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Le risque de pénurie alimentaire

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 587 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 25/04/2022
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La crise en Ukraine démontre notre dépendance, au-delà de matières énergétiques, par exemple le blé ou encore l'huile de tournesol.

    Une option est envisagée au niveau européen sur le blocage des prix des produits de première nécessité pour objectif de l'approvisionnement et le pouvoir d'achat.

    Le Gouvernement fédéral a adopté un plan d'action avec des mesures temporaires pour garantir la sécurité alimentaire et assurer une bonne information sur les changements dans la composition des produits alimentaires courants à la suite de la pénurie de certaines matières.

    Le circuit court fut un levier important pendant la crise sanitaire. Il n'est toutefois pas retenu par certains experts pour faire face à cette nouvelle crise tant la production agroalimentaire dépend de la nature et des cycles de production.

    L'engouement qu'il a suscité lors de la pandémie semble par ailleurs diminuer, comment le relancer ?

    Une stratégie d'approvisionnement est actuellement à l'étude au niveau européen. Elle doit tenir compte de la pénurie des matières premières, de la forte augmentation des coûts des matières premières, de l'énergie, de l'emballage et du transport.

    Comment la Wallonie se positionne-t-elle face à ce nouvel enjeu d'approvisionnement local et à l'exportation en agroalimentaire ?

    Comment la stratégie de la PAC peut-elle s'y adapter ?

    Monsieur le Ministre se concerte-t-il avec son homologue au Fédéral sur la sécurité alimentaire de notre Région et son adaptation aux bouleversements mondiaux ?

    Parallèlement, concernant les voies d'approvisionnement, d'importation et d'exportation, comment s'articulera l'acheminement dans nos ports fluviaux que sont Charleroi, Liège, Namur et le Centre, à la suite de la prochaine fusion des ports d'Anvers et de Zeebrugge ?
  • Réponse du 17/05/2022
    • de BORSUS Willy
    La crise consécutive à l’invasion en Ukraine est systémique, dans la mesure où elle touche tous les secteurs, dans l’Union européenne, mais aussi au sein des pays tiers, notamment les plus vulnérables. L’impact sur le secteur de l’énergie et, par ricochet, sur les intrants est énorme, notamment au niveau de la production d’engrais.

    Le sommet de Versailles des 10 et 11 mars derniers a conclu que l’agriculture européenne devra se rendre moins dépendante aux engrais minéraux et développer son autonomie.

    À ce titre, la Commission a proposé des mesures temporaires et exceptionnelles déjà détaillées lors de précédentes réponses.

    Il apparaît évident que les plans stratégiques de la PAC devront jouer un rôle dans la résilience du secteur agricole. Suivant les recommandations qui seront faites par l’UE, il sera sans doute nécessaire d’adapter les plans aux nouvelles conditions géopolitiques.

    En ce qui concerne l’autonomie de notre agriculture, je rappelle que notre Déclaration de Politique régionale reprend le soutien aux filières de l’élevage pour garantir l’autonomie fourragère et réduire la dépendance aux importations. Par ailleurs, la Commission a indiqué qu’elle menait une réflexion sur les protéines végétales.

    Dans la future PAC, plusieurs mesures doivent permettre de développer une plus grande autonomie vis-à-vis des importations des pays tiers. Le Plan stratégique wallon soutient l’agriculture biologique, la réduction de la dépendance à l'égard des importations d'engrais grâce à des pratiques agroécologiques, la réduction de la dépendance aux fourrages grâce à une relocalisation de leur production et grâce à des systèmes d'élevage durables, et enfin la promotion de la production de protéagineux par le biais notamment d’éco-régimes, de MAEC et du soutien couplé.

    De manière concrète, cela concerne, par exemple, le recours aux effluents d’élevage, appelés aussi « engrais de ferme », qui devrait s’intensifier à l’avenir même si la diminution des élevages risque d’influer négativement sur la disponibilité du fumier et du lisier. Une alternative consiste à développer la filière oléo-protéagineux qui a l’avantage d’être faiblement dépendante aux engrais et d’être également fixatrice d’azote dans les sols.

    Au sujet des circuits courts, je tiens à rappeler que lors du Conseil européen de l’agriculture du 21 février, la Belgique a soutenu l’initiative autrichienne sur le renforcement des chaînes d'approvisionnement régionales et des circuits courts.

    L’approvisionnement des zones rurales comme urbaines en produits locaux passe non seulement par une production de qualité suffisante, mais aussi par des processus de valorisation, de distribution et de commercialisation qui nécessitent des investissements financiers et humains. La structure DiversiFERM subventionnée par la Wallonie via sa convention-cadre 2018-2023 accompagne individuellement chacun des acteurs des circuits courts.

    Le 29 mars a été mis en place la « task force Ukraine » par les Ministres fédéraux Dermagne, Clarinval et de la Secrétaire d’Etat De Bleeker, à laquelle sont associés les représentants des ministres régionaux. La « task force » a pour objectif d’apporter des réponses rapides, pragmatiques et flexibles à différents problèmes causés par le conflit.

    La première réponse apportée concerne l’étiquetage des aliments en cas de substitution d’huile de tournesol par une autre huile. Un problème aigu au niveau des relations contractuelles (possibilité de renégociation) entre opérateurs a aussi été soulevé.

    Je confirme que je reçois quotidiennement du SPF Économie et du Centre national de crise une inventorisation des risques, des perturbations et d’autres problèmes éventuels en matière d’approvisionnement de matières premières agricoles et alimentaires et que je suis la situation de près.

    Depuis début 2021, l’AWEx a, pour sa part, entamé des démarches de renforcement de chaînes de valeur en tenant compte des modèles en mutation permanente, enjeux majeurs en approvisionnement et disruptions dans les différentes chaînes. Elle voit son rôle opérationnel renforcé pour apporter des solutions aux entreprises wallonnes, mais aussi à la Wallonie dans son ensemble.

    Ces démarches permettent notamment :
    - d’identifier les enjeux d’une filière en termes d’approvisionnement, production, distribution, logistique, infrastructures, talents, enjeux liés aux différents marchés, service et autres aspects clés ;
    - de mettre en place des stratégies palliatives ou de diversification visant à réduire l’impact de ces risques et de ces enjeux, permettant de renforcer les acteurs wallons ou d’initier de nouvelles filières ou activités le cas échéant ;
    - d’identifier des opportunités à l’exportation le cas échéant ;
    - de s’intégrer dans les démarches de production relocalisées en Europe ;
    - de suivre les tendances des marchés et pays ayant des enjeux similaires.

    En 2020, la balance commerciale wallonne reprenant les produits agricoles et alimentaires est positive à concurrence de 297 millions d’euros. Cela signifie que les exportations ont dépassé les importations en valeur, reflétant donc une bonne santé de l’agriculture en Wallonie.

    Cependant, cette balance commerciale, qui englobe les produits végétaux et animaux primaires ainsi que les produits transformés, cache une grande hétérogénéité entre ces différentes catégories de produits. Seuls les produits transformés, non nécessairement élaborés à partir de matières premières provenant de Wallonie, affichent une balance commerciale positive, principalement influencée par les « autres légumes préparés ou conservés ». Par contre, les produits animaux et végétaux montrent une balance commerciale négative. C’est le cas par exemple, du fromage qui présente la balance commerciale la plus négative avec une valeur de 284 millions d’euros.

    Depuis 2015, la balance commerciale wallonne des produits agroalimentaires a une tendance à la hausse, mais seuls les produits transformés contribuent de manière significative à cet accroissement (+ 78 % depuis 2015). En effet, les produits animaux et végétaux, dits primaires, affichent une balance ayant diminué de respectivement 42 et 53 millions d’euros en 5 ans. Cependant, cette tendance à la baisse semble s'inverser depuis 2018.

    La Wallonie a donc une balance commerciale positive, mais grâce aux produits transformés. Nos industries transformatrices ont besoin de matières premières qui ne sont pas suffisamment produites en Wallonie (par exemple, l’huile de colza ou encore les céréales panifiables) ou qu’il n’est pas possible de produire en Wallonie ou difficilement à l’heure actuelle (l’huile de tournesol, le cacao, entre autres). La plupart de ces matières premières manquantes proviennent de pays limitrophes ou d’Europe au sens large. Bien entendu, certains produits comme le cacao par exemple, doivent être impérativement importés. C’est par les choix faits au niveau de la PAC et de son implémentation en Wallonie et dans le reste de l’Europe, que des changements dans la production agricole peuvent être induits. D’autre part, des projets de recherche en agriculture notamment menés par le CRA-W (Centre wallon de Recherche agronomique) cherchent à identifier des variétés adaptées à notre région pour pouvoir produire des produits agricoles manquants actuellement dans notre région, par exemple ValCerWal (ValCerWal : Valorisation des céréales produites en Wallonie pour les filières de transformation wallonnes) ou encore Sunwall (SUNWALL (wallonie.be).

    Vu la taille de la Wallonie, elle doit évidemment étendre son autosuffisance en tenant compte des productions des pays limitrophes voire de l’Europe. C’est bien au niveau européen qu’une autosuffisance pourra être atteinte, en ne perdant pas de vue que l’Europe reste exportatrice nette de beaucoup de produits agricoles.

    Concernant les ports, la fusion d’Anvers et Zeebrugge va permettre de structurer l’offre maritime belge et de créer le 13e port mondial en termes de conteneurs EVP (équivalent 20 pieds) avec 13,8 millions d’EVP, mais aussi d’encore renforcer les pôles traditionnels de transbordement de véhicules (Zeebrugge) et de la Chimie (Anvers) et en faisant aussi du port un leader en énergie verte. Le port rivalisera fortement avec Rotterdam, premier port européen.

    Les ports de mer et en particulier Anvers ont toujours été très liés aux ports intérieurs et en particulier aux ports wallons qui constituent leur « hinterland » naturel. Pour désengorger le Port d’Anvers principalement, celui-ci a besoin naturellement de faire continuer les conteneurs par voie douce notamment (fluvial) vers les ports intérieurs flamands et wallons.

    Cette fusion représente donc une opportunité de massification des flux pour les ports intérieurs. Cette massification est nécessaire pour permettre un flux régulier de navettes fluviales et ainsi assurer un service aux entreprises wallonnes exportatrices et aux importateurs. Ce service augmenté permet aux entreprises de privilégier la voie douce à la route pour le transport de marchandises et de rendre ce transport plus compétitif.

    Il y a donc une opportunité qui ressort de cette fusion. L’approvisionnement logistique sera donc garanti et renforcé. Le Port d’Anvers a toujours collaboré avec les ports wallons et a même participé à certains salons avec la Wallonie. La collaboration continuera avec la fusion des ports. En termes d’approvisionnements, nos solutions logistiques portuaires sont donc un atout fort et permettant de renforcer la chaîne de valeur.

    En conclusion, je compte utiliser toutes les possibilités offertes par les mesures prises aux niveaux fédéral et européen pour aider les producteurs et les transformateurs dans cette période difficile.

    Avec mes collègues au niveau du Gouvernement, j’analyse la situation afin de prendre toute mesure nécessaire pour renforcer nos secteurs agricoles.