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Le coût d'utilisation des véhicules électriques

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 807 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 23/05/2022
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Face aux enjeux climatiques, les États s'engagent massivement vers une mobilité verte et parmi les offres accessibles, l'électricité demeure en pôle position des alternatives, notamment pour remplacer les moteurs thermiques à énergies fossiles.

    Un article paru dans la presse semble indiquer toutefois que cette alternative n'est pas sans conséquence d'un point de vue économique, indiquant que le rapport coût d'investissement/utilisation, rend le temps relativement long pour que le choix de l'électrique devienne rentable comparativement aux moteurs traditionnels, essence ou diesel.

    En Wallonie, différents acteurs comme le TEC, mais aussi le SPW optent toutefois massivement pour ces alternatives.

    Mes questions visent à savoir si Monsieur le Ministre dispose d'un audit coût/efficience qui confirme ou infirme l'analyse faite par la DH pour les véhicules électriques du parc wallon.

    Qu'en est-il du seuil de rentabilité ?

    Par ailleurs, qu'en est-il des bornes de recharge et leur alimentation ?

    Est-ce que ce coût supplémentaire est intégré dans l'analyse réelle des coûts ?
  • Réponse du 23/06/2022
    • de HENRY Philippe
    Celle-ci porte essentiellement sur le « coût total d’utilisation » ou « total cost of ownership » (TCO) des véhicules.

    Les constructeurs de véhicules électriques se distinguent des conducteurs classiques par le fait que certains d’entre eux, à l’instar de TESLA, par exemple, intègrent le coût de la recharge, et donc de l’infrastructure, directement dans la mise à disposition du véhicule. Les constructeurs allemands et certaines marques associées offrent également cette opportunité avec le réseau Ionity. Volvo a également développé son propre modèle. Pour les besoins de la démonstration, nous ne prendrons pas ce cas de figure qui, même s’il existe, ne permet pas de comparaison simple, puisqu’il n’existe pas dans le cas de véhicules thermiques.

    Dans l’exercice, il faut aussi tenir compte de l’habitude de recharge, au niveau du domicile ou du lieu de travail, en infrastructure publique semi-rapide ou en charge rapide. En effet, selon le modèle, le coût de la recharge ira de 0 euro si on charge directement à partir de panneaux photovoltaïques à 0,8 euro/kWh en cas de charge rapide.

    Enfin, l’entretien prend également une part, moins importante, mais significative sur un véhicule électrique que sur un véhicule thermique, d’autant plus si le véhicule thermique est manuel et non automatique.

    Le déficit initial se marque évidemment à l’achat de la voiture. Prenons le cas d’une compacte qui est la catégorie de véhicules la plus vendue en Belgique. On peut considérer qu’une voiture électrique sera de 10 000 euros à 15 000 euros plus chère qu’un modèle thermique équivalent, le différentiel se marquant plus avec les moteurs à essence.

    En moyenne, un conducteur belge fait 15 000km/an. Considérant un coût de l’essence ou du diesel à 2 euros par litre, ce qui semble actuellement la norme, avec une consommation établie à 5 à 6 litres par 100 kilomètres, l’usage du véhicule seul s’établit annuellement entre 1 500 euros et 1 800 euros.

    Dans le même temps, un véhicule électrique consommera, lui entre 15 et 20 kWh par 100 kilomètres, soit de 2 250 kWh à 3 000 kWh. Lorsque la charge se fait sur panneaux solaires, la charge sera faite à coût nul ou en simple amortissement de l’installation photovoltaïque. En cas de recharge sur le réseau, on se situera, en tarif nuit, entre 470 et 630 euros. En cas de charge sur une infrastructure publique semi-rapide, on se situera plutôt entre 850 et 1 140 euros. En cas de recharge rapide exclusivement, le prix s’établira plutôt entre 1 575 euros et 2 100 euros. Ce coût peut monter jusqu’à 2 400 euros.

    Une précision à ce niveau, la démultiplication d’infrastructures publiques n’entrainerait qu’une diminution marginale du coût de la charge sur les infrastructures publiques, la diminution serait, en effet, essentiellement liée aux réductions pour installations groupées. Par contre, en cas de forte croissance du nombre de véhicules électriques chargeant sur ces infrastructures, les fournisseurs de services d’électromobilité pourraient, sans doute, disposer de contrats de fourniture électrique plus intéressants et appliquer certaines baisses tarifaires.

    Cependant, avec la volatilité actuelle des marchés de l’énergie, une hausse des prix d’une vingtaine de pour cent a déjà pu être constatée à la recharge.

    En ce qui concerne le coût de l’entretien, à cadence d’entretien équivalente, le différentiel d’entretien peut s’établir à environ 150 à 200 euros par an. Une partie du différentiel étant gommé par un taux de remplacement de pneumatiques plus important sur les voitures électriques (en cause, le poids du véhicule).

    Pour être complet, la décote du véhicule en cas de revente peut s’avérer être un élément important. Il y a quelques années, cette décote était très en défaveur des véhicules électriques. Aujourd’hui, il y a une forme de rééquilibrage, les véhicules électriques ayant atteint des performances suffisantes pour que la décote ne soit plus très importante.

    De ce qui précède, dans le meilleur des cas, la différence entre l’utilisation annuelle d’une voiture électrique et d’une voiture thermique peut être évaluée entre 1 650 et 1 900 euros dans le cas où la voiture électrique est couplée directement à une source d’énergie renouvelable. Cette différence passe à entre 1 000 et 1 500 €euros en recharge domiciliaire au tarif de nuit. En cas de charge sur un réseau public, le différentiel passe à environ 500 à 1 100 euros.

    En cas de recharge exclusivement rapide, cela coûtera environ le même prix, voire plus cher de rouler en véhicule électrique.

    En conclusion, sans tenir compte d’autres externalités que le seul usage de la voiture, dans le meilleur des cas, à usage identique, il faut 5 à 6 ans d’utilisation d’une voiture électrique pour atteindre l’équilibre financier. En cas de charge sur le réseau, l’équilibre mettrait plus de 6 ans.

    L’exercice, évidemment, peut évoluer en fonction du coût des carburants, du coût de l’électricité, du modèle économique global (charge intégrée ou non dans l’achat de la voiture), du coût des véhicules … Mais, aujourd’hui, le constat est là. Pour qu’une voiture électrique coûte moins cher, il faut soit pouvoir la charger chez soi ou sur le lieu de travail en utilisant de l’énergie auto-produite, soit, lorsqu’un utilisateur dépend du réseau électrique ou d’un réseau de bornes, accepter de posséder sa voiture plus de cinq ans ou augmenter son kilométrage annuel.

    Dans le premier cas, ça irait contre l’usage du secteur automobile qui vise à un remplacement plus rapide des voitures, même si la moyenne d’âge des voitures du parc est de 9-10 ans actuellement. Le second pose, par contre, plus de problèmes. Problèmes auxquels est durement confrontée la Norvège qui a vu la dépendance à la voiture augmenter depuis l’émergence des voitures électriques. Constat partagé également en Belgique sur le seul segment des voitures électriques avec un kilométrage annuel de 30 à 50 % plus élevé.

    Il est évident que les voitures électriques seront un élément essentiel de la transition, mais les chiffres tendent bien à montrer que le modèle économique actuel autour de l’électromobilité pose plus de problèmes qu’il en solutionne.

    C’est bien une diminution du coût des voitures, une utilisation plus rationnelle de celles-ci, une réorientation vers des véhicules plus petits axés sur l’essentiel de l’usage quotidien et un modèle économique basé sur l’autoconsommation qui seront, à mon sens, une des clés du succès de cet enjeu.