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Les métaux lourds et la transition agricole

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 398 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 07/03/2022
    • de DUPONT Jori
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le passé industriel de la Wallonie a des conséquences, encore aujourd'hui, sur les sols de certaines régions. Nous l'avons récemment vu dans la Commission de l'environnement, de la nature et du bien-être animal avec la problématique des PCB, des PFAS/ PFOS ou encore avec les résultats du biomonitoring. Mais il y a aussi des traces dans les sols de certains métaux lourds comme le cadmium, l'arsenic ou encore le mercure.

    Il y a quelques mois, l'exploitation “La ferme dans l'assiette” gérée par deux maraîchers de la région verviétoise a dû mettre un coup de frein à son activité, car suite à un contrôle de l'AFSCA, il est apparu que les taux de cadmium enregistrés dans le sol de l'exploitation étaient “deux à trois fois supérieurs à la norme européenne”. Norme qui fut diminuée au mois d'août dernier de moitié.

    Cette problématique a été soulevée par une de nos collègues, Madame Kelleter, qui plaide dans un article de La Libre pour que le monde politique se penche sur les indemnités à donner aux maraîchers qui seraient concernés par un tel problème, car ils ne sont pas responsables de ces pollutions qui sont anciennes, il serait donc normal de les indemniser, mais rien n'existe encore.

    Dans ce cadre, est-ce qu'un mécanisme existe ou pourrait exister pour faire contribuer les pollueurs historiques et indemniser ainsi les maraîchers dans une logique pollueur-payeur?

    Cette problématique pose aussi la question de la SPAQuE et de la recherche des pollueurs. Le Gouvernement wallon avait prévu d'augmenter les budgets de la SPAQuE en matière de dépollution.

    Dans le budget de la SPAQuE, quelle part vient finalement des pollueurs historiques et n'est pas payée par l'argent public soit par les citoyens?

    Certaines pollutions sont certes trop anciennes et il n'y a plus vraiment quelqu'un à poursuivre, mais d'autres sont encore bien en activité ici ou ailleurs dans le monde.
  • Réponse du 21/04/2022
    • de TELLIER Céline
    La problématique de la contamination diffuse et historique des sols évoquée est bien connue. Elle fait partie de l’héritage du lourd passé industriel de la Wallonie, qui a été une des régions les plus productives au moment de la révolution industrielle.

    L’impact potentiel de cette contamination diffuse au niveau de la qualité des produits issus des exploitations agricoles a été mis en évidence récemment au niveau de l’exploitation de la « Ferme dans l’assiette ». En effet, une partie de la production de l’exploitation a été déclarée non conforme par l’autorité compétente pour le suivi et de contrôle de la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA). L’AFSCA a toutefois rappelé que les contrôles menés sur les légumes produits en Belgique pour la période 2019 – 2021 n’ont mis en évidence que 1,7 % de non-conformités, et que ces non-conformités concernaient un problème de cadmium dans des légumes feuilles (salade, choux feuilles, épinards) connus pour être accumulateurs de certains métaux lourds.

    Cependant, j’ai décidé de soutenir les maraichers en finançant un projet de recherche-action en vue caractériser la source de la pollution, d’étudier en profondeur les voies de transfert de ces polluants, et de dégager des lignes directrices pour identifier les pratiques agricoles qui permettraient de limiter ce transfert vers les végétaux.

    Concernant la problématique des indemnités en tant que telles, et comme déjà indiqué par mon collègue le Ministre de l’Agriculture, suite à l’interpellation de Madame la Députée Anne Kelleter le 8 février dernier, les règles en matière d’aides d’État n’offrent que peu de possibilités d’indemniser des agriculteurs pour des pertes résultant d’une pollution des sols. Hormis les dommages causés par des phénomènes climatiques défavorables ou par des maladies animales ou des organismes nuisibles aux végétaux, l’unique possibilité résiderait dans l’application éventuelle du règlement (UE) 1408/2013 qui permet l’octroi d’une aide de maximum 20 000 euros sur une période de 3 exercices fiscaux. Les sommes sont cependant très faibles.

    Au niveau du décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l’assainissement des sols (dit « Décret sol »), il s’agit de rappeler que le principe du pollueur-payeur est d’application en accord avec la directive européenne 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale. Cette directive est entrée en vigueur le 30 avril 2007, date utilisée par le décret sol pour distinguer les pollutions du sols historiques (pollution du sol causée par une émission, un évènement ou un incident survenu avant le 30 avril 2007) des pollutions nouvelles.

    Cette distinction permet de définir des objectifs de gestion différents (suppression de la menace grave pour les pollutions historiques, et assainissement selon les meilleures techniques disponibles pour les pollutions nouvelles), tenant compte de l’impact du passé industriel sur l’état de pollution des sols. Il est à noter que la notion de menace grave implique que les teneurs en polluants soient relativement élevées, ce qui n’est généralement pas le cas pour des contaminations diffuses telles que celle affectant potentiellement les parcelles de l’exploitation de la « Ferme à l’assiette ».

    Les dispositions prévues par le décret sol ne permettent donc pas de subventionner le coût de la réalisation d’études en vue de caractériser des contaminations diffuses (ces dernières relevant de la notion de concentration de fond), ou de les assainir, ni même d’indemniser les personnes physiques ou morales impactées.

    Concernant la gestion des teneurs élevées en polluant dans le sol, qui sont caractéristiques des friches industrielles polluées, elle fait l’objet depuis longtemps d’actions régionales, notamment à travers le financement de programmes de réhabilitation des sites pollués historiques considérés comme prioritaires. La SPAQuE est à cet égard un acteur important, et ses missions d'inventaire, d'investigations et d’assainissement ont été confirmées par le décret sol.

    Les sites relevant des actions de la SPAQuE sont ceux pour lesquels le mécanisme de pollueur-payeur ne peut plus s’appliquer, les acteurs ayant souvent disparu en laissant le site « orphelin ». Il est donc compliqué de recouvrir les frais engagés auprès de parties privées, et la responsabilité de la suppression de la menace grave et les dépenses qui y sont liées en incombent in fine à la Région. Si les acteurs sont encore en activité, il est clair que les dispositions relatives aux réglementations environnementales (permis d’environnement, décret sol …) permettent de s’assurer que la gestion de la pollution soit à charge de l’auteur de la pollution.