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Les suites de la pollution de l’Escaut en avril 2020

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 468 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 24/03/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les 9 et 10 avril 2020, une rupture d'une digue des bassins de décantation de la sucrerie française Téréos a provoqué une importante pollution de l'Escaut sur le territoire wallon et une disparition conséquente de la faune piscicole !

    En violation du droit international de l'Environnement, l'arrêté préfectoral français ne prévoit aucun dédommagement sur le territoire wallon ! Sur proposition de Madame la Ministre, le Gouvernement wallon désigna un bureau d'avocats spécialisé afin d'assurer la défense des intérêts wallons et d'indemniser le dommage subi.

    Peut-elle faire le point sur le dossier et les procédures judiciaires civiles et pénales introduites ?

    Quel est l'objet des requêtes et recours lancés par les conseils de la Wallonie et quelles sont les dispositions juridiques sur lesquelles ceux-ci se fondent ?

    Quelle est la hauteur des dommages environnementaux, écologiques et matériels comptabilisés par les services de l'administration ?

    Peut-elle en fournir le détail ?

    Des condamnations sont-elles intervenues ? Lesquelles ? Des dédommagements ont-ils été honorés ? Lesquels ?

    La vie aquatique du fleuve a-t-elle pu être rétablie ? De quelle manière et avec quels résultats ? Le rempoissonnement est-il intervenu ? Quelle fut son importance ?

    La restauration des berges et la création de zones de frayères sont-elles concrétisées ?

    Quels furent les moyens engagés  ?
  • Réponse du 04/05/2022
    • de TELLIER Céline
    Comme l’honorable membre le rappelle bien, l’arrêté préfectoral français, qui découle d’une application française de la Directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale, n’a pas pris en compte les dommages survenus sur le territoire wallon pour déterminer les mesures de réparation qui doivent être mises en œuvre ou financées par le responsable. Un cabinet d’avocats français spécialisé a été mandaté et a introduit deux recours distincts : un recours contre la décision de non-prise en compte du dommage wallon ainsi qu’un recours contre l’arrêté final.

    Ces dossiers sont en cours devant le Tribunal administratif de Lille qui devrait recevoir dans les semaines qui viennent les mémoires des parties adverses.

    Ces recours ont pour objet de revendiquer la prise en compte du dommage wallon et dès lors, l’imposition de mesures de réparation ayant pour objet de réparer ce dommage, sur base des dispositions de la Directive précitée. Une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne pourrait, le cas échéant, être posée par le tribunal administratif dans le cadre de ce recours.

    Outre cette procédure administrative, le même cabinet d’avocats a été mandaté pour introduire une constitution de partie civile dès que la Région wallonne aura été notifiée d’une fixation devant les juridictions pénales françaises en vue de réclamer la réparation complète des préjudices subis.

    Cette procédure se base notamment sur des dispositions du Code de l’Environnement français (e.a. articles L.432-2 – L.173-3) et du Code de procédure pénale français (article 2).

    Actuellement, aucune condamnation pénale n’a été prononcée en ce que les faits font toujours l’objet d’une information/instruction judiciaire au sein des juridictions françaises.

    En ce qui concerne les mesures déjà adoptées indépendamment des procédures en cours, il faut souligner que, chaque année, un marché de fournitures de poissons d’étang de déversement est financé par le fonds budgétaire pour la gestion piscicole et halieutique et bénéficie aux fédérations de pêche agréées.

    À la suite de la pollution d’avril 2020, le Service de la pêche, en accord avec la Fédération halieutique et piscicole des sous-bassins Escaut-Lys, a proposé de modifier le plan de déversement initial afin de réorienter les déversements programmés vers l’Escaut plutôt que vers les coupures du fleuve et les canaux environnants peu touchés par la pollution.

    En deux ans, la majeure partie des empoissonnements ont été effectués sur le cours principal de l’Escaut : 2 388 kg de gardons, 595 kg d’ides mélanotes, 470 kg de tanches, 715 kg de carpes communes et 640 brochetons.

    Au regard de la biomasse perdue à cause de la pollution, les quantités déversées restent faibles. En outre, ces déversements ne constituent pas une solution efficace pour une reconstitution rapide et, surtout, à long terme de la biomasse perdue.

    Des déversements de brochetons, de carpes et de gardons sont encore planifiés en 2022. Le service de la pêche a effectué fin mars un déversement de 30 kg de civelles dans le cadre des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes établies dans le plan national de gestion de l’anguille (règlement (CE) N°1100/2007 du 18 septembre 2007).

    En ce qui concerne l’évaluation des dommages subis (notamment les dommages environnementaux), ceux-ci peuvent être qualifiés de significatifs, avec une mortalité importante et brutale de la faune aquatique sur l’ensemble des 26 kilomètres du parcours wallon de l’Escaut. En certains endroits, une espèce sur deux de poisson a disparu. La perte initiale de biomasse piscicole est estimée entre 45,5 et 70,2 tonnes sur le parcours wallon de l’Escaut.

    Les observations environnementales menées au cours de l’été 2021, soit 16 mois après la pollution, ne montrent pas de rétablissement vers une communauté piscicole naturelle dans l’Escaut wallon comparable à celle observée avant la pollution. Des mesures de restauration doivent donc être prises afin de permettre le retour vers une communauté naturelle riche et équilibrée.

    Ces mesures de restauration doivent permettre non seulement un retour à l’état initial, mais de manière générale tout le préjudice subi. Étant donné les dommages importants et durables sur la faune piscicole de l’Escaut, seules des mesures de restauration structurelles peuvent garantir un retour durable des communautés endommagées. Il ne s’agit pas de simplement empoissonner pour permettre ce retour vers un équilibre écologique favorable. C’est dans ce contexte qu’un marché public de service a été initié pour établir une liste de mesures de restauration dont le coût sera réclamé au responsable dans le cadre des procédures judiciaires en cours. Pour chacune de ces mesures, les contraintes techniques et financières seront évaluées afin d’en estimer le rapport coût/bénéfice et de dégager les actions à mettre en œuvre.