire de l'impact des normes et des systèmes de dérogation actuellement mis en œuvre, tant pour le bien-être des animaux que pour les perspectives de développement de la filière. L'étude témoigne de marges d'amélioration existantes, notamment en termes d'indicateurs pour contrôler le bien-être des animaux. Nous étudions aujourd'hui les suites à y donner.

    Pour conclure, je vise des normes strictes de protection de notre environnement et à ce titre, depuis des années, je promeus des élevages en qualité différenciée ou bio. Là où ce principe est appliqué, cela porte ses fruits, mais il est essentiel que nous puissions maintenir des filières rémunératrices pour ces productions différenciées et positives pour l'environnement. Cela constitue et constituera encore le cœur de nombre de nos projets de soutien au secteur agricole et alimentaire.