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La réduction de la dépendance aux engrais chimiques

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 492 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/04/2022
    • de NEMES Samuel
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Lors de son entretien dans la matinale de LN24 de ce 1er avril, au sujet de la guerre en Ukraine, Madame la Ministre a annoncé qu'elle travaillait à la réduction de notre dépendance aux engrais chimiques.

    Pourrait-elle me dire quelles sont les pistes qu'elle envisage ? Quel est son plan ?

    Finance-t-elle de la recherche en la matière ?

    Quelle place donne-t-elle à la valorisation des déchets verts dans ce plan ?
  • Réponse du 23/06/2022
    • de TELLIER Céline
    La crise consécutive à l’invasion en Ukraine est systémique, dans la mesure où elle touche tous les secteurs, dans l’Union européenne, mais aussi dans les pays tiers. L’impact sur le secteur de l’énergie et par ricochet sur les intrants est énorme, notamment au niveau de la production d’engrais minéraux de synthèse, qui consomme beaucoup d’énergie.

    Le Sommet de Versailles des 10 et 11 mars derniers a conclu que l’agriculture européenne devra se rendre moins dépendante aux engrais minéraux et développer son autonomie.

    L’avantage de la Wallonie, c’est que l’agriculture biologique, moins dépendante des engrais de synthèse, y occupe une part déjà relativement importante (15 %), ce qui a induit une diminution significative de l’utilisation des engrais azoté de synthèse (-32,4 % entre 1990 et 2018 : source https://climat.be/doc/nir-2021-150421.pdf )

    Lors du Conseil de l’Agriculture du 7 avril, les États membres ont aussi rappelé la nécessité de s'attaquer de façon approfondie à certains problèmes comme la dépendance à l'égard des importations de matières premières, et cela sur le long terme.

    Pour cela, la Commission propose des mesures à court et à long terme. Par exemple, l’octroi d’une aide d’adaptation exceptionnelle aux producteurs qui participeraient à l’une des activités suivantes : économie circulaire, gestion des nutriments, utilisation rationnelle des ressources et méthodes de production respectant l'environnement et le climat.

    Certaines mesures du Plan stratégique PAC de la Wallonie tentent déjà de répondre à la dépendance aux engrais chimiques, notamment au travers de la plupart des mesures agroenvironnementales et des écorégimes « prairies permanentes », « couverture du sol » « réduction d’intrants » et plus directement « cultures favorables à l’environnement ». L’approche doit cependant être réfléchie et globale ; c’est pourquoi, dans le cadre du plan de relance wallon, un accent fort est mis sur le développement de l’agroécologie.

    De manière concrète, il convient d’une part de réduire l’intensification en cherchant l’optimum plutôt que le maximum, et d’autre part de favoriser la valorisation des matières organiques et principalement des effluents d’élevage, appelés aussi ‘engrais de ferme’, dans le respect des objectifs et des dispositions du Programme wallon de Gestion durable de l’Azote en agriculture (PGDA).

    Ce recours aux engrais de ferme devra aussi s’accompagner d’un recours accru aux légumineuses, qui ont la capacité de fixer l’azote de l’air. Ce recours ne s’improvise pas et doit faire partie d’une réflexion globale sur l’avenir de l’exploitation, plutôt qu’être dirigé par des opportunités ou déconvenues au sujet du prix des intrants, ou encore par l’opportunité irréfléchie d’utiliser de « nouvelles » matières de synthèse autorisées par le récent Règlement européen « fertilisants » 2019/1009 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants. Un itinéraire cultural possible serait, par exemple, d’associer un pois à une céréale, ou bénéficier de la fertilisation d’une culture de légumineuses durant la période précédente.

    La fertilisation par les engrais de ferme ne s’improvise pas non plus, surtout en céréales, car il faut éviter d’endommager la céréale au cours de la fertilisation, en la couchant.

    Bref, il s’agit d’ employer davantage les engrais de ferme, et de mieux les employer.

    Des études sont ainsi réalisées en Wallonie pour valoriser au mieux les engrais de ferme dans le cadre de divers projets de recherche (CRA-W, Agra-Ost, Protect’Eau …). Des essais sont en cours, dont un essai qui consiste à injecter de l’engrais liquide dans le sol au lieu des engrais solides en surface pour diminuer la volatilisation.

    Cette option de plus grande complémentarité entre cultures et élevage devrait s’intensifier à l’avenir. Une autre alternative déjà évoquée consiste à développer la culture des légumineuses qui a l’avantage d’être faiblement dépendante aux engrais et également fixatrice d’azote dans les sols.

    En ce qui concerne la valorisation des déchets organiques, on peut citer le compostage, mais aussi la place de la biométhanisation qui d’une part produit de l’énergie et d’autre part produit du digestat qui est valorisé comme engrais (économie circulaire).

    Au niveau des projets de recherche en cours, le projet « GAIN » : Gestion des Adventices par Innovations de la Nutrition azotée mérite qu’on s’y arrête : une amélioration de la nutrition de la plante par l’ammonium (au lieu des nitrates), combiné à une inhibition de la nitrification, et ceci joint à des mesures agronomiques innovantes.

    L’objectif général de GAIN est d’offrir une solution innovante de gestion des adventices pour le blé d’hiver ainsi qu’une utilisation plus efficace de l’azote contenu dans les engrais. Cette gestion repose sur le concept GAIN qui combine différentes stratégies permettant à la plante d’avoir un avantage compétitif sur les plantes adventices en améliorant de manière sélective l’accès aux ressources azotées du sol pour leur croissance.

    Les déchets verts ne sont qu’une faible partie des engrais contenant des éléments tels que l’azote, le potassium et le phosphore, généralement transformés au final, en compost. Ce compost peut naturellement être utilisé en agriculture, mais reste un fertilisant peu employé en raison de sa rareté. Il présente pourtant des avantages importants en termes de restructuration des sols et d’accroissement des taux d’humus. Plusieurs projets sont donc également dédiés à l’amélioration des techniques de compostage et à la formation des utilisateurs.