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La spéculation sur les matières premières alimentaires

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 565 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/04/2022
    • de NEMES Samuel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Lors d'une interview donnée à la matinale de LN24 de ce 1er avril, Céline Tellier a appelé à une autre agriculture et s'est déclarée pour une sortie des matières premières alimentaires de la spéculation.

    Monsieur le Ministre partage-t-il cette position ?

    Quels sont ses échanges avec sa collègue sur cette question ?

    Compte-t-il porter conjointement ce message dans des réunions intergouvernementales ?
  • Réponse du 09/05/2022
    • de BORSUS Willy
    Comme j’ai déjà eu l’occasion de le préciser à plusieurs reprises devant le Parlement, l’augmentation des prix des intrants est malheureusement un phénomène généralisé, observable en Wallonie, mais également un peu partout en Europe et dans le Monde. La guerre en Ukraine est bien entendu un facteur déterminant dans cette augmentation. En effet, la Russie est le principal fournisseur de gaz de l'Union européenne et le deuxième exportateur mondial de pétrole. Mais c'est aussi, comme l'Ukraine, une grande puissance agricole : les deux pays représentent ensemble par exemple 30 % des exportations de froment au niveau mondial.

    La guerre induit de réelles incertitudes sur l'approvisionnement des matières premières et contribue à provoquer l'envolée des cours des marchés mondiaux. Les principaux éléments impactant le secteur agricole sont l’énergie, les matières premières pour l’alimentation animale et les engrais.

    En Wallonie, les productions sont touchées de manière différente selon leur dépendance vis-à-vis de ces éléments. Lors d’un groupe de travail organisé avec mon Administration, nous avons mis en évidence trois spéculations encore plus spécifiquement impactées de manière directe par cette situation : les volailles, les porcs et les fruits à pépins.

    Pour le secteur avicole, la flambée du prix des matières premières destinées à l’alimentation et les risques de pénurie constituent les facteurs les plus préoccupants. La guerre en Ukraine a aggravé une situation qui était précédemment déjà très délicate. De plus, pour les élevages biologiques, les composants alimentaires, d’origine biologique, riches en protéines, comme le tournesol et le soja, se raréfient. Ce sont surtout les « concentrés à haute teneur en protéines » en provenance d'Ukraine, comme les tourteaux de soja, qui font défaut. Le remplacement, par des protéines moyennement concentrées, comme les pois, ne couvre pas suffisamment les besoins des animaux (surtout en méthionine, acide aminé essentiel à leur croissance). Cette difficulté est renforcée par l’imposition du nouveau règlement européen sur l'agriculture biologique, d’une alimentation 100 % d’origine biologique.

    Pour le secteur porcin, les aliments représentent environ 65 % des coûts de production et exercent une forte pression sur les marges des producteurs. Comme pour la filière avicole, la flambée du prix des matières premières continue son ascension entrainant un risque de rupture d’approvisionnement et une forte tension sur les prix.

    Le secteur des fruits à pépins, pommes et poires, est de façon générale, en position délicate en Wallonie, en raison de prix de marché faibles et souvent inférieurs aux coûts de production. Il faut y ajouter la hausse, sans précédent, des coûts de l’énergie et des intrants, inhérente à la guerre. Il faut également rappeler le contexte d’embargo biélorusse, qui a pris effet en janvier 2022, lequel accroît encore la tension sur le marché.

    L’énergie est une charge importante dans toutes les productions agricoles, notamment en raison des besoins en carburant, mais particulièrement dans le secteur des fruits, pour le stockage en chambre froide et les protections nécessaires face aux gelées printanières. Le marché des fruits à pépins est donc perturbé par une hausse des coûts significative, un dérèglement des échanges et des restrictions commerciales suite à la guerre.

    Au regard de ces éléments, il est évident que notre agriculture s’inscrit dans un contexte économique global, européen et mondial. Concernant le phénomène inflatoire, je tiens à relativiser la portée de la spéculation. Il s’agit effectivement d’un élément constitutif du phénomène inflatoire, mais, il n’est pas seul en cause (frais de transport, coût de l’alimentation animale, coût de l’énergie, et cetera).