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L’influence de l’inflation sur l’industrie et l’agriculture

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 538 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 31/03/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La hausse importante des prix des matières premières met l'agriculture et l'industrie sous pression !

    Monsieur le Ministre partage-t-il ce constat et dispose-t-il de données qui permettent de décrire la situation sur le plan wallon ?
    Quelles sont-elles et quelle est son analyse ?

    Des variantes existent-elles dans les secteurs touchés ?
    Quelles sont-elles et comment les expliquer ?

    Quelles sont ses mesures prises pour limiter l'effet de cette inflation sur les secteurs de l'agriculture et de l'industrie ?

    A l'image de ce qui fut fait durant la Covid, des aides particulières et ciblées sont-elles envisagées ?
    Lesquelles et quel en est l'effet attendu sur le plan micro et macroéconomique ?
  • Réponse du 28/04/2022
    • de BORSUS Willy
    L’envolée des prix des intrants est malheureusement un phénomène généralisé, observable en Wallonie, mais également un peu partout en Europe et dans le Monde. La guerre en Ukraine est bien entendu un facteur déterminant dans cette augmentation. En effet, la Russie est le principal fournisseur de gaz de l'Union européenne et le deuxième exportateur mondial de pétrole. Mais c'est aussi, comme l'Ukraine, une grande puissance agricole : les deux pays représentent ensemble par exemple 30 % des exportations de froment au niveau mondial.

    La guerre induit de réelles incertitudes sur l'approvisionnement des matières premières et contribue à provoquer l'envolée des cours des marchés mondiaux. Les principaux éléments impactant le secteur agricole sont l’énergie, les matières premières pour l’alimentation animale et les engrais.

    En Wallonie, les productions sont touchées de manière différente selon leur dépendance vis-à-vis de ces éléments. Lors d’un groupe de travail organisé avec mon Administration, nous avons mis en évidence trois spéculations encore plus spécifiquement impactées de manière directe par cette situation : les volailles, les porcs et les fruits à pépins.

    Pour le secteur avicole, la flambée du prix des matières premières destinées à l’alimentation et les risques de pénurie constituent les facteurs les plus préoccupants. La guerre en Ukraine a aggravé une situation qui était précédemment déjà très délicate. De plus, pour les élevages biologiques, les composants alimentaires, d’origine biologique, riches en protéines, comme le tournesol et le soja, se raréfient. Ce sont surtout les « concentrés à haute teneur en protéines » en provenance d'Ukraine, comme les tourteaux de soja, qui font défaut. Le remplacement, par des protéines moyennement concentrées, comme les pois, ne couvre pas suffisamment les besoins des animaux (surtout en méthionine, acide aminé essentiel à leur croissance). Cette difficulté est renforcée par l’imposition du nouveau règlement européen sur l'agriculture biologique, d’une alimentation 100 % d’origine biologique, sans possibilité de dérogation.

    Pour le secteur porcin, les aliments représentent environ 65 % des coûts de production et exercent une forte pression sur les marges des producteurs. Comme pour la filière avicole, la flambée du prix des matières premières continue son ascension entrainant un risque de rupture d’approvisionnement et une forte tension sur les prix.

    Le secteur des fruits à pépins, pommes et poires, est de façon générale, en position délicate en Wallonie, en raison de prix de marché faibles et souvent inférieurs aux coûts de production. Cette baisse des prix du marché est malheureusement couplée à une hausse, sans précédent, des coûts de l’énergie et des intrants, inhérente à la guerre. Il faut également rappeler le contexte d’embargo biélorusse, qui a pris effet en janvier 2022, lequel accroît encore la tension sur le marché.

    L’énergie est une charge importante dans toutes les productions agricoles, notamment en raison des besoins en carburant, mais particulièrement dans le secteur des fruits, pour le stockage en chambre froide et les protections nécessaires face aux gelées printanières. Le marché des fruits à pépins est donc perturbé par une hausse des coûts significative, un dérèglement des échanges et des restrictions commerciales suite à la guerre.
    Vu la difficulté de la situation actuelle, plusieurs aides ont été/seront mises en place pour aider nos agriculteurs :

    1° une mesure d’aide au stockage privé de viande de porc, fraîche ou réfrigérée a été mise en place pour aider les filières agricoles à faire face aux graves difficultés qu'elles connaissent depuis plusieurs mois : ralentissement des exportations vers la Chine, poursuite de la propagation de la peste porcine africaine vers certains États membres, incidence persistante des restrictions imposées par la Covid-19 et enfin, invasion de l'Ukraine par la Russie créant des perturbations supplémentaires du marché et affectant gravement les exportations de viande de porc dans l'Union ;

    2° cet automne, des paiements d’avances de niveaux accrus pourront être effectués aux agriculteurs dans le cadre des paiements du premier et deuxième pilier, pour faire face aux problèmes de trésorerie ;

    3° des dérogations exceptionnelles et temporaires ont été demandées par la Wallonie, en matière de verdissement sur les terres en jachère dans le cadre des surfaces d’intérêt écologique en 2022, tout en maintenant le niveau intégral du paiement du verdissement.
    À cet égard, La Commission ayant laissé une marge de manœuvre importante en ce qui concerne la mise en œuvre des dérogations proposées, j’ai proposé au Gouvernement de suivre les recommandations de la Commission. Il est en effet selon moi important que la Région wallonne participe à l’effort collectif engagé afin de garantir la sécurité alimentaire au sein de l’Union européenne.

    Le Gouvernement de Wallonie a donc adopté, pour l’année 2022, les décisions suivantes :
    • Autoriser le pâturage, la moisson à des fins de production et la culture des terres en jachère pour les cultures suivantes :

    - le maïs grain (code 202) ;
    - le maïs ensilage (code 201) ;
    - les trèfles (code 72) ;
    - la luzerne (code 73) ;
    - la luzerne lupuline (code 56) ;
    - le lotier corniculé (code 57) ;
    - le sainfoin (code 58) ;
    - le soja (code 43) ;
    - les fèves et féveroles d’hiver (code 521) ;
    - les fèves et féveroles de printemps (code 522) ;
    - le lupin doux (code 53) ;
    - les mélanges d’hiver de légumineuses et de céréales ou autres espèces (code 541) ;
    - les mélanges de printemps de légumineuses et de céréales ou autres espèces (code 542) ;
    - les pois protéagineux d’hiver (code 511) ;
    - les pois protéagineux de printemps (code 512).

    • Interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur les terres en jachère pour l’année 2022.

    L’Union européenne a entériné notre demande de dérogations ce vendredi 22 avril.

    4° une aide d’adaptation exceptionnelle aux producteurs des secteurs agricoles, pourrait être octroyée aux secteurs les plus touchés par les perturbations du marché suite à l’augmentation du coût des intrants ou des restrictions commerciales.

    Je suis bien évidemment parfaitement conscient de la grande difficulté de la situation pour tous nos agriculteurs. Les aides mises en place ont pour objet de limiter les effets de la crise, autant que possible. Je suis bien entendu extrêmement attentif à la situation des différents secteurs concernés.