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La consommation d'antidouleurs opioïdes

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 496 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 30/05/2022
    • de VANDORPE Mathilde
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    En Belgique, entre 2010 et 2017, la consommation d'antidouleurs opioïdes a fait un bond de 32 % d'après les chiffres de l'INAMI. Les opioïdes sont délivrés dans la moitié des cas pour soulager une douleur aiguë ou chronique. Aujourd'hui, un belge sur 10 en consomme régulièrement.

    Les opioïdes, même ceux prescrits par un médecin, peuvent comporter des risques pour la santé s'ils sont utilisés de manière inadéquate. Les risques principaux sont la dépendance et la surdose. On peut ainsi devenir accro au tramadol, ce qui n'est pas le cas avec le paracétamol et les autres antalgiques. Outre leur pouvoir analgésique, les opioïdes ont des effets apaisants, euphorisants et atténuent l'anxiété. Résultat : même quand la souffrance physique se calme, le cerveau réclame sa dose pour trouver la paix. Par ailleurs, un vrai risque de surdose et d'overdose par arrêt respiratoire existe.

    Aux États-Unis, ces médicaments prescrits par des médecins ont causé 400 000 décès en moins de 10 ans. Ils constituent désormais la première cause de mort par overdose en France, avec au moins quatre décès par semaine.

    Le WAPPS ne mentionne en aucun cas les opioïdes, ni dans le point « prévention des usages addictifs et réduction des risques », ni nulle part ailleurs.

    Madame la Ministre a-t-elle pris connaissance de cette pratique ?

    Entend-elle renforcer les mesures de prévention autour de la prise d'opioïdes mais aussi de sa prescription ?

    Compte-t-elle s'entendre avec les services de santé mentale en Wallonie autour de ce sujet ?
  • Réponse du 16/06/2022
    • de MORREALE Christie
    L’honorable membre souligne l’augmentation de la consommation d’antidouleurs en Belgique entre 2010 et 2017. Grâce aux données l’INAMI, analysées par Eurotox, on sait que l’opioïde le plus prescrit en Belgique est de loin le Tramadol. Entre 2005 et 2020, ce sont presque deux fois plus de patients qui ont eu une prescription de médicament à base de Tramadol.

    En ce qui concerne l’association Tramadol + paracétamol, le nombre de patients a presque triplé en 15 ans (de 137 804 patients en 2005 à 392 093 en 2020). L’augmentation la plus spectaculaire se situe au niveau du nombre de patients ayant reçu une prescription d’oxycodone, qui est passé de 2 713 en 2007 à 77 489 en 2020 (soit près de 30 fois plus).

    L’usage de prégabaline est aussi en augmentation dans notre pays, selon les données de l’INAMI.

    Ces augmentations sont d’abord le reflet d’une augmentation de l’usage médical de ces médicaments. Il y a dans ces chiffres surtout une interrogation à avoir sur les raisons de ces augmentations. Le vieillissement de la population et l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques représentent certainement les principales causes de ces augmentations.

    Mais il est probable que les dépendances, les surdosages et les détournements soient eux aussi en augmentation. Depuis 2020, différents signalements évoquent une augmentation du mésusage de pragabaline dans notre pays. Près d’un tiers des centres spécialisés en assuétudes ont même déclaré que ce mésusage concernerait plus de 25 % des bénéficiaires. L’ampleur du mésusage de prégabaline a tendance à être plus importante en Région bruxelloise qu’en Wallonie (p=0,03). Les abris de nuit ainsi que les centres d’accueil de jour sont les structures qui y semblent le plus exposées. Près de la moitié des centres (47,2 %) estiment que le mésusage de prégabaline a augmenté depuis la crise sanitaire. De façon générale, malgré le caractère légal lié aux à ce type de médicaments, la prise en charge des personnes pharmacodépendantes s’effectue de façon globale et transversale par les services spécialisés en assuétudes à tous les niveaux : de la prévention, à la réduction des risques en passant par l’aide et l’accompagnement.

    Face à ces constats, des ASBL comme le réseau d’aide aux toxicomanes (l’ASBL RAT) organisent des sensibilisations et des formations. Au début du mois de mai, c’est une formation à destination des médecins généralistes qui s’est tenue sur le thème de « Quand combattre la douleur expose à la dépendance ». L’importance de prescrire avec prudence et la gestion des abus y étaient abordés.

    Ce genre d’actions font bien partie du Plan wallon de prévention et de promotion de la santé, WAPPS. Dans le point consacré à la prévention des usages addictifs et réduction des risques, l’action 1.1.6 prévoit d’appuyer les animations d’éducation permanente en matière de surconsommation de benzodiazépines et d’antidouleurs.

    Une récente étude financée par la politique scientifique fédérale (Belspo) s’est intéressée à l’usage non médical de médicaments psychotropes chez les jeunes belges. A l’issue de cette étude, les chercheurs concluent à une série de recommandations. Ils insistent notamment sur l’importance de l’information à destination du grand public, à l’importance des programmes d'éducation, de sensibilisation et de prévention diversifiés et adaptés aux groupes cibles spécifiques des jeunes qui utilisent des médicaments de façon non médicale et sur la règlementation stricte sur la délivrance de ces médicaments.

    Les recommandations qui concernent la délivrance de médicaments relèvent de l’autorité fédérale. D’ailleurs, face aux constats de surprescription de médicaments psychotropes en Belgique, un groupe d’expert·es scientifiques a été créé en 2013 le Belgian Psychotropics Experts Platform (BelPEP), de manière à favoriser une utilisation plus appropriée des médicaments psychotropes. En 2018, le SPF Santé publique avait mené une campagne « Somnifères & calmants, pensez d’abord aux autres solutions ».