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Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et la nécessité d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 675 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/04/2022
    • de NEMES Samuel
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    En mars 2021, la Coalition climat publiait son Mémorandum avec plus de 100 points pour un green new deal belge. Le 6 avril 2022, elle revient à la charge et met en avant 10 points cruciaux. Pourquoi fait-elle cela ? C'est suite au dernier rapport du GIEC qui insiste sur l'urgence absolue de prendre des mesures drastiques. Ce 3e volet du 6e rapport du GIEC annonce que « Sans une réduction rapide, radicale et le plus souvent immédiate des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, il ne sera pas possible de limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, ni même à +2°C. » La conclusion de la plus grande association de scientifiques de l'histoire humaine indique qu'il reste 3 ans pour que la courbe émission des GES descende suffisamment pour garantir des conditions climatiques viables pour l'environnement et la civilisation humaine.

    La situation en Wallonie n'est pas bonne sur la question des GES. Environnement Wallonie est très clair dans son rapport du 15 février 2022 avec les conclusions suivantes : « Une baisse des émissions beaucoup plus dynamique que celle observée ces dernières années doit être mise en place pour que les objectifs ambitieux fixés pour 2030 et 2050 puissent être atteints. Les émissions sont globalement stables. Entre 1990 et 2019, les émissions de GES étaient globalement à la baisse (- 33,3 %). Toutefois, après avoir atteint un minimum en 2014, les émissions stagnent voire augmentent légèrement, même si des efforts importants ont été consentis dans certains secteurs. »

    En bref, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire et nous allons rater la cible si les choses restent en l'état.

    Alors, la bonne nouvelle au milieu de tout ceci c'est que le GIEC pointe que la réduction des GES est une question de politique. D'un point de vue mondial, l'humanité a les moyens technologiques et financiers pour réaliser les objectifs.

    C'est ici qu'interviennent les 10 points mis en avant par la coalition climat. Que pouvons-nous faire ici en Belgique et plus particulièrement en Wallonie pour répondre à l'urgence ? Parmi les 10 points de la coalition climat, voici ceux qui doivent attirer notre attention :
    - la priorité est de réduire la consommation et d'augmenter l'efficacité énergétique ;
    - de taxer les profits de l'industrie fossile ;
    - de conditionner l'aide aux entreprises à des engagements clairs ;
    - d'investir 2 % du PIB par an pour transformer nos infrastructures ;
    - un Plan Marshall pour l'isolation des bâtiments ;
    - la création d'un véritable plan pour atteindre 100 % de renouvelable sur les énergies.

    Ceci peut servir de canevas pour remettre en question les politiques menées jusqu'ici, pour les évaluer à l'aune de leur échec actuel et pour poser la question de savoir pourquoi elles ont échoué.

    Par exemple sur les points des taxes sur l'énergie fossile et du conditionnement des aides aux entreprises, le cas des carbone leakage où la Région wallonne fait un cadeau de 3,2 millions d'euros à la multinationale Total doit nous poser question. En effet, Total fait partie des 5 multinationales qui produisent 20 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre en Belgique. Ces 5 grands pollueurs reçoivent pourtant des millions de subsides et ont obtenu en 2018 plus de 2,7 milliards de réductions d'impôts. Cela alors même que les associations environnementales décernent à cette multinationale le titre de « major du chaos climatique ». Cela doit changer.

    Sur tous ces points mis en avant par la coalition climat, Monsieur le Ministre a une marge de manœuvre.

    Va-t-il demander la réunion d'une Commission interministérielle environnement élargie, voire d'une Commission nationale climat, avec à l'ordre du jour les points mis en avant par la coalition climat pour corriger la trajectoire de réduction des émissions de GES de la Belgique avec en particulier la question d'inscrire que 2 % du PIB doit servir à transformer nos infrastructures ?

    Le PACE 2030 est en cours d'élaboration. Cependant avec ses racines en 2017, comment s'assurer qu'il ne soit pas déjà obsolète avant même sa publication ? Comment compte-t-il y inclure ces dernières informations si ce n'est déjà fait ?

    Concernant maintenant les taxes sur les profits de l'industrie fossile. Va-t-il réévaluer le principe du carbone leakage ?

    Que pense-t-il de l'idée d'une taxe sur les profits pour les multinationales de l'énergie fossile au niveau wallon ?

    Serait-il prêt à défendre une telle taxe au niveau fédéral ?

    Ensuite, concernant le besoin d'un plan pour atteindre le 100 % d'énergie renouvelable, la libéralisation du secteur de l'énergie a démontré sa faillite à répondre aux besoins de la population tout en assurant la transition énergétique. Sur ce point, il est intéressant de noter que dans la DPR vous annoncez page 6 que : « Le Gouvernement entend ... développer plusieurs alliances « emploi-environnement » en matière d'isolation, d'énergies renouvelables … Ces alliances reposeront sur une concertation forte avec les secteurs concernés, afin d'assurer la formation et la création d'emplois de qualité. Elles n'impliqueront pas la création de structures nouvelles ».

    Comment Monsieur le Ministre compte-t-il réussir la transition du 100 % renouvelable sans nouvelle structure étant donné que l'actuelle a échoué ? Comment envisage-t-il un tel plan ?

    Enfin, concernant un Plan Marshall pour l'isolation des bâtiments, l'heure n'est plus aux subsides ou aux incitants financiers. Comment envisager un tel plan au niveau wallon ? Que pourrait-il porter vers le niveau fédéral sur cette question ?
  • Réponse du 20/05/2022
    • de HENRY Philippe
    La question de l’honorable membre souligne la préoccupation commune et l’urgence de parvenir à une sobriété énergétique tant pour limiter les impacts des changements climatiques que dans un contexte géostratégique. Il évoque le nouveau rapport du GIEC, les recommandations de l’Agence Internationale de l’énergie, les apports de la coalition climat, les conditions du Panel citoyen et les corollaires sur le contenu du nouveau Plan Air-Climat- Énergie.

    Après la sortie du premier volume, le 9 août 2021, sur les aspects scientifiques, et le deuxième volume, le 28 février 2022 sur les impacts et l’adaptation, de son 6e rapport d’évaluation sur le changement climatique, le GIEC (a publié, le 4 avril 2022, le troisième volume. Il s’agit de la contribution du groupe de travail III, consacrée à l’atténuation du changement climatique, c’est-à-dire les solutions envisageables : les options politiques et les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et les coûts socio-économiques de ces options. La contribution du GIEC sur le 6e rapport d’évaluation, à savoir la synthèse globale pour les décideurs politiques, est attendue pour le 4 octobre 2022.

    Cela nourrira notamment les décisions qui devront être prises lors de la prochaine COP Climat en Égypte, en novembre 2022.

    Au-delà de son apport dans les négociations mondiales, les rapports du GIEC, et cette récente contribution en particulier, sont source d’inspiration pour mettre en œuvre des solutions à l’échelle de notre territoire. Il est répertorié une multitude de politiques et mesures à prendre, assorties des moyens pour les financer.

    Plus que jamais, nous avons encore 3 ans, selon ce rapport, pour infléchir la courbe mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Bien entendu, au-delà de ces trois ans, le travail restera très important pour de nombreuses années.

    La Wallonie, forte de sa DPR, s’est déjà engagée à y contribuer significativement, avec son engagement de -55 % d’ici 2030 anticipant ainsi les objectifs récemment décidés à l’échelle européenne.

    Le GIEC met aussi en avant que tous les secteurs de nos sociétés doivent contribuer à l’atténuation. Dans le cadre de mes compétences, à savoir l’énergie et la mobilité, j’ai bien demandé une analyse de ce dernier rapport du GIEC à mon administration qui fera les liens dans le PACE. Je ne doute pas que mes collègues en charge des autres matières fonctionnelles se saisiront du contenu du rapport du GIEC pour être aussi porteurs de propositions.

    J’ai également pris connaissance des récentes recommandations de l’Agence internationale de l’Énergie. En effet, cette agence a édicté deux séries de dix recommandations. Une sur le pétrole, qu’il évoque, l’autre sur le gaz.

    Je me pencherai très brièvement sur celles relatives au gaz, en signalant que l’essentiel des mesures préconisées relève du Fédéral, que les mesures en termes d’efficacité énergétique et de productions renouvelables sont déjà pleinement intégrées dans les balises à long terme dans les réflexions wallonnes.

    Maintenant, en ce qui concerne les recommandations sur la dépendance au pétrole, elles concernent toutes le transport, car l’agence estime que « la majorité de la demande de pétrole provient du secteur des transports ».

    La première recommandation de l’agence est une réduction de la vitesse sur les autoroutes. C’est une mesure également recommandée par le Panel citoyen et la Coalition climat. Conformément à mes engagements par rapport aux panélistes, je prévois donc de la discuter au sein du Gouvernement pour en évaluer l’acceptabilité, mais aussi la faisabilité. En effet, la réglementation de la vitesse sur autoroutes est une compétence fédérale et devrait s’envisager en collaboration avec mes homologues des autres entités, même si la Région peut avoir certaines compétences, comme la réduction temporaire de vitesse en cas de pics de particules par exemple.

    Les dimanches sans voiture plus réguliers, 2e recommandation de l’AIE, ont prouvé leur efficacité lors de la crise de 1973 et pourraient également être étudiés.

    Plusieurs autres recommandations, comme le développement du vélo et de la mobilité douce, la promotion du covoiturage et de l’écoconduite ou le développement des véhicules électriques seront proposées dans le PACE.

    La limitation des voitures dans les villes pourrait être abordée via la mise en œuvre du décret circulation relatif aux zones basses émissions, qui ne dépend toutefois pas de mes compétences et nécessitera l’implication coordonnée de plusieurs services de l’administration.

    Enfin, la réforme de la fiscalité automobile, en cours de discussion au Gouvernement, est une première étape pour faire évoluer la flotte de véhicule vers une plus grande sobriété.

    Concernant les recommandations de la Coalition climat de taxer les profits de l'industrie fossile et de conditionner l'aide aux entreprises à des engagements clairs, je rappelle que le cadastre des subsides aux énergies fossiles est en préparation, en vue de préparer un plan de sortie de ces subsides.

    Les accords de branche sont également en révision afin de contribuer à atteindre les objectifs de la Région en matière d’efficacité énergétique.

    Par ailleurs, il faut souligner que le prix du quota a largement augmenté ces derniers mois et reste supérieur à 70 euros par tonne, après avoir frôlé les 100 euros en février, puis rediminué suite au conflit en Ukraine. Ce prix constitue donc maintenant un incitant significatif aux économies d’énergie dans le cadre de l’ETS, qui concerne près de 90 % des émissions des secteurs de l’industrie et de la production d’électricité en Wallonie.

    Une autre recommandation de la Coalition climat concerne l’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments. La mise en œuvre de la stratégie rénovation sera un élément essentiel du PACE en vue de réduire la consommation des bâtiments et, par là même, la facture des ménages et entreprises.

    Enfin, les autres revendications de la Coalition climat en matière de mobilité, de circuit court ou de production de chaleur renouvelable sont aussi des contributions importantes à la réflexion.

    Nous sommes en pleine co-construction du nouveau PACE. L’ensemble des éléments évoqués dans cette réponse, les rapports du GIEC, de l’AIE, de la Coalition climat et, bien entendu, du Panel citoyen seront prises en compte dans ce contexte.

    Toutefois, comme je l’ai déjà évoqué devant cette Commission, le PACE est aussi en co-construction avec l’ensemble des acteurs. Nous devons également prendre en compte les acquis du Plan de relance de la Wallonie et les nouvelles dispositions européennes, dont le très récent plan REPOWER-EU.

    Vu le caractère extrêmement transversal des mesures, une volonté politique commune et forte de l’ensemble des partenaires sera indispensable pour respecter les engagements climatiques de la Wallonie.

    Je ne vais pas davantage m’étendre sur ce processus, car la prochaine étape sera maintenant la tenue d’intercabinets, de discussions internes au Gouvernement pour effectuer les premiers arbitrages et avoir la possibilité que celui-ci puisse se positionner sur le projet de PACE dans le courant du mois de juin prochain.

    Je mentionne ici quelques éléments qui seront bien repris dans le PACE.

    En 2020, la réduction totale par rapport à 1990 est de 38,5 %, au lieu des -33,5 % observés en 2019. Ces 5 % de réduction entre 2019 et 2020 reflètent l’impact du confinement sur le transport (70 % de la réduction), mais aussi une faible consommation de chauffage, 2020 étant l’année la plus chaude observée en Belgique (30 % de la réduction). L’impact du télétravail sur la consommation de chauffage est difficile à estimer.

    Au niveau des renouvelables, l’objectif de 100 % d’énergie renouvelable ne concerne pas 2030, mais plutôt la neutralité carbone visée en 2050. La Wallonie a largement respecté son objectif de 13 % de renouvelables en 2020 et veillera à maintenir ce niveau et à l’augmenter d’ici 2030. La révision de la Directive Énergie renouvelable est en cours de négociation et nous connaîtrons bientôt les sous-objectifs contraignants 2030 qui pourraient être imposés à la Belgique dans ce contexte.

    Enfin, en fonction de l’évolution des dispositions de la Directives ETS, il appartiendra au Gouvernement wallon de se prononcer s’il maintient le soutien aux entreprises électro intensives via la compensation indirecte « carbone ». Mon Collègue en charge de l’Économie a récemment maintenu cet apport pour 2022.