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Le suivi par les hôpitaux wallons des cas observés de soumission chimique par GHB ou autres drogues assimilées

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 503 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 02/06/2022
    • de NIKOLIC Diana
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    À la fin de l'année 2021, le GHB a fait fortement parler de lui dans l'actualité avec le mouvement #Balancetonbar.

    Le GHB est loin d'être la seule substance utilisée comme drogue du viol. Le 4 mai dernier, un nouveau phénomène est d'ailleurs arrivé en Wallonie : plusieurs victimes évoquent avoir remarqué une trace de piqûre sur le bras ou la fesse le lendemain de la soirée. Des témoignages similaires ont été vus sur les réseaux sociaux et concernent d'autres villes wallonnes.

    Interrogée par la RTBF en décembre 2021, la Cheffe du Service de toxicologie clinique et médico-légale au CHU Liège s'est livrée sur l'augmentation de la soumission chimique par GHB ou autres drogues assimilées. Selon elle, on assiste plutôt à une libération de la parole plutôt qu'à une augmentation du phénomène.

    En effet, depuis quelques mois, plus de plaintes sont déposées en ce sens. Elle a donc annoncé que le CHU allait faire plus d'analyses, pour mettre en évidence une éventuelle soumission chimique.

    Au vu de l'augmentation des dépôts de plaintes, Madame la Ministre a-t-elle demandé à l'AViQ d'initier une démarche auprès des hôpitaux wallons en ce qui concerne les éventuelles soumissions chimiques utilisées comme drogue du viol ?

    Dispose-t-elle de ce type de chiffres, par zone et par type de drogue ?

    De nouvelles tendances sont-elles observées ?

    Par ailleurs, peut-elle faire le point sur les différentes actions initiées pour faire face à ce phénomène ?
  • Réponse du 27/06/2022
    • de MORREALE Christie
    Les cas de piqûres dites « sauvages » semblent en effet se multiplier en Belgique. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas tout à fait nouveau. Il a commencé à se faire connaître au Royaume-Uni fin 2021 avant de s’étendre, plus récemment, à la Belgique, aux Pays-Bas et à la France notamment.

    Les victimes de ces piqûres ressentent des symptômes tels que nausées, vertiges, sueurs froides, perte de conscience … Les Parquets ouvrent des enquêtes, notamment à la suite de plaintes déposées lors de festivals ou plus récemment lors de la Belgian Pride. Mais jusqu’à ce jour, aucune analyse de sang, aucun dépistage toxicologique, n’a permis de mettre en évidence une substance qui aurait pu être injectée. Plusieurs hypothèses circulent : piqûre sans injection de produits, les symptômes étant alors déclenchés par l’angoisse ; injection d’une faible quantité d’insuline qui provoquerait les symptômes d’une hypoglycémie (hypothèse d’un médecin légiste à l’institut médico-légal de Liège) ; soumission chimique qui semble peu probable pour certains experts, d’autres moyens moins risqués (par exemple drogue jetée dans le verre) étant disponibles. Outre le fait que les produits qui sont éventuellement injectés ne sont pas connus et semblent difficilement identifiables compte tenu de leur délai d’élimination, se pose également la question du risque de transmission d'autres maladies en lien avec l'utilisation de matériel d'injection souillé.

    Cette problématique est prise très au sérieux, tant au niveau de la police que des organisateurs de festivals qui vont intensifier la surveillance par des contrôles et fouilles corporelles lors des festivals cet été, mais aussi sensibiliser le personnel et festivaliers.

    Aussi, le Ministre de la Justice a décidé d’inclure dans le nouveau Code pénal sexuel le « spiking » en tant qu’infraction aggravée entraînant une peine maximale de 15 ans de prison. Cela inclut également le « needle-spiking ».

    À l’heure actuelle, il n’existe pas de recensement chiffré de la problématique ou d’actions particulières au niveau des hôpitaux, qui me sembleraient relever plutôt de la sphère médico-légale. Une étude récente menée en Suisse présente les résultats suivants :
    - 1 cas de détection de GHB / 60 demandes d’analyses (1,7 %) dans des cas d’agressions sexuelles, de suspicion de soumission chimique ou de black-out (il s’agissait d’un homme) ;
    - d’autres substances sont plus fréquemment trouvées dans les analyses dans ces cas (alcool 48 %, cannabis 17 %, benzodiazépines 10 %, antidépresseurs 10 %, cocaïne 6.5 %, amphétamines, héroïne …) ;
    - le délai de prélèvement pour espérer obtenir un résultat positif est de 12h ; si les personnes se présentent à l’hôpital après ce délai, certaines substances, dont le GHB, ont pu être totalement éliminées de l’organisme et ne seront donc plus détectables. Dans l’étude, pour la moitié des cas, le délai était trop important pour permettre de mettre en évidence le GHB.

    Ce qui importe avant tout, me semble-t-il, c’est de favoriser la sensibilisation et la prévention auprès des victimes potentielles, et d’assurer le suivi des personnes qui en seront malheureusement victimes.

    Il est certes difficile de se prémunir des piqûres soudaines au milieu de la foule, mais il faut sensibiliser à la surveillance entre pairs, au fait de ne jamais rester seul, d’accompagner une personne qui présente des symptômes vers le centre de soins le plus proche, de porter plainte et de se faire dépister le plus rapidement possible.

    Il faut également sensibiliser à l’importance de surveiller son verre, de ne pas accepter de boissons d’un inconnu ou qui ne viendraient pas directement du bar puisque malheureusement les agressions de ce type ne se limitent pas aux piqûres.

    L’ASBL Modus Vivendi, que nous soutenons, développe le projet de labellisation « Quality night ». En Wallonie, plusieurs lieux sont déjà labellisés « Quality Night ». Modus Vivendi a proposé l’année dernière une formation à destination des acteurs locaux sur les risques des violences sexuelles sous l’effet de drogue ou d’alcool. Une seconde formation devrait avoir lieu cette année.

    Les professionnels sont en demande d’outils et de conseils pour faire de leur lieu de fête un endroit sécurisé. Les protections de verre peuvent être utiles pour rassurer les clients, mais on ne sait pas si c’est un outil efficace. Cela doit encore être documenté. Il faut des recherches supplémentaires pour voir comment ça se passe concrètement et quels sont les outils de réduction des risques qui fonctionnent.

    Le projet « Quality Night » fait partie du mouvement « Safe Ta Night » dont un des projets actuels est la recherche des personnes concernées par le harcèlement en milieu festif, afin de récolter leur témoignage. Modus Vivendi travaille avec le Plan SACHA, une ASBL qui développe une expérience sur les violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs.

    Le label devrait évoluer vers une sensibilisation et une mise à disposition d’outils pour tous les acteurs wallons des milieux festifs.

    En termes d’accompagnement des victimes, rappelons qu’en Wallonie, le Plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024 prévoit de pérenniser le financement et d’assurer les horaires de disponibilité de la ligne téléphonique de SOS Viol. Ce plan fera l’objet d’une évaluation d’ici le mois de septembre 2022. Un rapport intermédiaire sera présenté au Parlement wallon dans le courant du dernier trimestre 2022.

    Au niveau fédéral, le plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre adopté en novembre 2021 prévoit quant à lui la création de 7 Centres supplémentaires de Prise en charge des Violences Sexuelles CPVS d’ici 2024. Pour rappel, un CPVS permet à une victime de violences sexuelles d’obtenir une assistance médicale et psychologique gratuite et de porter plainte en un seul endroit, 24h/24 7J/7. L’objectif est que chaque victime trouve un centre à moins d’une heure de son domicile. Le succès du déploiement des CPVS dépendra de deux grands défis : les faire connaître du grand public, d’une part, et les articuler avec des lieux d’accueil et de soin de première ligne, d’autre part. Nous pensons, par exemple, aux cellules d’aide présentes sur les campus, aux centres de planning familial, aux Équipes SOS Enfants, aux lignes d’écoute, et cetera.