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Les impacts pour la Wallonie et pour l'environnement des discussions fédérales autour de l'enfouissement géologique des déchets nucléaires

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 560 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 16/05/2022
    • de GOFFINET Anne-Catherine
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le 1er avril dernier, le Conseil des ministres au niveau fédéral adoptait un texte en première lecture qui actait une décision de principe en faveur du stockage géologique des déchets nucléaires. Il a également été décidé de lancer un débat national sur le sujet, qui rassemblerait des citoyens, des académiques et des représentants de l'industrie.

    Nous savons que c'est un sujet qui suscite de nombreuses réactions depuis plusieurs années et qui aura aussi inévitablement des impacts pour notre région. Je rappelle aussi qu'il y a plusieurs mois, la Province de Luxembourg avait été citée pour éventuellement accueillir de tels déchets.

    En tant que Ministre en charge de l'Environnement, Madame la Ministre a une responsabilité en la matière.

    En avril 2020 déjà, l'ONDRAF projetait un plan de stockage des déchets et la Région avait été alors consultée dans ce cadre. Elle avait elle-même demandé une analyse de risques et une analyse détaillée du dossier à son administration. Quel a été le suivi de cette demande et quelles ont été les conclusions de l'administration ? Quels sont les impacts pour l'environnement de l'enfouissement des déchets nucléaires ? Quel a été le suivi de ces discussions avec l'ONDRAF et le niveau fédéral ?

    Quelle est la position de Madame la Ministre sur le stockage géologique des déchets nucléaires ? A-t-elle l'intention de prendre contact avec le niveau fédéral pour faire valoir sa position ?

    A-t-elle été informée de cette décision du 1er avril de la part du Fédéral et quelles sont sa réaction et son analyse ?

    La Région wallonne va-t-elle s'exprimer dans le cadre du débat national lancé sur le sujet du stockage géologique des déchets nucléaires ? Si oui, quelle sera la position défendue ?

    Dispose-t-elle d'informations complémentaires concernant les intentions de notre pays concernant le stockage géologique des déchets nucléaires ?
  • Réponse du 21/06/2022
    • de TELLIER Céline
    À ce stade, l’administration wallonne de l’environnement (SPW ARNE – Direction des risques industriels, géologiques et miniers) et mon Cabinet n’ont pas été consultés ni associés aux récentes discussions fédérales sur le projet d’enfouissement géologique des déchets nucléaires.

    Le projet d’arrêté royal adopté en première lecture par le Conseil des ministres du 1er avril 2022 acte le choix de principe d’un enfouissement géologique des déchets nucléaires de haute activité et/ou de longue durée de vie. À ce stade, il s’agit d’un processus de décision à étapes visant la fin du siècle, dans le cadre d’une réversibilité possible. Le texte établit également le principe de l’organisation d’un débat sociétal à ce sujet. Les propositions de l’ONDRAF devraient permettre de prendre des décisions bénéficiant d’une assise sociétale sur la manière dont le stockage géologique peut être réalisé.

    Une telle consultation élargie et étalée tout au long des étapes décisionnelles avait été demandée dans de nombreux avis remis suite à la campagne de consultation du printemps 2021 sur le plan de gestion nucléaire de l’ONDRAF. La Région wallonne s’était également exprimée en ce sens.

    L’ONDRAF a prévu de mandater la Fondation Roi Baudouin pour organiser le débat sociétal rassemblant citoyens et experts, tels que l’autorité nucléaire (AFCN), les producteurs, les gouvernements régionaux, les autorités fédérales et les universitaires. Ce débat comprendra plusieurs phases (enquêtes en ligne, forums publics, ateliers thématiques…) pour parvenir in fine à des conclusions communes soutenues par tout le monde.

    C’est dans ce cadre que le Gouvernement wallon réitérera et précisera certainement sa position sur le sujet, en phase avec l’avis qu’il avait déjà transmis à l’ONDRAF en juin 2020 sur le projet de plan relatif à la gestion à long terme des déchets radioactifs et sur son rapport d’évaluation environnementale associé.

    En résumé, le Gouvernement wallon avait indiqué à l’époque à l’ONDRAF et à ses deux ministres de tutelle qu’il ne pouvait pas, d’une part valider le choix de la solution technique d’un système de stockage géologique sur le territoire belge et d’autre part, émettre un avis favorable sur le projet de plan proposé et son rapport d’incidences environnementales, pour de multiples raisons évoquées ci-après.

    Dès lors, le Gouvernement wallon avait demandé que le projet de plan et son rapport d’évaluation environnementale soient retravaillés de manière approfondie, en étroite concertation avec les administrations et organismes wallons concernés. Ce retravail devait notamment étudier la solution technique du stockage en subsurface, qui est contrôlable et réversible, éventuellement mutualisé avec d’autres États européens, afin de permettre que des alternatives futures puissent être envisagées. Il avait aussi demandé que les documents soient revus et adaptés afin que les entités fédérées et les communes soient systématiquement associées dans l’élaboration et l’application du processus décisionnel. À ce jour, le Gouvernement wallon n’a reçu aucun document retravaillé dans le sens demandé.

    Dans son courrier, le Gouvernement wallon avait aussi rappelé qu’il revenait à l’auteur du plan, en l’occurrence l’ONDRAF, et non à la Région wallonne d’assurer l’information aux communes et la consultation du public et des autorités concernées, en ce compris celle des pays et régions limitrophes. Étant donné que les consultations du public n’avaient pas pu être réalisées de manière optimale pendant la crise sanitaire et vu les nombreux enjeux, le Gouvernement avait suggéré à l’ONDRAF d’étudier la possibilité d’adapter sa procédure de consultation, notamment en allongeant sa durée.

    Les avis remis par la Région en juin 2020 résultaient d’une analyse approfondie des documents transmis par l’ONDRAF. Cette analyse avait mis en évidence une série de carences, qui induisaient un trop grand nombre d’incertitudes pour considérer l’option proposée comme la seule technique viable et sécurisée. En effet,

    1. Les documents étaient trop conceptuels et de trop nombreuses questions restaient en suspens, notamment en ce qui concerne le type d’emballage, la profondeur d’enfouissement ou le type de sous-sol à privilégier ;

    2. La solution proposée par l’ONDRAF n’avait pas fait l’objet d’un benchmark qui aurait permis de mieux appréhender ses avantages et inconvénients sur la base d’un retour d’expérience similaire ;

    3. Le projet de texte n’intégrait pas le respect des normes wallonnes liées notamment à l’aménagement du territoire et à d’autres compétences régionales telles que la santé publique, l’environnement et la gestion du sous-sol, en lien notamment avec des modes de valorisation énergétique telle que la géothermie profonde par exemple ;

    4. L’étude d’incidences environnementales était considérée incomplète au regard des prescriptions du Code wallon de l’environnement puisqu’elle excluait, par exemple, les incidences non négligeables du projet sur la qualité des eaux et de l’air, la biodiversité, les paysages et la santé humaine. Les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser les incidences négatives de la mise en œuvre du plan n’étaient pas non plus précisées dans le rapport d’évaluation environnementale ;

    5. Même si les documents soumis à la consultation ne définissaient pas de sites précis, ils précisaient tout de même les faciès géologiques qui auraient pu convenir à un stockage de déchets nucléaires, ce qui permettait de définir des périmètres de territoire susceptibles d’être concernés en Wallonie. Les résultats de cet exercice étaient jugés incomplets, voire erronés, car la majorité des formations géologiques identifiées en Wallonie auraient dû être exclues du champ d’analyse pour des questions notamment de profondeur, d’épaisseur ou de perméabilité (marnes du bassin de Mons, argiles du Plateau de Herve, marnes et argiles de Gaume, formations argileuses dans le nord(-ouest) du Hainaut, formations schisteuses de l’Ardenne et du Condroz par exemple) ;

    6. Enfin, les critères de caractérisation du processus décisionnel, tels que définis dans l’avant-projet d’arrêté royal n’offraient aucune garantie de participation des entités fédérées, ni des communes, au futur processus.

    La position de la Région quant au stockage géologique de déchets nucléaire a déjà été exprimée le 12 juin 2020 de manière détaillée (Réponse du Gouvernement wallon à la demande d’avis de l’ONDRAF sur l’avant-projet d’arrêté royal établissant le processus d’adoption de la politique nationale relative à la gestion à long terme des déchets radioactifs conditionnés de haute activité et/ou de longue durée de vie et définissant la solution de gestion à long terme de ces déchets – Procédure SEA – Loi du 13 février 2006, disponible en ligne via : https://tellier.wallonie.be/home/presse--actualites/communiques-de-presse/presses/reponse-de-la-region-wallonne-a-londraf-dans-le-cadre-de-lenquete-publique-sur-lenfouissement-des-dechets-nucleaires.html). Cette position continuera à être défendue.

    Cette première réponse intègre notamment les conclusions du Service géologique de Wallonie identifiant les très nombreuses zones géologiquement non compatibles. Dès lors, la Région demandera à l’ONDRAF que le Service géologique de Wallonie et ses homologues des deux autres régions et du Fédéral soient parties prenantes au débat à venir. En effet, il convient de déterminer préalablement les zones à investiguer plus avant, mais surtout les zones où ce stockage est totalement impossible d’un point de vue géologique. Cette préanalyse permettra une économie d’énergie dans les débats. Sur cette base uniquement, une analyse plus fine et plus pertinente des conséquences environnementales et sociétales pourra alors être effectuée, postérieurement ou parallèlement à une étude géologique détaillée.

    La Région rappellera également l’absolue nécessité d’une solution qui soit réversible, cette condition étant a priori retenue dans le projet adopté le 1er avril 2022.

    Enfin, la Région rappellera certainement sa volonté de garantir une gestion optimale de son sous-sol et de ses ressources, traduite par un avant-projet de Code wallon de la Gestion du Sous-sol. Dans ce cadre, il importe de ne pas hypothéquer les projets d’avenir en matière notamment de valorisation des ressources non renouvelables, mais stratégiques (gaz, minerais métalliques, et cetera), renouvelables (géothermie profonde) et sensibles (eaux potabilisables par exemple).