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La situation de l’abeille mellifère en Wallonie

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 543 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 04/05/2022
    • de DESQUESNES François
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    L'année 2021 ne fut guère excellente pour la récolte de miel et d'autres produits de la ruche. Les chiffres de l'an passé représentent même les pires depuis les dernières décennies en France. Pourrions-nous savoir ce qu'il en est pour la Wallonie ?

    Madame la Ministre dispose-t-elle de chiffres récents concernant la santé des ruchers wallons ?

    Plusieurs causes de déclin sont bien entendu pointées du doigt dont l'utilisation parfois massive de produits phytopharmaceutiques dans l'agriculture traditionnelle. Le lien de causalité a clairement été démontré par le biais de nombreuses études et c'est dans ce cadre qu'un projet d'arrêté « abeilles » a vu le jour en France il y a peu. Il vise à encadrer les conditions d'épandage de pesticides (c'est-à-dire herbicides, insecticides, fongicides) afin de protéger les abeilles domestiques et abeilles sauvages (y compris bourdons). L'un des éléments clés du texte est l'encadrement des heures autorisées pour les épandages et donc la prise en compte du facteur « luminosité ». Celui-ci ne fait pas l'unanimité puisqu'il ne prend pas en compte un autre facteur qu'est la température et qui peut être prépondérant dans l'activité de butinage de certaines espèces (ex. bourdons). L'arrêté ne prendrait en outre pas compte des cultures de blé qui sont pourtant visitées par les abeilles en raison de la présence de pucerons produisant du miellat. L'initiative de mettre à jour un arrêté de 2003 est donc louable, mais force est de constater que celui-ci ne rencontrera pas l'approbation de tous les acteurs.

    En Wallonie, certaines restrictions d'épandage ont été mises en œuvre afin de protéger les citoyens (ex. distance par rapport aux centres hospitaliers et maison de santé, bâtiments scolaires, si le vent dépasse une vitesse de 20 km/h).

    Ces mesures sont-elles activement contrôlées ? En lien avec sa stratégie biodiversité 360° et la volonté globale du Gouvernement de prendre une part active à la conservation des espèces, des mesures de restrictions similaires à cet arrêté « abeilles » sont-elles envisagées en Wallonie ?

    Va-t-elle prendre en compte les points « faibles » de ce projet d'arrêté ?

    A-t-elle déjà entamé une réflexion avec les acteurs et experts à ce sujet ?
  • Réponse du 08/06/2022
    • de TELLIER Céline
    En 2021, les miellées ont été très pauvres, perturbées par les températures fraîches et les précipitations élevées. Ces conditions climatiques fraîches au printemps puis très humides en été ont créé un contexte difficile, permettant aux abeilles de sortir très ponctuellement des ruches pour récolter le nectar. Les précipitations intenses de l’été ont par ailleurs dilué le nectar et délavé le miellat présent sur les feuilles, rendant la récolte plus énergivore et les ressources récoltées plus longues à sécher. Cette année 2021 est associée aux plus faibles miellées enregistrées depuis 2005, année où un réseau de balances a été créé pour suivre les productions de miel durant la saison de végétation. En outre, en moyenne, près d’un tiers des miels de nos régions présentent une valeur supérieure à 18 % en humidité, ce qui témoigne des conditions particulièrement humides. Des miellées moyennes de 2,1 kg/colonie pour le miel de printemps (comparées à environ 10 kg/colonie si l’on prend la moyenne entre 1998 et 2021) et de 5,2 kg/colonie pour le miel d’été ont été calculées pour 2021 (comparées à environ 15 kg/colonie si on prend la moyenne entre 1998 et 2021).

    L’enquête annuelle COLOSS sur la mortalité hivernale dans les ruchers vient de se clôturer le 1er mai 2022. Les données issues de plus de 500 ruchers sont en cours d’analyse au CRA-W dans le cadre de la convention-cadre Bee Wallonie. Les premiers résultats indiquent une mortalité hivernale observée plus élevée cette année qu’à la sortie de l’hiver 2020-2021, avoisinant les 20% au niveau national au lieu des 16% observés l’année précédente. Des différences de mortalité sont toutefois observées entre provinces avec en tête de classement les provinces du Brabant wallon (~20.6%) et de Liège (~19.5%), suivi de la province du Hainaut (~17.9%), et pour terminer les provinces de Luxembourg (~10.2%) et de Namur (~10.2%).

    La règle applicable en Wallonie concernant la protection des publics vulnérables provient de l’arrêté du 14/06/2018 modifiant l’arrêté du Gouvernement wallon relatif à une application des pesticides compatible avec le développement durable du 11/07/2013 (articles 4 et 9).

    Cette règle précise que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (PPP) est interdite à moins de 50 mètres des écoles, crèches et milieux d’accueil de la petite enfance (MAPE), pendant les heures de fréquentation de ces lieux.

    Par ailleurs, des règles existent également :
    • pour les aires de jeux destinés aux enfants et les lieux destinés à la consommation de boissons et de nourriture (zone tampon de 10 mètres endéans la limite foncière des lieux) ;
    • pour les hôpitaux, maisons de retraite et de soins, établissements accueillant des personnes adultes handicapées … (zone tampon de 50 mètres endéans la limite foncière des lieux).

    Des règles générales existent aussi qui précisent que des mesures appropriées doivent être prises par la personne qui applique des PPP pour éviter que les produits ne dérivent vers les lieux cités dans les deux paragraphes ci-dessus.

    Des mesures anti-dérives sont aussi d’application : utilisation de matériel limitant la dérive de 50%, interdiction de débuter un traitement si la vitesse du vent est supérieure à 20 km/h.

    Suite à la modification de l’arrêté en 2018 sous mon prédécesseur, certaines dispositions ont été ajoutées. Malheureusement, leur contrôlabilité est extrêmement difficile. Il a alors été décidé de suspendre les contrôles de certaines dispositions et un travail important de vérification de la lisibilité et de la contrôlabilité de l’arrêté a été entrepris par l’Administration avec la collaboration des organismes d’encadrement CORDER et PROTECT’eau. Ce travail a débouché sur la nécessité de repréciser voire reformuler certains aspects de l’arrêté. L’arrêté fait actuellement l’objet d’une révision plus large que la simple révision de ces articles, afin de garantir une meilleure protection de l’environnement et des personnes, tout en s’assurant que les dispositions y figurant soient facilement contrôlables.

    Le service compétent pour réaliser ces contrôles est principalement le Département Police et Contrôles du SPW-ARNE, mais cela concerne tous les agents compétents pour le contrôle de l’arrêté du 11 juillet 2013 pris en exécution du décret du 10 juillet 2013 à savoir :
    • les agents désignés à l’article D.140 du Code de l’Environnement (livre Ier) = agents désignés pour la recherche et le constat des infractions reprises à l’article D 138 (qui reprend le décret pesticide) (en ce compris les agents constatateurs communaux) ;
    • les agents désignés à l’article R90 (agents du Département Nature & Forêts).

    La stratégie biodiversité 360° englobe un volet lié à la conservation des espèces. Celui-ci comprend plusieurs fiches dont la fiche action 1.1.2.6 : « Établir et assurer la mise en œuvre des plans d’actions pour les espèces et habitats plus menacés pour lesquels cet outil s’avère pertinent ». Les pollinisateurs domestiques (en ce compris l’abeille mellifère, Apis mellifera) et sauvages sont concernés par un plan d’action spécifique qui est en cours d’élaboration au sein de mon administration.

    Je devrais recevoir très prochainement un projet de plan d’action qui fait suite à une large réflexion qui a impliqué la participation d’une vingtaine d’experts issus d’universités, mais aussi du secteur associatif et apicole.

    Ce plan wallon s’insère dans un contexte international, européen et national ; ses objectifs propres sont en lien avec les objectifs des différents niveaux, qui se complètent et s’intègrent les uns aux autres. De plus, ce plan s’appuie sur d’autres initiatives déjà menées sur le territoire wallon comme le Plan d’Action en faveur des pollinisateurs sauvages de Belgique et des Hauts-de-France SAPOLL, élaboré par les universités et associations de conservation de la nature ou encore le Plan d’action Apiculture Wallonie, élaboré par le CARI.

    Au niveau des actions de ce plan, un volet est consacré à l’amélioration des pratiques dans les différents espaces (agricoles, forestiers, milieux naturels et semi-naturels). Ces actions viendront compléter celles qui sont en cours de négociation dans le cadre du plan wallon de réduction des pesticides (2023-2027) et dans le cadre de la stratégie biodiversité 360°.