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Le tarif capacitaire

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 647 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/04/2022
    • de BELLOT François
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Un tarif capacitaire est prévu pour le 1er janvier 2022 en Flandre. Avec le tarif capacitaire, les frais de réseau ne seront plus considérés que pour 20 % du tarif de distribution. Concernant les 80 % restants, ils dépendront des pics de consommation. Annuellement, une moyenne des plus gros pics mensuels de chaque utilisateur permettra de déduire un tarif capacitaire « personnalisé ». Plus les pics seront élevés, plus la facture le sera.

    Alors que la 1/2 des Belges craint ne pas pouvoir payer ses factures d'énergie et que l'ensemble des effets économiques de ce tarif capacitaire n'est pas déterminé, quels sont les projets de Monsieur le Ministre pour la Wallonie qui s'inspireraient de ce nouveau calcul ?

    En fonction de ceux-ci, comment agirait-il pour rendre ce système « capacitaire » compatible avec l'arrivée importante de mobilité électrique ?

    La CWaPE ne s'est pas prononcée sur ce tarif.

    Compte-t-il aussi constater les impacts des mesures en Flandre pour l'envisager en Région wallonne ?

    L'adaptation des calculs des frais de réseau sera nécessaire en fonction de la réalité des énergies renouvelables en Région wallonne.

    Se fera-t-elle au détriment du budget des ménages ?

    La VREG recommande que les pics de consommation ne dépassent pas la moyenne de 3,15 kWh, car il est possible, qu'au-delà, la facture augmente. A contrario, il apparaît que des pics de consommation inférieurs à 2,5 kWh engendreraient des désavantages puisqu'il faudrait payer des frais de réseau plus chers qu'aujourd'hui.

    Ce système incite à ne pas consommer trop en même temps et ne permet pas de consommer aussi peu qu'on le veut.

    Cela ne va-t-il pas à l'encontre d'idées écologiques ?

    Si ce nouveau système remplace celui des heures creuses/de pointe, il sera compliqué pour celui ne possédant pas un compteur intelligent d'identifier les capacités du réseau.

    Comment aller à l'encontre des inégalités que créerait le recours à ce fonctionnement pour les citoyens wallons ?
  • Réponse du 09/06/2022
    • de HENRY Philippe
    Effectivement, le régulateur flamand a mis en place une nouvelle tarification des réseaux de distribution d’électricité comprenant un terme capacitaire plus important.

    En Wallonie, la compétence relative à la tarification des réseaux de distribution d’électricité relève de la CWaPE, notre régulateur. Cette compétence peut être encadrée par des orientations politiques par exemple au travers du décret tarifaire. C’est ce que le Gouvernement a fait en adoptant en 3e lecture, en sa séance du 17 mars 2022, le projet de décret modifiant diverses dispositions en matière d’énergie dans le cadre de la transposition partielle des directives 2019/944/UE du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et 2018/2001/UE du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et en vue d’adapter les principes relatifs à la méthodologie tarifaire. Ce projet de décret a été approuvé par le Parlement wallon ce 4 mai 2022.

    Ce décret apporte ainsi réponse à notre Déclaration de politique régionale qui prévoit que :

    « Le Gouvernement veillera également à l'élaboration, dans le respect des compétences de la CWaPE et sur base d’une large réflexion tarifaire concertée avec les acteurs concernés, d'une tarification électrique plus lisible et novatrice, qui incite les consommateurs et/ou producteurs à devenir des acteurs de la transition énergétique. Cette tarification permettra notamment aux consommateurs et/ou producteurs, tant résidentiels qu'industriels, de bénéficier de tarifs de consommation moins chers lorsque la production est abondante.

    Au travers des principes qui guident les méthodologies tarifaires applicables aux gestionnaires de réseau de distribution (GRD), le Gouvernement fixera comme objectifs prioritaires de favoriser la transition énergétique au moindre coût, la bonne compréhension, l’équité et l’accès de tous à l’énergie, et le fonctionnement efficace des GRD.

    (…)

    Cette tarification dynamique pourra se faire au travers de l'utilisation d'un compteur communicant, ou, pour ceux qui n’en disposent pas, via un tarif bihoraire dont les plages horaires auront été adaptées. »

    Les lignes générales apportées par ce décret en matière tarifaire visent surtout à ce qu’une nouvelle approche tarifaire des réseaux de distribution puisse inciter les utilisateurs du réseau à consommer au moment où l’électricité est abondante et où le réseau dispose de capacités suffisantes, ce qui aura pour effet de mieux valoriser l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable et de réduire le besoin en renforcement du réseau. Ce sont les conditions pour une transition énergétique au meilleur coût pour les clients.

    Bien entendu les risques que l’honorable membre évoque sont au cœur même de mon projet de décret qui prévoit ainsi explicitement que la tarification ne peut pénaliser les consommateurs qui, par nécessité ou par choix, ont une faible consommation d’électricité. Les tarifs doivent avoir un effet incitatif pour les utilisateurs du réseau, qui ont la possibilité ou l’envie de déplacer leurs prélèvements, à avoir des comportements adaptés, en s’assurant que les bénéfices de la flexibilité soient équitablement répartis entre tous les consommateurs de façon à ne produire aucun effet négatif sur l’accès à l’énergie pour tous, même pour ceux qui n’auraient pas la possibilité de contribuer à cette flexibilité.

    Une telle approche doit viser à :
    - toujours inciter à l’efficacité énergétique et aux économies d’énergie, ce qui de facto induit une diminution de la pointe ;
    - favoriser la consommation de l’électricité au moment où elle est abondante et bon marché ;
    - et surtout, et c’est probablement l’évolution la plus prégnante à laquelle nous sommes confrontés, pouvoir intégrer les nouveaux usages (recharge des voitures électriques, utilisation des pompes à chaleur, chauffage et boiler électriques …) dans le réseau, en limitant les besoins en renforcement, sans impacter les usages habituels.

    Ce n’est pas sur les usages habituels et indispensables qu’une flexibilité doit être recherchée ; il ne faut pas demander à cuisiner le souper du soir à 23h plutôt qu’à 19h. En revanche, avec les moyens domotiques modernes, la pointe importante que représenterait la recharge du véhicule électrique peut aisément être déplacée en dehors de la période du soir, très impactante sur les réseaux, ou positionnée en période de midi, lorsque l’énergie est abondante. Et c’est surtout cet élément potentiellement important et déstructurant pour le réseau d’électricité qui doit être géré dans les années à venir.

    Ceci peut passer par plusieurs approches comme une multiplication du nombre de plages horaires, ou par l’instauration d’un terme associé à une mesure de pointe limitée aux moments critiques, ou une combinaison des deux, comme la CWaPE que j’ai rencontrée au mois de mars a eu l’occasion de me l’expliquer. Un terme capacitaire, même de faible importance, peut déjà donner des signaux incitatifs pour programmer adéquatement les nouveaux usages électriques.

    Pour éviter de pénaliser le consommateur « normal », mais bien inciter le déplacement de la charge associée aux nouveaux usages, dans son récent rapport relatif aux « Possibilités de mise en œuvre d’un service universel en matière d’énergie » (CWaPE, Proposition, CD-22c29-CWaPE-0895, 29 mars 2022) réalisé à ma demande, la CWaPE évoque notamment :

    « (…) Pour le consommateur disposant d’un compteur communicant et faisant le choix d’un régime de comptage le permettant, de manière à ne pas pénaliser excessivement un utilisateur de réseau n’ayant pas déployé de tels nouveaux usages, ou n’ayant que peu de possibilités à déplacer ses consommations, il pourrait être considéré de ne prendre en compte ce terme tarifaire capacitaire ou de pointe qu’au-delà d’un certain niveau de puissance de prélèvement (par exemple, les 10 kVA de base (…), ou tout autre niveau calibré à cet effet). (…) »

    Mais je le répète, au-delà des lignes générales précisées dans le projet de décret, il est de la responsabilité des gestionnaires de réseau et du régulateur de proposer et d’approuver des tarifs qui ne pénalisent pas les consommateurs qui consomment peu d’électricité ni ceux qui ne souhaitent pas apporter de la flexibilité au système énergétique.

    Cette nouvelle tarification pour la basse tension va s’établir dans un contexte de changement des usages, je l’ai dit, mais également de déploiement segmenté et non généralisé des compteurs communicants, avec un choix laissé au consommateur de recourir ou non à ses fonctionnalités.

    Ceci implique effectivement que les prochains tarifs devront tenir compte à la fois d’un parc de compteurs mécaniques (monohoraires, bihoraires, et donc aux capacités limitées) et de compteurs communicants fonctionnant suivant différents régimes de comptage (R1/R3, permettant davantage de plages horaires, et éventuellement une mesure de pointe) au choix du consommateur.

    Il est enfin nécessaire que, si les signaux sont incitatifs et ne peuvent pénaliser celui qui consomme peu ou qui ne pourrait ou voudrait apporter sa flexibilité, les tarifs soient également pédagogiques, stables, et qu’une information adéquate y soit associée.

    C’est cela qui permettra au consommateur de faire les meilleurs choix d’équipement et de consommation dans les années à venir, en toute connaissance de cause, pour atteindre les objectifs de la transition énergétique.