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Les possibilités de rétribution des agriculteurs captant du CO2 dans les terres agricoles

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 419 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 15/03/2022
    • de KELLETER Anne
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les sols constituent, au niveau mondial, le premier stock de carbone biologique, si l'on exclut les océans et les roches sédimentaires. En captant du CO2 de l'air via la photosynthèse, une plante absorbe du carbone. Si cette plante se décompose dans le sol, elle lui restitue son carbone sous forme de matière organique. Le sol s'enrichit alors de carbone, et devient plus fertile, plus résilient.

    Si l'on augmentait de 0,4 % par an la quantité de carbone contenue dans les sols, on serait capable de compenser l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre produits par la planète en un an. Les scientifiques s'accordent pour dire que le potentiel de stockage est énorme. Il faut donc sans plus attendre permettre « au vivant » de jouer un rôle d'amortisseur climatique en stockant du carbone. L'agriculture et la sylviculture constitueraient un élément majeur de la solution climatique mondiale.

    Cette approche, dans la continuité du projet agroécologique, nécessite un changement des modes de production et de notre rapport à la nature. Pour augmenter le stockage de carbone des sols agricoles, les chercheurs préconisent notamment l'amélioration des techniques de fertilisation, la couverture permanente des sols, l'agroforesterie… Recenser et transmettre tous ces moyens pour augmenter la capacité de piéger le carbone par les sols nécessite la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés.

    En Autriche, une rétribution financière est attribuée aux agriculteurs qui captent du CO2 dans leurs sols et dont les pratiques culturales respectent la vie du sol et, par conséquent, contribuent à lutter contre le changement climatique en captant ce CO2 .

    La Wallonie ne pourrait-elle pas s'inspirer des bonnes pratiques des autres pays en rétribuant les agriculteurs captant du CO2 dans leurs sols ?
  • Réponse du 24/03/2022
    • de BORSUS Willy
    Si notre agriculture contribue pour 11.2 % aux émissions des gaz à effet de serre, elle joue aussi, via les sols, un rôle de puits de carbone, susceptible d'atténuer ces émissions. La réduction du niveau global de ses émissions de gaz à effet de serre constitue de fait un défi majeur que notre agriculture wallonne peut relever. Nous mettons en place des mesures et des projets et nous soutenons les acteurs de terrain à cet effet.

    Dans le cadre de la nouvelle PAC 2023-2027, nous avons fait le choix d’une nouvelle mesure Agro-Environnementale et Climatique liée au « sol » qui vise l’amélioration et le maintien du carbone organique dans les sols. Cette mesure est liée au futur écorégime, toujours dans le même contexte de la PAC, « couverture du sol » qui encourage le maintien long de couverts pendant la période hivernale. Ces intercultures, en étant restituées au sol, améliorent la teneur en humus et participent de la sorte aussi au stockage du carbone dans les sols.

    Des associations comme Greenotec et Protect’eau, que nous soutenons financièrement, sont là pour accompagner sur le terrain les agriculteurs dans leurs nouvelles pratiques d’agriculture de conservation des sols et dans la gestion raisonnée de la fertilisation.

    Nous avons aussi fait le choix de soutenir le maintien des prairies permanentes qui représentent 43 % de la SAU wallonne au travers du nouvel écorégime « prairie permanente ». Or nous savons que ce type de couvert est un formidable puits qui relarguerait son carbone s’il devait être détruit et transformé en terre arable. Une donnée récente – encore à confirmer - pourrait néanmoins nuancer la capacité de stockage des prairies permanentes. Selon des mesures du Réseau Requasud publiées dans le tableau de bord de l’environnement, le stock de carbone des prairies de plusieurs régions agricoles de Wallonie serait actuellement en diminution. Les raisons de cette minéralisation ou déstockage du carbone sont encore à définir. Les hypothèses actuelles qui sont encore à vérifier pourraient être de manière indépendante ou combinée, les sécheresses de ces dernières années, une augmentation du nombre de coupes avec une utilisation importante d’engrais minéraux ou encore l’augmentation des rénovations des prairies permanentes par retournement et resemis. Il est donc important de protéger le stock existant et aussi de retrouver des conditions favorables au stockage supplémentaire.

    Il était indispensable, de manière concomitante, de soutenir notre élevage d’herbivores. C’est ce que nous avons fait en proposant à nouveau un soutien couplé d’ampleur (21,3 % de l’enveloppe paiement direct de la future PAC) à destination de notre élevage de bovins et d’ovins.

    Depuis le 1er octobre 2021, selon le décret du 2 mai 2019, un couvert végétalisé permanent (herbacé ou ligneux) doit être implanté le long des cours d’eau bordant toute terre de culture (à l’exception des parcelles exploitées en culture biologique) sur une largeur de 6 mètres à partir de la crête de berge. Ce couvert permanent, ces cordons rivulaires permanents contribueront également à piéger le carbone.

    Dans le cadre du projet Yes WE Plant, une aide complémentaire « clé sur champ » est proposée aux agriculteurs qui ont l’obligation d’installer un couvert végétal permanent. L’agriculteur peut directement s’adresser à Natagriwal pour obtenir un accompagnement complet : de la création du projet à la réception du chantier de plantation. Le financement des plants et leur plantation sont entièrement pris en charge par la SPGE.

    N'oublions pas non plus le choix du soutien au maintien des éléments arborés du paysage, tels les haies et les arbres, au travers du nouvel écorégime « maillage écologique ». Nous favorisons également les plantations ligneuses le long des cours d’eau devant disposer d’un couvert végétal permanent sur une largeur de 6m pour les bandes tampons dès cette année. L’accompagnement des agriculteurs dans ces pratiques agro-environnementales est réalisé par l’association Natagriwal que nous subsidions à cet effet. Afin d’appliquer les techniques les plus adaptées sur l’exploitation et de permettre à l’agriculteur de suivre son impact en termes de résultats, un Outil d’Aide à la Décision appelé DECIDE a été créé pour le contexte wallon par le Centre de Recherche Agronomique wallon. Grâce à sa conception par approche du cycle de vie, il permet une vue holistique en termes d’impact de ses pratiques sur le bilan des gaz à effet de serre. Un volet « sol » de cet outil est en cours de développement pour y intégrer de manière plus forte une composante sur la dynamique du carbone dans les sols. Ces développements s’appuient sur des projets existants ou antérieurs tels CarboSeq, CARBIOSOL et INDIGGES.

    Dans le cadre du plan de relance de la Wallonie, en plus de la révision de DECIDE pour le rendre plus opérationnel, il est prévu une étude de faisabilité de développement et mise en œuvre de méthodes de compensations pour services environnementaux. Il est prévu dans le marché en cours de passation d’analyser la faisabilité de compenser les services liés au carbone, à la biodiversité et un troisième service à définir.

    Des initiatives privées liées au marché du carbone certifié voient le jour en Wallonie, tel Soil Capital. Nous restons attentifs à leur développement afin de s’assurer qu’ils soient bien pertinents, efficaces et compatibles avec les dispositions réglementaires en cours d’élaboration au niveau européen.

    Certains principes de précaution doivent être pris en considération :
    − la contribution au stockage de carbone ne doit pas dédouaner les acquéreurs de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre ;
    − les systèmes de rétribution au stockage de carbone permettent bien un bilan net positif ;
    − ils ne peuvent pas se faire au détriment d’impacts sociaux ou environnementaux.

    Les réductions qui apparaissent dans l’inventaire et la comptabilisation officielle des émissions régionales de gaz à effet de serre, et qui sont donc prises en compte dans l’atteinte de nos objectifs de réduction, ne peuvent a priori pas être simultanément comptabilisées et/ou vendues sur les marchés volontaires du carbone comme une compensation nette des émissions des entreprises qui financeraient ce type de projets, car cela constituerait un double comptage des émissions.

    Avant de baser une rémunération sur les résultats d’un modèle, il convient d’abord de tenir compte des incertitudes autour du stockage de carbone et ensuite d’y associer une vérification sur site.

    Ces aspects sont suivis avec attention par les administrations concernées.