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La pollution médicamenteuse des rivières

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 428 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 15/03/2022
    • de KELLETER Anne
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Selon une étude publiée le 14 février dernier dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, un quart des rivières de l'ensemble du globe contient des substances médicamenteuses à des niveaux considérés comme dangereux.

    Selon l'OCDE, la Belgique est le troisième plus gros consommateur d'antibiotiques du continent (derrière la Grèce et Chypre), avec une utilisation supérieure de plus de 40 % à la moyenne européenne.

    Quelles informations Madame la Ministre peut-elle nous partager quant à la pollution médicamenteuse des rivières wallonnes ? Quel impact a cette pollution sur la santé humaine et la flore et faune sauvage ? Quel est son plan d'action pour lutter contre cette pollution ? En particulier dans les zones qui ne bénéficient pas encore d'un système d'épuration ?

    Selon l'étude, les points d'eau les plus préservés sont quant à eux situés soit dans des zones inhabitées, soit dans des endroits où la population n'a pas recours à la pharmacopée occidentale, soit dans des villes disposant de systèmes de traitement de l'eau très sophistiqués, comme à Bâle. En revanche, les rivières situées à proximité d'usines pharmaceutiques ou de décharges d'eaux usées non traitées sont souvent les plus polluées.

    Le secteur biotech est très présent sur le sol wallon. Quelles mesures sont donc prévues afin de surveiller la situation des eaux autour des entreprises de production de médicaments ?

    A-t-elle pris des contacts avec le secteur biotech pour déterminer s'il peut contribuer, dès la conception des médicaments, à réduire la partie qui ne sera pas assimilée par le corps humain et qui se retrouve dans les cours d'eau ?
  • Réponse du 25/04/2022
    • de TELLIER Céline
    Dans la période 2013-2018, la Wallonie a consacré un budget important (1,35 million d’euros) à trois programmes de recherche portant sur les résidus de médicaments, les perturbateurs endocriniens et d’autres substances d’intérêt récent.

    Parmi eux, le projet IMHOTEP, pour Inventaire des matières hormonales et organiques en traces dans les eaux patrimoniales et potabilisables, finalisé en 2018 a permis une première reconnaissance de la présence dans nos rivières de 44 résidus de médicaments.

    L’honorable membre trouvera le rapport final de cette étude en suivant le lien repris ci-dessous :
    eau.wallonie.be/IMG/pdf/IMHOTEP_RF_180807.pdf

    En résumé, comme dans toutes les régions du monde densément peuplées et en dépit de notre taux d’équipement en stations d’épuration, des résidus se retrouvent à des niveaux de concentration notables dans les eaux de surface.

    L’Europe en a pris conscience il y a une dizaine d’années. Ainsi, le suivi de la Directive relative aux normes de qualité environnementale, dite « NQE », passe par différents processus, notamment des listes intermédiaires appelées « watchlists » visant à recueillir des données de surveillance à l’échelle de l’Union sur des polluants émergents susceptibles de présenter un risque significatif pour l’environnement.

    Des substances médicamenteuses ont donc été suivies en 2016-2020 dans ce cadre : antibiotiques macrolides, anti-inflammatoires non stéroïdiens, hormones de synthèse et naturelles.

    Les analyses réalisées en 2016-2020 ont mis en évidence la présence de diclofénac, d’hormones et de clarithromycine dans les eaux de surface wallonnes.

    L’Europe a jugé avoir collecté assez de données pour établir des normes de qualité environnementale pour ces molécules et un travail d’établissement de normes de qualité environnementale (NQE) est en cours au niveau européen. Il se base sur des études scientifiques du risque éco-toxicologique. Ces seuils NQE à respecter tiennent également compte des risques sanitaires.

    En cas de dépassement des futures NQE, chaque État membre devra prendre les mesures adéquates pour ramener les concentrations de ces molécules sous le seuil NQE.

    L’amélioration des connaissances reste une priorité (détermination de l’origine des émissions, du cheminement des substances, des impacts, interprétation et élargissement de l’analyse à d’autres substances à risque) avant de proposer des mesures pour les maîtriser. Ces éléments ont justifié une suite à l’étude IMHOTEP, le projet ISEMA qui se terminera cette année.

    Par ailleurs, partant des constats du projet wallon IMHOTEP, le projet européen INTERREG DIADeM (développement d’une approche intégrée pour le diagnostic des eaux de la Meuse) s’est achevé et a impliqué 15 partenaires wallons et français afin d’identifier et de mesurer les perturbations dues aux rejets des médicaments dans l’eau de la Haute Meuse et de ses affluents.

    À ce stade, les tests de bioaccumulation réalisés dans le cadre du projet DIADeM pour 5 médicaments ont montré que les molécules s’accumulent peu dans le vivant, même en aquarium à des concentrations 100 fois supérieures à celles mesurées dans l’environnement.

    Au niveau des sources de contamination, la quasi-totalité des établissements pouvant générer une charge importante en résidus médicamenteux se situe en zone urbaine. Leurs eaux usées transitent donc par des stations d’épuration publiques. Il a pu être déterminé que les hôpitaux ne contribuent qu’à concurrence de 20 % des charges médicamenteuses en zone urbaine, le reste étant lié directement à l’usage de médicaments par la population.


    Afin d’abattre les concentrations en médicaments rejetées par les STEP, un traitement « end of pipe » ne serait envisageable que sur les plus grosses STEP.

    La Wallonie suit donc la stratégie européenne sur les substances médicamenteuses, notamment dans l’intention du Parlement européen de limiter les risques à la source.

    Les actions menées pour le moment se concentrent sur le diagnostic :
    - projets de recherche ;
    - équipements de déversoirs avec des échantillonneurs ;
    - vérification des apports d’établissements susceptibles de générer des charges plus importantes (maisons de repos, centres de revalidation).

    Elles portent par ailleurs sur la sensibilisation, notamment la collecte adéquate des médicaments périmés.

    La stratégie de limitation des substances médicamenteuses et de leurs effets sur l’environnement est une stratégie multiple qui portera sur diverses actions :

    - dès la conception, évaluation de l’impact environnemental de la molécule ;
    - prescriptions (le médecin aura la possibilité de prescrire, pour un même traitement, une molécule avec un impact environnemental moindre) ;
    - mesures sur la collecte des médicaments non utilisés ;
    - amélioration des rendements d’abattement des STEP.