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La réduction de la dépendance aux engrais chimiques

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 564 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/04/2022
    • de NEMES Samuel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Lors d'une interview donnée à la matinale de LN24 ce 1er avril, Céline Tellier a annoncé travailler à la réduction de notre dépendance aux engrais chimiques.

    Monsieur le Ministre participe-t-il à ces travaux ?

    Quelle est sa position sur le sujet ?

    Quels sont ses objectifs en la matière ?

    A-t-il un plan de transition en la matière pour nos agriculteurs ?
  • Réponse du 09/05/2022
    • de BORSUS Willy
    Les travaux menés au CRA-W afin de réduire l’utilisation des engrais chimiques se déclinent de différentes manières afin d’accompagner la transition vers des systèmes moins consommateurs d’engrais chimiques.

    Au sein des essais systèmes de cultures SYCBIO (grandes cultures biologiques), SYCMA (cultures maraîchères biologiques) et SYCI (grandes cultures conventionnelles), la réduction des engrais de synthèse est au cœur des systèmes étudiés. Que ce soit dans un contexte d’une agriculture biologique ou conventionnelle, les engrais de synthèse trouvent des substitutions au travers des amendements organiques, des engrais organiques du commerce et d’une modification du système de culture par l’utilisation d’associations de cultures et d’inter-cultures riches en légumineuses. Ces trois voies sont explorées et étudiées au travers des essais systèmes de cultures du CRAW.

    Les premières approches visent à optimiser l’utilisation des nutriments en développant des outils d’aide à la décision permettant d’apporter les bonnes doses d’engrais au bon moment, et ce si et seulement si la culture en a besoin. Ces outils peuvent se baser sur des mesures réalisées directement (analyse de jus de plante, chlorophylomètre, etc. [projet POTFLUO] ou indirectement (télédétection [projet BELCAM]) sur les cultures. Ces informations permettent d’estimer les besoins qui sont couverts par les différents pools disponibles (sol, engrais de ferme …[outil VALOR]) avant d’être complémentés par des engrais minéraux.

    Des essais de longue durée (> 50 ans), permettent de préciser, respectivement, la valeur ajoutée des engrais de ferme que sont les fumiers et lisiers et, par-là même la nécessité de maintenir un couplage entre productions animales et végétales [dimension explorée dans le cadre des projets SYCI et SPOT] et les réductions pouvant être réalisées au niveau des apports en potassium notamment dans les systèmes de grandes cultures sans élevage.

    Au-delà d’une augmentation de l’efficience avec laquelle les engrais chimiques sont utilisés, le CRA-W a développé de nombreuses références afin de permettre une substitution, en tout ou en partie, des engrais chimiques par des engrais organiques, ce depuis plus de 40 ans. Ainsi l’intérêt des composts, mais également du fumier et du lisier (collaborations avec le Centre de Michamps et Agra-Ost) pour la fertilisation des prairies est largement documentée (voir les livrets correspondants). Ces études se poursuivent, en zone de cultures et de prairies, avec le suivi de plateformes et essais conduits en agriculture biologique (plateformes SYCMA, SYCBIO, SYCI, SPOT, et cetera) ainsi que des essais visant à caractériser la valeur d’utilisation d’engrais organiques du commerce.

    Parallèlement des essais sont menés afin d’optimiser la gestion des engrais organiques produits à la ferme en vue de limiter les pertes de nutriments par lessivage ou volatilisation [Projet AUTEFEL – Moerman – CRA-W].

    Mais les plateformes mises en place vont au-delà d’une simple substitution avec un redesign, une redéfinition de la cohérence de l’ensemble du système en vue de réduire les besoins en engrais azotés. Ces dernières mettent en place des rotations faisant la part belle aux légumineuses, capables, en symbiose avec certaines bactéries, d’alimenter l’ensemble du système en azote. Ces légumineuses peuvent être des protéagineux tels le pois, la féverole, la lentille, dont les graines seront récoltées. Elles sont souvent associées à des céréales [projet INTERREG SymBIOse] afin de limiter les risques d’enherbement, de maladie. Mais elles peuvent également intervenir dans des mélanges d’intercultures (ou des prairies temporaires), entre deux cultures commerciales, et limiter le développement des adventices tout en apportant de l’azote. De nouvelles stratégies visent également à utiliser ces légumineuses fourragères comme plantes compagnes des cultures commerciales : colza associé à du trèfle blanc (collaboration avec GREENOTEC), etc. Nombre de ces stratégies sont explorées dans les projets DiverIMPACTS (projets européen – H2020 visant à soutenir la diversification des systèmes de cultures) et TRANSAE (projet Interreg), en interaction avec un groupe d’agriculteurs souhaitant articuler agriculture biologique et agriculture de conservation. Ces approches mettent en avant l’importance d’adapter les structures d’encadrement afin de soutenir les transitions nécessaires en mobilisant une vision systémique soutenue tant par l’amont que par l’aval.

    Dans le cadre du plan de relance pour la Wallonie (PRW, Fiche 208), le « Plan d’actions Agroécologie », vise à caractériser et diffuser les pratiques agroécologiques mises en œuvre par un réseau d’agriculteurs avant gardistes. Parmi ces dernières, nombre aborderont les leviers mobilisables afin de limiter les besoins en intrants.

    Dans le cadre du projet FaST (Farm Sustainability Tool for Nutrients https://fastplatform.eu/about ), le CRA-W apporte son soutien au SPW pour la mise en place d’un outil d’aide à la décision électronique de gestion durable des nutriments. Cet outil sera disponible pour tous les agriculteurs wallons dès 2024. C’est un outil numérique gratuit et open source qui sera disponible à la fois sous forme d'application mobile et de solution Web qui permettra aux agriculteurs d’obtenir un conseil de fumure à l’échelle de la parcelle.

    En amont, des travaux de recherche menés au CRA-W visent à rechercher des voies pour améliorer le caractère d’efficience de la nutrition azotée de variétés de pommes de terre (Projet FIRST). Il s’agit, tout d’abord d’identifier des variétés qui, par une meilleure capacité d’absorption – système racinaire - et par une meilleure mobilisation physiologique de l’azote, permettent d’obtenir des rendements aussi bons que les variétés classiques, mais avec une moindre dépendance aux engrais azotés. Par la suite, ces géniteurs potentiels sont intégrés dans nos programmes d’amélioration de la pomme de terre pour sélectionner des nouvelles variétés plus résistantes au mildiou et moins dépendantes de fortes fumures azotées. Par ailleurs, dans le cadre de nos recherches en agriculture biologique, une plateforme de comparaison entre les variétés de pommes de terre est mise en place chaque année afin d’évaluer les variétés pour leur robustesse en lien avec une meilleure résistance/tolérance au mildiou et une meilleure efficience azotée (Action « Pomme de terre robustes Bio »).

    Les stratégies de raisonnement de la fertilisation azotée en culture de pomme de terre étudiées au sein du CRA-W depuis 1997 reposent sur l’application d’une dose d’azote réduite (deux tiers de la dose-conseil) à la plantation (stratégie du fractionnement de l’azote) et l’ajout de la dose complémentaire, si besoin, en cours de saison. L’approche peut se résumer comme suit : appliquer la bonne dose d’engrais au bon moment et avec l’engrais le plus approprié selon les possibilités d’absorption de l’azote par la culture. L’ajout et la modulation du complément de la dose d’azote nécessitent le suivi du niveau de la nutrition azotée de la culture. Ce suivi peut se réaliser à différentes échelles. À l’échelle de la feuille ou de la plante, par l’utilisation des outils manuels (fluorimètres, chlorophyllomètre) qui sont basés sur un nombre limité de mesures par ha (Projet POTFLUO, CRA-W). À l’échelle du champ, on travaille de plus en plus avec des outils embarqués sur le tracteur, sur le pulvérisateur ou encore sur drone qui analysent déjà des surfaces plus importantes au niveau du champ (projet VISA, CRA-W). À l’échelle spatiale, on exploite les informations des images satellites avec les capteurs à bord pour évaluer la biomasse produite et la teneur en azote de cette biomasse, sur l’ensemble de la parcelle (projet BELCAM, CRAW, UCL, ULg, VITO).

    Dans la perspective de la mise en œuvre opérationnelle des outils du suivi du statut azoté de la culture, les projets Contrats Captage (par l’utilisation des outils manuels et embarqués, CRA-W) et STARGATE (par l’utilisation d’images satellites, CRA-W) visent à développer une méthodologie permettant d’établir une recommandation azotée en cours de saison.

    Le projet Patat’UP (CRA-W) qui s’inscrit dans le cadre du Plan de Relance de la Wallonie (Fiche 204), vise à tester des pratiques culturales innovantes permettant la production d’une pomme de terre bas intrants. La réduction des engrais azotés de synthèse est l’une des priorités du projet qui propose l’utilisation de variétés présentant une meilleure efficience d’utilisation de l’azote et l’adaptation des stratégies de raisonnement de la fertilisation azotée à ces variétés.