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L’aide et la prévention des dommages collatéraux de la santé mentale

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 387 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 31/03/2022
    • de SOBRY Rachel
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    La santé mentale est un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers mois. Si le coronavirus a eu des répercussions désastreuses à bien des niveaux, il a permis d'attirer l'attention sur le sujet et d'en définir les travaux à entreprendre.

    Par la présente question, je souhaite parler des « dommages collatéraux » des troubles mentaux. En effet, les proches de personnes atteintes de ces troubles y sont généralement exposés sans qu'aucune attention particulière n'y soit accordée. On pense ici aux proches qui accompagnent lors des rendez-vous médicaux, qui vont chercher des médicaments ou, tout simplement, qui assistent quotidiennement à la souffrance et au désarroi.

    Dernièrement, j'ai rencontré les coordinatrices de l'ASBL Étincelle à Arquennes qui vise à apporter une écoute et un soutien à ces proches qui ne sont pas malades, mais qui souffrent de la situation. Leur travail est fantastique et répond à une vraie demande, un véritable manque. Vivre aux côtés de personnes qui pleurent, crient ou font des tentatives de suicide est bien évidemment traumatisant. Pouvoir en parler avec des personnes compétentes et bienveillantes, sans pour autant être considéré comme un patient, est un grand soulagement.

    L'ASBL que, je pense, Madame la Ministre soutient déjà, se développe afin de répondre à la demande, mais doit maintenant trouver le moyen de pérenniser son action. Si son action empiète sur les compétences de ses homologues Valérie Glatigny, Bénédicte Linard ou encore Caroline Désir, je voulais interroger Madame la Ministre pour faire le point, notamment parce que la Déclaration de politique régionale indique que les services de santé mentale seront revus pour répondre aux besoins.

    Comment soutient-elle actuellement l'ASBL Étincelle ?

    Comment l'aider à se développer davantage pour répondre à la demande grandissante et pérenniser son action ?

    A-t-elle échangé avec ses homologues précitées à ce sujet ?
  • Réponse du 21/04/2022
    • de MORREALE Christie
    L’honorable membre pointe du doigt un public sans doute trop souvent oublié lorsque nous parlons des usagers qui fréquentent nos services, que ce soit dans le secteur de la santé mentale, des assuétudes, mais aussi dans le cadre de l’action sociale ou tout simplement des soins de santé au sens large, à savoir les aidants proches.

    Comme elle le dit si bien, vivre aux côtés d’une personne en souffrance, entendre un diagnostic sans en comprendre la teneur, chercher un équilibre entre la juste présence et la juste distance pour respecter la personne dans ce qu’elle vit est loin d’être chose aisée et peut susciter un malaise voir dans certaines situations, un profond désarroi pour l’aidant proche.

    Dans le but d’aider les proches de nos usagers, la Région wallonne soutient plusieurs projets. L’ASBL Étincelle fait partie de ceux-ci. Depuis le 1er janvier 2021, je soutiens en effet l’activité réalisée par cette structure grâce à un financement de 73 020 euros. Dans les jours à venir, l’AViQ va rencontrer l’équipe dans le but d’évaluer cette première année de financement. Ce que je peux lui dire à l’heure actuelle c’est que j’entends beaucoup de bien de ce projet qui crée un espace à destination des enfants qui grandissent avec un proche en souffrance psychique, et de leur famille.

    Le projet Étincelle souhaite articuler simultanément plusieurs leviers pour développer une approche préventive en agissant d’une part sur l’environnement et d’autre part en soutenant les enfants confrontés à la souffrance psychique d’un membre de leur famille. En effet, prendre soin, accueillir et offrir un espace de parole aux enfants qui grandissent avec un parent en souffrance psychique n’est pas une offre de soins structurellement organisée in situ.

    Pour rappel, l’approche de la santé mentale des enfants et adolescents est très souvent et malheureusement encore perçue comme une approche strictement spécialisée. Or, c’est dans la prévention et la vie de tous les jours que l’approche de santé mentale, d’écoute ou de travail avec les enfants est la plus positive et non pas dans la réorientation automatique des difficultés vers le soin.

    La place des enfants est centrale dans certaines situations : expliquer ce qu’il se passe, offrir à l’enfant l’opportunité de poser ses questions et déposer son émotion peut faire soin, mais aussi prévenir d’éventuelles souffrances pouvant s’aggraver par la suite.

    Aussi, la formation des professionnels de l’enfance et de la santé est un axe particulièrement précieux dans ce projet. Nombreux sont les professionnels qui ne savent pas comment intégrer les enfants dans le parcours de soin d’une personne, comment expliquer ce qu’il se passe dans une situation, ou plus encore, élaborer un projet avec l’usager qui permette d’inclure la question de la parentalité.
    Pour compléter, j’aimerais également lui dire que je soutiens depuis plusieurs années l’ASBL Similes. Cette structure reçoit chaque année 85 000 euros pour offrir le soutien et l’information aux familles de personnes souffrant d’un trouble psychique. A travers ce financement, l’ASBL propose des groupes de parole ou encore des formations destinées à informer les familles au sujet des troubles psychiques.

    D’autres projets encore sont ouverts à l’accueil des proches. Je songe, par exemple, aux structures telles que l’ASBL La CAHO ou l’ASBL Mouvement national vie libre, qui à travers leur projet « Gihpsy » ou « La soif d’en sortir » permettent aux proches de personnes souffrant d’alcoolisme de trouver une oreille attentive et un soutien face au désarroi qu’elles peuvent éprouver.

    Consciente que ces initiatives touchent seulement une partie des proches, mais aussi qu’elles ne sont actuellement financées que par des subventions facultatives, j’aimerais amener un cadre plus structurel à ces acteurs qui contribuent au quotidien au bien-être de personnes souffrant d’un trouble de santé mentale ou d’assuétudes. Actuellement, une réflexion est en cours au sein de l’AViQ pour définir quelles sont les possibilités de soutien structurel s’offrant à nous. La révision des différents décrets de nos services spécialisés en assuétudes, mais aussi de nos services de santé mentale pourrait représenter une opportunité à cet égard.

    Enfin, sachez que la Direction des soins de santé mentale de l’AViQ élabore actuellement un projet dans le cadre du fond social européen plus (FSE+) qui visera à répondre davantage aux besoins des aidants proches dans les secteurs de la santé mentale et des assuétudes.

    En Région wallonne et particulièrement dans le secteur de la santé mentale et des assuétudes, il est nécessaire d’admettre que l’offre d’aide et de soin à destination des aidants proches n’est pas particulièrement étoffée.

    Comme elle a pu le constater ci-dessus, plusieurs structures s’y investissent, mais de nombreuses améliorations et de nombreux projets pourraient répondre aux besoins criants des familles qui ne se sentent aujourd’hui pas toujours incluses dans le parcours d’aide et de soin de leur proche et qui se sentent démunis et peu compris dans bien des situations. Certains d’entre eux ignorent parfois qu’ils sont des aidants proches, et le rôle essentiel qu’il endossent du fait même d’être ‘proche’, de faire partie de l’entourage, du contexte de vie d’une personne en souffrance. Pourtant, comme l’illustre la pyramide de l’offre en santé mentale réalisée à ma demande par le centre de référence en santé mentale de la Région wallonne (https://www.cresam.be/pyramide/), les proches (la famille, les amis, et cetera) constitue le premier pilier de l’aide puisqu’ils offrent ce qu’on appelle aujourd’hui « des soins informels ».

    Une attention toute particulière vis-à-vis de ce public cible est d’autant plus nécessaire aujourd’hui alors que nous avons pu constater que la crise sanitaire ne les a pas épargnés.

    Comme l’honorable membre peut le constater dans ma réponse, je suis loin de minimiser l’importance que revêtent, pour notre Région, l’accompagnement et le soutien des aidants proches. J’ai en effet à cœur de pouvoir leur offrir les moyens d’une écoute et d’un accompagnement bienveillant afin de les aider à vivre les situations difficiles auxquelles elles sont confrontées, qu’elles soient parentes, amis ou enfants de la personne en souffrance. Bien évidemment, je nourris l’espoir que nos professionnels de l’aide et du soin se sentent un jour suffisamment outillés pour les intégrer davantage dans leurs dispositifs d’aide d’accompagnement.
    Je tâcherai de soutenir à l’avenir les initiatives qui iront dans ce sens.