/

La stratégie wallonne de développement économique de la filière viticole

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 547 (2021-2022) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 20/04/2022
    • de ANTOINE André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    C'est un sujet que nous avons déjà eu l'occasion d'aborder. Le vin wallon suscite des vocations nouvelles et surprenantes autour de la divine bouteille. Des métiers inédits apparaissent et des entreprises originales se créent et se développent. Ainsi la réalisation de premiers fûts en chêne belges et surtout wallons, avec l'entreprise Barwal, a été lancée en 2020.

    Contrairement à ce que certains prétendent, les tonneliers français ne se fournissent pas tous en chêne issu de la célèbre forêt de l'Allier et ses 11 000 hectares. Nombreux sont ceux qui se fournissent déjà dans les forêts wallonnes.

    Quatre terroirs y sont en effet réputés pour la grande qualité de leurs chênes : la Famenne, le Condroz, les Ardennes dans leur partie jurassique et la Fagne dans la botte du Hainaut. Il faut savoir que la tonnellerie demande des bois haut de gamme. Or, seuls 5 % environ des arbres sont capables de fournir des merrains appropriés, soit des sections de tronc sans défaut, aux grains serrés et issus d'une croissance lente.

    Quelles mesures Monsieur le Ministre va-t-il prendre pour favoriser l'usage en circuit court de ces bois nobles et permettre l'émergence d'un artisanat ou d'une activité économique en pleine croissance ?

    Par ailleurs, il m'avait confirmé que l'IFAPME disposait d'un programme de formation de Chef d'Entreprise « vitiviniculteur ». Cette formation est organisée dans deux centres IFAPME (Perwez et Villers-le-Bouillet) depuis 2018-2019. Va-t-il étendre cette formation à d'autres centres IFAPME ou compte-t-il y développer des formations annexes aux différents métiers du vin ?

    Quels incitants financiers peuvent solliciter les nouveaux entrepreneurs en lien direct ou indirect avec le vin en Wallonie dès lors que la viticulture wallonne est en plein essor ?

    Quelles sont les retombées économiques de la filière viticole en Wallonie ?
  • Réponse du 28/04/2022
    • de BORSUS Willy
    La Wallonie, consciente du potentiel de ses forêts et de la qualité des arbres qui la constitue, a investi ces dernières années dans la valorisation des chênes de qualité de notre Région. À cette fin, le premier parc à grumes de Wallonie a été inauguré, il y a quatre ans maintenant, afin de proposer chaque année quelque 300 m³ de bois de premier choix issus de propriétés publiques de Wallonie.

    Je ne peux que me réjouir de constater que le succès est bel et bien au rendez-vous et que de nombreux amateurs de ce type de bois se sont d’ores et déjà fait connaitre. Le maintien de l’outil et son développement permettront à l’avenir d’assurer l’approvisionnement des mérandiers wallons.

    Aujourd’hui la problématique qui se pose par rapport à la production de barrique de vins en bois wallon est principalement l’approvisionnement en bois a un prix raisonnable. Le cours du chêne a flambé ces 3 dernières années. Les douellles (chêne de qualité merain fendu) doivent maturer pendant 3 ans avant de pouvoir être utilisées pour faire des fûts et l’augmentation du besoin en fonds de roulement lié à l’augmentation du prix du chêne pose des problèmes de financement. Les discussions sont en cours entre « La Financière du bois » et la société Barwal que l’honorable membre mentionne. Le but est de trouver des outils financiers spécifiques qui permettraient de gérer cette augmentation du besoin en fonds de roulement.

    La société Barwal travaille à la mise en place en 2022 d'une méranderie (étape de préparation et de maturation des douelles) en Wallonie en partenariat avec la Scierie Hontoir et la Tonnellerie de Champagne. Ceci permettra de renforcer le côté circuit court avant de pouvoir envisager l’ouverture d’une véritable tonnellerie à horizon 2025.
    La société estime que le marché potentiel en Belgique est de +/- 100 fûts, un volume minimum de 200 fûts annuels est nécessaire à la création d’une tonnellerie. L’activité est également fortement liée aux conditions climatiques et une année comme 2021 a eu un impact négatif sur les quantités commandées avec des annulations de commande.
    Le secteur est effectivement en demande de formation ciblée et pointue. Depuis les premières formations de viti-viniculteur organisées en 2018, les inscriptions progressent pour atteindre cette année 78 inscriptions dans les Centres de formation de Perwez et de Villers-le-Bouillet.

    À la rentrée 2022-2023, l’IFAPME va étendre cette formation de chef d’entreprise à la région de Mons, reconnue internationalement pour la qualité de ses « bulles ».

    Comme formation annexe aux différents métiers du vin, le Centre IFAPME de Perwez propose également une formation d’ouvrier viticole.

    Par ailleurs et en complément aux formations de viti-viniculteur et de microbrasseur, l’IFAPME travaille aujourd’hui à la mise en œuvre d’une formation de chef d’entreprise de distillateur en un an. La question du régime à respecter quant au règlement douane et accises doit encore être réglée, notamment avec la Direction régionale douane et accises.

    La formation IFAPME Viti-viniculteur est reconnue comme étant équivalant à un cours professionnel pour ce qui concerne les aides ADISA : qualification professionnelle suffisante pour bénéficier des aides à l’installation et à l’investissement

    Il faut également épingler les formations du CARAH à Ath qui s’adressent essentiellement aux agriculteurs, aux salariés des entreprises agricoles, horticoles, parcs et jardins et travaux publics ainsi qu’aux demandeurs d’emploi.

    Certaines se déroulent en quelques jours seulement. Comme par exemple la formation Viti-viniculture qui permet d’appréhender le secteur, de comprendre les enjeux financiers et matériels liés à l’implantation d’un vignoble et de jeter les bases d’un futur projet viticole.

    Depuis 2019, une option viticulture (« Techniques viti-vinicoles ») a été ajoutée au Bachelier en agronomie proposé par la Haute École provinciale de Hainaut Condorcet. C’est la première structure d’enseignement supérieur en Belgique à intégrer cette discipline dans ses enseignements. Les étudiants sont amenés à réaliser des stages d’insertion professionnelle au sein d’exploitations viticoles belges (ou étrangères) pour couvrir l’ensemble des activités à différentes périodes de l’année : entretien et suivi du vignoble (période estivale), suivi des fermentations (période automnale), taille de la vigne (période hivernale).

    Cette créativité wallonne se retrouve également dans d’autres domaines en lien avec la viticulture où certains services connaissent un développement important. Mentionnons par exemple les services d’analyse de sols dans les différentes provinces, comme le Centre provincial de Formation à l’Agriculture et à la Ruralité à Waremme ou le CPAR à La Hulpe, ou les laboratoires de ULiège à Gembloux et de l’UCLouvain à Louvain-la-Neuve et à Bastogne.

    Un nouveau laboratoire d’analyses des vins, AOC Vallée mosane, a également été créé à Andenne par Michel d’Harveng et Véronique Lidby en collaboration avec la Société Horticole et Viticole de Huy.

    D’autres initiatives voient le jour, comme celle d’Anne-Sophie Charle à Quévy en décembre dernier après deux années de recherche. Haute fonctionnaire à Mons pendant une vingtaine d’années, celle-ci a décidé il y a deux ans de changer de cap et de développer une gamme de cosmétiques en récupérant les résidus du vignoble. Convaincue que la vigne recèle des molécules non encore exploitées et désireuse d’identifier « LE » polyphénol anti-oxydant jamais exploité dans le secteur, Anne-Sophie Charle a relevé un maximum d’échantillons issus du vignoble ou du processus de vinification (craie du sol, sarments, pépins de raisins, lies, précipitations tartriques dans les cuves, ferments de tirage, etc.) et en a confié l’analyse à deux centres de recherche en Wallonie capables d’extraire les molécules du tanin végétal : le Celabor à Herve, qui a un département d’extraction agro-alimentaire et le CeREF ( Centre de Recherche et de Formation - département biochimiste de la Haute École Louvain en Hainaut), chargés tous deux de traduire les résultats en « applicatif cosmétique ». Une gamme cosmétique issue d’un vignoble wallon est aujourd’hui commercialisée.

    Concernant les aides pour le secteur, le système n’est pas neuf et a suivi l’évolution de la législation européenne en la matière, politique agricole commune oblige. Des aides sont notamment possibles via le système d’aides au développement et à l’installation dans le secteur agricole, et donc viticole, dit « ADISA » qui applique en droit régional le règlement européen relatif au soutien du développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

    Via ce système, une aide à l’installation de 70 000 euros est bien accessible aux jeunes qui créent ou qui reprennent une exploitation viticole.

    Pour ce qui concerne les vignobles wallons, dix d’entre eux ont bénéficié depuis 2015 d’aides pour un total de 270 000 euros.

    L’essentiel porte sur la plantation (148 000 euros) et la construction d’un bâtiment agricole multifonctionnel (94 000 euros).

    Concernant la promotion, dans un autre cadre, l’APAQ-W intègre ses membres vignerons dans diverses opérations de promotion, comme par exemple, la campagne « Trinquons local » comprenant un site internet et des réseaux sociaux dédiés.

    Les producteurs (vignerons, brasseurs et producteurs d’alcools) sont également invités à participer à « ma Quinzaine locale » en septembre, grande action « portes ouvertes » pour tous les secteurs de production et points de vente, avec une couverture médiatique importante.

    Enfin, outre le travail de valorisation B2C, l’APAQ-W associe le secteur viticole aux travaux de son business club dans le but de stimuler les relations B2B avec le secteur HORECA, mais aussi la distribution.

    Les retombées économiques de la filière viticole en Wallonie proviennent, d’une part, de la production et la vente de vin.

    En 2020, elle atteint plus d’un million de litres de vin pour un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros, c’est-à-dire moins de 1 % du chiffre d’affaires agricole total. 2021, au vu des conditions climatiques moins favorables, a vu sa production de vin chuter à 640 000 litres. 260 hectares de vigne sont recensés en Wallonie en 2020, soit une augmentation de 130 % par rapport en 2016. Ils sont gérés pour 64 viticulteurs, avec une moyenne de 4 hectares par vignoble.

    La rentabilité économique du secteur est essentiellement impactée par le coût de la terre, de la main-d’œuvre et le manque de disponibilité de machines spécifiques

    D’autre part, le développement d’activités périphériques à l’activité viticole proprement dite induit de nouvelles retombées économiques pour le secteur. Il s’agit du développement de produits originaux différents du vin, ou le développement l’œnotourisme, c’est-à-dire, l’organisation de visites ou d’événements sur le domaine. Ces activités ont l’avantage d’être liées au domaine viticole et d’augmenter ainsi la résilience économique des domaines viticoles qui ont pu les mettre en œuvre.