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La stratégie wallonne dans l'appel à projets du partenariat européen pour l'hydrogène propre

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 423 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 18/03/2022
    • de DI MATTIA Michel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le partenariat pour l'hydrogène propre officiellement lancé le 29 novembre 2021 avec l'ambition de mettre en œuvre la stratégie de l'UE en la matière a inauguré le 1er mars 2022 un premier appel à projets. Cet appel se traduit par des propositions sur 41 sujets de recherche liés à l'hydrogène et dont une part importante du financement sera allouée à la production et au stockage de l'hydrogène. Pour rappel, la Commission estime que d'ici 2050 de 9 à 14% de la demande énergétique européenne pourrait être couverte par de l'hydrogène dit propre.

    Le nouveau programme de recherche adopté, lui, le 25 février, prévoit la mobilisation de 600 millions d'euros pour divers projets destinés à développer la jeune économie de l'hydrogène en Europe, en réduisant ses coûts de production. C'est le cas en priorité notamment dans les « vallées » de l'hydrogène, où les consommateurs industriels d'hydrogène sont couplés à une infrastructure de production et de distribution afin de couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène dans une région spécifique.

    Au regard de ce nouvel appel à projets, ainsi que des caractéristiques de la Wallonie et de ses priorités affichées dans la DPR, le Gouvernement wallon s'inscrit-il bien dans cette dynamique européenne ?
    Le cas échéant, quels types de projets Monsieur le Ministre va-t-il favoriser ?

    Quelles sont les concertations prévues avec l'échelon fédéral sur le sujet ?

    De quelle autonomie bénéficie le programme wallon par rapport à la stratégie fédérale pour l'hydrogène ?

    Compte tenu de la situation actuelle de crise, compte-t-il demander au Gouvernement wallon d'adapter, voire d'accélérer le processus d'implémentation de l'hydrogène propre dans notre Région?

    À l'instar de la Silicon Valley, les ambitions wallonnes pourront-elles faire de la Wallonie, et plus largement de la Belgique, une vallée de l'hydrogène ?
  • Réponse du 19/04/2022
    • de BORSUS Willy
    Le Plan de relance wallon prévoit 117,2 millions d’euros dans l’axe 1.3.2 pour déployer une filière wallonne « hydrogène ». Trois projets ont été prévus pour permettre ce déploiement.
    Le projet 46 « Mettre en place une stratégie et un cadre incitant au déploiement de l'hydrogène vert en RW » relève des attributions de mon collègue, Monsieur Philippe Henry.

    Le but de ce projet est, dans le cadre des initiatives européennes, de lancer un marché de service sur les trois piliers (science d'excellence, problématiques mondiales et compétitivité industrielle européenne, Europe plus innovante) afin de répondre de manière efficace aux enjeux liés à l’hydrogène. Le marché devra pouvoir mandater un consortium qui pourra accompagner la Wallonie dans le processus législatif en lien avec le futur paquet hydrogène.

    Le projet 47 « Soutenir le déploiement d'une filière wallonne « hydrogène » : recherche, production verte et applications sectorielles » est doté d’une enveloppe budgétaire de 102,2 Mio d'euros et est sous ma tutelle.

    L’objectif de ce projet est de financer un ensemble de sous-projets cohérents qui couvrent l’ensemble de la filière de production d’hydrogène vert ainsi que des applications multiples de l’hydrogène comme vecteur énergétique sous forme de e-methane, e-méthanol, e-kérosène ainsi que l’adaptation de dispositifs (moteurs, réservoirs à hydrogène, piles à combustibles, entre autres) pour permettre son utilisation et sa valorisation, via le financement de projets soumis dans le cadre des appels à projets IPCEI Hydrogène. Deux projets ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel lancé par la Commission européenne en 2020 : KeroLhyme (le projet KéroLhyme, avec comme partenaires les sociétés Engie et Lhoist, a pour objectif de développer un projet industriel pour produire du kérosène de synthèse avec un électrolyseur de 100 MW) et Colombus (le projet Colombus implique Carmeuse, ENGIE et John Cockerill, qui ont signé un accord de développement conjoint pour un projet innovant de capture et d'utilisation du carbone (« CCU ») en Wallonie. Ce projet permettra de concentrer le CO2 provenant d'un nouveau type de four à chaux innovant, de le combiner avec de l'hydrogène vert et de produire du « e-méthane », un gaz renouvelable qui peut être injecté dans le réseau de gaz ou utilisé dans les transports ou dans l'industrie. L'hydrogène vert sera produit par une usine d'électrolyse de 75 MW alimentée par de l'électricité verte).

    Enfin, le projet JCH2 de John Cockerill est également soutenu par la Région dans la procédure IPCEI auprès de la Commission européenne. Le projet de John Cockerill consiste en une ligne de production d’électrolyseurs haute puissance, jusqu’à 100 MW, répartie entre l’Alsace et Seraing. Les deux Etats-Membres travaillent en coordination pour voir émerger, côté français, une usine de production de stacks (éléments intérieurs à l’électrolyseur) et, côté wallon, une ligne d’assemblage des électrolyseurs pour le marché européen. Ce projet est accompagné d’un paquet de R&D et d’innovation conséquent pour augmenter la capacité des électrolyseurs de 5 MW aujourd’hui à 100 MW. Cette R&D est répartie entre les sites français et wallons.

    Le projet 48 « Soutenir l’intégration sectorielle d’hydrogène vert dans les secteurs du transport ou de l’industrie au sein d’une chaîne énergétique liant la production, éventuellement le transport local et l’utilisation ciblée » est doté d’une enveloppe budgétaire de 15 Mio d’euros et est sous la tutelle du Ministre Henry.

    L’objectif est de lancer un appel à projets qui devra permettre la mise en œuvre de projets de démonstrations intégrés sur la base d’une demande clairement identifiée et d’une fourniture adaptée. Les consortiums seront engagés de manière solidaire afin d’assurer un optimum économique en favorisant les circuits courts d’approvisionnement et en quantifiant l’impact carbone du projet (gains directs et indirects dans les émissions de CO2).

    L’appel à projets a été lancé en juillet 2021, pour un budget global de 25 Mio d’euros (financés par le fonds Kyoto et le Plan de relance wallon) et a débouché sur la sélection de 4 projets :

    WalHyco (Le corridor hydrogène Wallon pour le transport de fret).
    Le projet présente une production locale d’hydrogène vert par électrolyse (5 MW) au départ d’électricité fournie par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. L’hydrogène sera vendu à une station de rechargement « DATS » à Ollignies et pourra alimenter au moins 22 camions (1200 kg/jour). Ces camions appartiendront à, plusieurs opérateurs de transport et de commerce en Wallonie, partenaires du projet, pour le transport de fret (boissons) : ABInbev et Spadel.

    H2C-Mouscron (Hydrogène circulaire Mouscron)
    Mydibel Fresh transforme des pommes de terre à Mouscron. Avec ses déchets, il produit du biométhane et a installé des unités de cogénération. Le projet consiste à utiliser l’électricité excédentaire pour faire de l’électrolyse d’eau. L’hydrogène ainsi produit serait utilisé sur place pour 4 camions dual fuel (hydrogène -diesel), 4 camions fuel cell, 3 tracteurs de Mydibel et 3 camions-poubelles de Cogetrina.

    W2T (Wind2Truck)
    L’objet du projet Wind2Trucks consiste en la construction, à Leuze-en-Hainaut, d’une station d’électrolyse de l’eau de 1,25 MW, de la compression et du stockage de l’hydrogène produit et de la distribution de cet hydrogène pour alimenter 10 camions fonctionnant au moyen d’une pile à combustible à hydrogène. L’électricité qui alimentera l’électrolyseur sera fournie à 61,6 % par une éolienne, à 30,6 % par un parc photovoltaïque à construire et à 7,8 % par de l’électricité fournie par le réseau.

    ZELLIE
    Ce projet propose la production locale de 5 MW d’hydrogène vert sur le site de Renory afin de décarboner deux barges opérant actuellement entre Liège et Anvers et pour lesquelles l’électrification directe ne semble techniquement pas possible, ainsi que d’autres usages logistiques lourds (poids lourds) : avec Virya, Eoly Energy, Novandi group, John Cockerill et Anglo Belgian Corporation (ABC).

    Les projets ZELLIE et WalHyCo, dépendant uniquement du Fons Kyoto, ont déjà démarré. Les projets W2T et H2C Mouscron impliquent d’abord de créer un consortium. Leurs arrêtés de subsidiation et leur démarrage se feront sous peu.

    De plus, les Pôles de Compétitivité GreenWin et MecaTech ont lancé en juillet 2021 un appel à projet exceptionnel, financé au travers du PNRR, ayant pour objectif de fédérer les forces de plusieurs acteurs industriels majeurs représentant des secteurs de l’industrie lourde afin de pouvoir, avec l’aide des centres de recherche et laboratoires universitaires compétents, développer un ensemble du portefeuille de technologies qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2. Parmi les projets déposés, le projet PLASMALYSE HYBRIDE implique le développement d’un nouveau procédé de production d’hydrogène (turquoise dans un premier temps, puis verte une fois les approvisionnements en énergies renouvelables suffisants) et vise à développer un pilote préindustriel d’une capacité de production de 1000T/an d’hydrogène. Le Jury du Gouvernement s’est réuni ce 27 janvier 2022 pour finaliser la sélection des projets. Les résultats seront validés prochainement par le Gouvernement wallon.

    Ainsi, les appels à projets lancés en recherche et développement, mais aussi en production et en consommation ont pour objectif de lancer concrètement la filière de l’hydrogène en Wallonie. Cette approche s’inscrit donc aussi bien dans l’approche européenne des « vallées » de l'hydrogène, où les consommateurs industriels d'hydrogène sont couplés à une infrastructure de production et de distribution afin de couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène dans une région spécifique.
    Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le territoire de la Wallonie reste limité. Produire de l’hydrogène « vert » revient, dans la majorité des cas, à électrolyser de l’eau au départ d’électricité « verte ». Or, pour respecter l’impératif d’efficience énergétique, la priorité doit être donnée à l’utilisation directe de l’électricité. En effet, la fabrication de l’hydrogène a un coût financier et énergétique. Il ne peut donc être fabriqué qu’avec la part d’électricité « verte » qui n’est pas directement utilisée.
    En Wallonie, ce reliquat d’électricité restera limité, même si aucune opportunité acceptable de produire des électrons « verts » ne sera négligée (telle, par exemple, la création de microcentrales hydroélectriques pour autant que les impératifs régionaux et européens liés aux cours d’eau soient respectés). Son importation depuis d’autres régions, autant que possible européennes, doit clairement être envisagée. Toutefois, il ne peut pas être exclu d’envisager aussi sa fabrication au départ d’électricité issue de l’énergie nucléaire si la décision était prise en Belgique de maintenir temporairement cette possibilité. Cette alternative s’entend, bien entendu, dans l’attente d’une montée en puissance de l’éolien off-shore qui devrait pouvoir couvrir, à terme, une grande partie des besoins énergétiques de l’UE.

    Il convient par ailleurs de noter que les négociations relatives à l’hydrogène au niveau belge se déroulent au sein de CONCERE/ENOVER (https://pacte-energetique2050.be/concere.html). Pour rappel, il s’agit d’un groupe de concertation qui renforce la coopération entre les Gouvernements fédéral et régionaux dans le domaine de l'énergie. Une commission particulière y traite régulièrement de l’hydrogène. En résumé, le transport d’hydrogène à grande échelle relève de la compétence fédérale. Le reliquat relève des régions. L’autonomie de la Wallonie, dans le cadre des plans stratégiques belges et européens en la matière, est donc assez importante.

    Par ailleurs, des échanges et concertations ont régulièrement lieu entre les administrations des trois régions, mais aussi avec les régions voisines. La Wallonie est en effet représentée dans les groupes de travail sur l’hydrogène du BENELUX, du « Pentalateral Energy Forum » (https://www.benelux.int/nl/kernthemas/holder/energie/pentalateral-energy-forum/) et du « Clean Hydrogen JU » (https://www.clean-hydrogen.europa.eu/index_en). L’administration participe également aux travaux menés sur la mise en place de la filière de l’hydrogène dans le cadre des « grandes régions ».

    Finalement, en plus des appels à projets déjà lancés, l’année 2022 est consacrée à l’élaboration d’un plan stratégique wallon pour l’hydrogène pour les 10 années à venir. Ce plan, destiné à intégrer et à coordonner tout ce qui concerne la filière de l’hydrogène en Wallonie, impliquera de nombreuses thématiques. Outre la mise en place de la production et de la consommation d’hydrogène, il prendra aussi en compte la recherche, la formation et l’emploi liés à cette filière et l’identification des vides juridiques qu’il faudra combler. Les implications sociales de l’abandon des carburants fossiles au profit de l’hydrogène ne seront pas non plus négligées.

    Ce plan, basé sur une analyse holistique de la situation, est donc ambitieux dans son approche et tiendra forcément compte des impacts engendrés par le contexte international actuel. Il se veut cependant réaliste et applicable concrètement. Bien évidemment, il sera en adéquation avec les décisions et plans déjà existants aux niveaux régional, fédéral et européen, tant au niveau global de l’énergie qu’au niveau de l’hydrogène.

    L’idée générale est de rassembler une quarantaine de stakeholders représentatifs de la société wallonne pour leur faire élaborer une proposition de plan stratégique qui sera soumise au Gouvernement wallon. Pour ce faire, ils seront encadrés par des experts qui leur serviront d’animateurs et de référents. Un appel d’offres pour ce groupe d’experts a été lancé fin 2021. L’analyse des offres est en cours.

    La Wallonie bénéficie de la présence d’acteurs industriels majeurs du secteur de l’hydrogène, et d’acteurs de recherche compétents dans la thématique. Des initiatives d’ampleur sont déjà en cours et la définition du plan stratégique wallon permettra d’autant plus de positionner la Wallonie sur l’échiquier européen de l’hydrogène, l’élaboration de ce plan stratégique fait aussi partie du projet du Plan de relance n° 46.