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Agriculteurs inquiets

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 219 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 13/09/2006
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Le temps des mois de juillet et août a confronté les agriculteurs avec une situation particulière. De temps à autre on entendait des inquiétudes s'exprimer concernant d'une part la sécheresse du mois de juillet et d'autre part les pluies incessantes du mois d'août. Certains réclamaient déjà une intervention des autorités publiques afin de compenser un éventuel manque à gagner.

    Afin de voir clair et dans le souci d'un minimum d'objectivité, je me permets de demander à Monsieur le Ministre de nous informer dans quelle mesure la production agricole a du subir des conséquences négatives du temps que nous avons connu pendant l'été.
  • Réponse du 29/09/2006
    • de LUTGEN Benoît

    Les conditions climatiques printanières et estivales particulièrement contrastées ont provoqué d'énormes difficultés de récolte et des pertes de rendement et de qualité tant en céréales qu'en fourrage.

    L'honorable Membre me permettra de faire un tableau succinct de la situation.

    Les conditions climatiques

    Les conditions anormales du mois de mai ont eu des conséquences négatives sur :

    - le rendement des premières coupes des fourrages (foin et préfané d'herbe) ;
    - la levée des semis de printemps (maïs, betteraves sucrières et chicorées) ;
    - le gel de semis de maïs dans le pays de Herve.

    La sécheresse de juin et juillet est la cause :

    - d'une très mauvaise repousse des prairies à pâturer et des prairies de fauche, ce qui a entraîné notamment un déficit de la production mensuelle laitière de juin et juillet. Cette situation a été particulièrement catastrophique dans les zones agricoles du Condroz, de la Famenne et de la zone herbagère liégeoise ;
    - la croissance des maïs a été très irrégulière, toujours selon les régions et les types de sols ;
    - les céréales (escourgeon et froment) : les céréales ont mûri très rapidement, ce qui a entraîné un démarrage précoce de la moisson. Si les qualités des céréales récoltées en juillet furent excellentes (qualité boulangère assurée), les rendements furent régulièrement de 5 % à 15 % inférieurs aux rendements habituels ;

    Les pluies incessantes du mois d'août :

    - plus de 40 % de la superficie globale de froment n'ont pu être récoltés avant l'arrivée des précipitations fin juillet. Les quantités d'eau mais surtout la fréquence de ces précipitations ont empêché de continuer normalement la moisson ;
    Au 1er septembre, Il restait encore 60.000 hectares non récoltés. Les grains ont germé sur pieds. La récolte a pu être achevée mais la qualité est très mauvaise et les céréales ne peuvent plus être utilisées que pour la fabrication d'aliments du bétail ;
    - plus de 25 % des pailles sont devenus inutilisables et n'ont pas été récoltés ;
    - les pommes de terre : outre une forte baisse des rendements, la séquence d'une longue période de sécheresse et surtout de haute température suivie d'une période de précipitations incessantes entraîne une baisse de qualité des tubercules.
    Cette situation compromet gravement leur stockage (« boulage » et pommes de terre vitreuses) et leur commercialisation ;
    - le lin qui a été arraché fin juillet qui est roui naturellement au champs durant le mois d'août a pourri et de nombreux hectares sont devenus inutilisables pour l'industrie textile ;
    - par contre ces précipitations ont permis une forte repousse des prairies à pâturer et des prairies de fauche ;
    - les prélèvements d'échantillons de betteraves sucrières réalisés durant le mois d'août dans les parcelles à travers tout le pays ont révélé un tonnage et une teneur en sucre nettement inférieurs à la moyenne des dix dernières années.

    Les conditions plus estivales de septembre :

    - la récolte des céréales a pu être achevée dans les premiers jours de septembre. Dans de nombreuses parcelles, les grains encore enfermés dans les épis avaient germé et les céréales étaient versées. Inutile de dire que tant les rendements (de 10 à 20 % en moins) et que la qualité étaient mauvais. Tous les froments ont été déclassés en froments fourragers. De plus, l'état de germination avancé de certains lots a entraîné des difficultés de manutention et de stockage. Il faut craindre aussi des difficultés de commercialisation. En particulier, les traders hollandais (acheteurs pour le commerce international) veulent fixer des normes sévères pour refuser des lots comportant plus de 5 à 6 % de grains germés ;
    - les conditions climatiques ont permis la réalisation de fourrage préfané dans les prairies de fauche. Si la quantité est bonne, la qualité toujours moindre en arrière saison ne permettra pas de compenser totalement le déficit printanier ;
    - l'ensilage des maïs a débuté vers le 15 septembre. Les rendements sont inférieurs à la normale, irréguliers d'une parcelle à l'autre et très hétérogènes d'une région à l'autre. Beaucoup d'épis de maïs sont détruits par des attaques de charbon (un champignon) qui pourraient produire des mycotoxines lors de la conservation et être source d'intoxication du bétail ;
    - la qualité des pommes de terre est mauvaise. Le boulage, le contrôle imparfait du mildiou sont cause de nombreux tubercules pourris. La conservation sera difficile à conduire et nécessitera de nombreux triages intermédiaires pour suivre l'état sanitaire des stocks ;
    - les conditions climatiques de septembre ont permis un rattrapage des betteraves sucrières qui reviennent dans la moyenne de production des dix dernières années.

    Globalement, il en ressort une situation très hétérogène selon les cultures, les types de sols et les régions agricoles.

    Les situations financières sont tout aussi disparates. La pénurie de production de qualité entraîne une hausse des prix. C'est le cas notamment des céréales et des pommes de terre. Les agriculteurs qui auront pu sauver dans de bonnes conditions leur récolte en seront bénéficiaires alors que d'autres, plus malchanceux, risquent de cumuler toutes les pertes.

    C'est le cas notamment dans le secteur animal avec des pertes de fourrages, des pailles et des céréales qu'il faudra acheter en plus grande quantité et plus chers.