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La lutte contre le gaspillage des cartouches d’encre et la pollution afférente

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 637 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/06/2022
    • de LEPINE Jean-Pierre
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    En 2017, dans son rapport d'enquête « Imprimante : cas d'école d'obsolescence programmée ? », l'association française HOP « Halte à l'obsolescence programmée » mettait en évidence qu'il pourrait rester entre 20 % à 40 % d'encre dans certaines cartouches signalées comme vides. On est bien loin du petit résidu avancé par certains constructeurs.

    La cause résiderait dans les puces électroniques des cartouches qui peuvent détecter le nombre d'impressions et ainsi contrôler virtuellement l'usage, afin de limiter le recours aux alternatives génériques, moins coûteuses, et, bien souvent, tout aussi efficaces.

    Encore plus révélateur : en 2022, à la suite des pénuries de semi-conducteurs, l'entreprise Canon a supprimé temporairement les puces de ses cartouches tout en fournissant une série de consignes permettant aux utilisateurs de contourner les messages d'erreurs ; ces mêmes messages d'erreurs rencontrés qui s'affichent lorsque l'utilisateur a recours à une cartouche d'encre autre que celles commercialisées par la marque du fabricant. Ces petites puces seraient donc au cœur d'une stratégie commerciale incitant à la surconsommation.

    Au vu de la pollution engendrée par ces cartouches d'encre, considérant que leur fabrication accroit notre empreinte carbone et compte tenu du coût représenté par l'achat régulier de nouvelles cartouches de marque, à notre niveau, quelles mesures est-il possible de prendre afin de favoriser une consommation sociétalement plus responsable des cartouches d'encre ?

    Les consommateurs, à savoir les citoyens, les entreprises, les institutions, sont-ils, à l'estime de Madame la Ministre, suffisamment informés des pratiques des fabricants et des alternatives existantes ?

    Quels leviers d'action identifie-t-elle pour lutter contre le gaspillage des cartouches d'encre et la pollution que cela génère ?

    Des initiatives visant le développement d'une filière de collecte et de recyclage des cartouches d'encre sont-elles encouragées en Wallonie ?

    Pourrait-on imaginer que les institutions wallonnes et les pouvoirs locaux intègrent des critères inspirés de ces considérations, comme le non-usage de puces électroniques ou la possibilité de recours à des cartouches d'encre reconditionnées, lors de la passation de marchés publics ?
  • Réponse du 09/08/2022
    • de TELLIER Céline
    Le phénomène de l’obsolescence programmée des cartouches d’encre, mais aussi de bien d’autres appareils électriques et électroniques est une aberration totale sur le plan environnemental et économique et un véritable fléau, qui va totalement à l’encontre d’une utilisation rationnelle de nos ressources naturelles, dont certaines sont difficiles, voire impossibles à renouveler. C’est la phase d’extraction des métaux qui pèse le plus lourd dans le bilan environnemental du cycle de vie des appareils.

    Il faut s’attaquer avec force et détermination à cette problématique, les leviers et les moyens d’actions les plus efficaces se situant toutefois essentiellement au niveau du Gouvernement fédéral (en particulier du Ministre fédéral de l’Économie et du Travail) qui dispose notamment des compétences en matière de normes de produits.

    La lutte contre l’obsolescence programmée des appareils électriques et électroniques est en effet une compétence fédérale. Actuellement, faute d’accord, il n’existe pas encore de moyen de sanctionner l’obsolescence programmée en Belgique. Toutefois, trois propositions de loi ont été déposées à la Chambre en début 2020, comprenant des mesures pour favoriser les appareils durables et la réparabilité. Ces mesures ont trait à l’affichage (inscription de la durée de vie des appareils, de leur réparabilité et de la disponibilité des pièces détachées), à l’allongement de la garantie légale de 2 à 5 ans sur certains appareils et à la diminution de la TVA sur les réparations (6 % au lieu de 21 %).

    Par ailleurs, le Gouvernement fédéral a validé en décembre 2021 un plan d’actions 2021-2024 pour une économie circulaire, ce plan étant le fruit d’une initiative conjointe de la Ministre fédérale de l’Environnement et du Climat Zakia Khattabi et du Ministre fédéral de l’Économie Pierre-Yves Dermagne. La mesure 2 de ce plan prévoit la mise en place de l’affichage d’un indice obligatoire de réparabilité à faire apparaitre sur les produits au moment de leur achat (y compris les achats en ligne). Cet indice de réparabilité, qui s’inspire de l’indice instauré en France, aura pour objectif d’informer le consommateur de la réparabilité du produit qu’il compte acquérir, mais aussi de sa durée de vie (à travers l’affichage d’un compteur d’usage). À terme, cet indice devra évoluer vers un indice de durabilité reprenant des informations permettant d’apprécier la robustesse et la fiabilité des produits.

    En outre, en votant en faveur d’un droit à la réparation, le Parlement européen a aussi ouvert la porte à la mise en place d’un étiquetage obligatoire indiquant la durée de vie et la réparabilité des appareils électriques et électroniques (Résolution du Parlement européen du 25 novembre 2020 : Vers un marché unique plus durable pour les entreprises et les consommateurs (2020/2021(INI))). C’est une avancée importante dans la lutte contre l’obsolescence programmée à un échelon qui est certainement le plus efficace et le plus pertinent. La Commission européenne planche aussi sur la mise en place d’un « passeport des produits numériques » qui reprendrait des informations sur l’origine des produits, leur durabilité, leur composition, les possibilités de réparation et de démontage ainsi que leur traitement en fin de vie.

    Toutes ces initiatives sont largement soutenues par la Wallonie, dans le domaine de ses compétences, à travers notamment le soutien financier alloué depuis 2015 à l’ASBL Repair Together, le montant des subsides octroyés ayant été renforcé d’un tiers à mon initiative. Outre le développement et l’extension du réseau actuel des 176 Repairs cafés sur le territoire régional, Repair Together organise également, dans le cadre de sa convention, des actions de sensibilisation à l'obsolescence programmée auprès d'un public d'adultes, sous la forme notamment de conférences dans le cadre de journées thématiques, de soirées débats…, ainsi que des animations tout public et dans les écoles, orientées sur l'économie circulaire et l'obsolescence programmée.

    L’ASBL milite également pour le droit universel à la réparation, en faisant partie de la coalition européenne « Right To Repair Europe ». Elle participe ainsi à l’organisation de campagnes régionales, nationales et européennes pour sensibiliser le public et les décideurs politiques aux enjeux environnementaux, économiques et sociétaux liés aux modes de production, à la réparation et au réemploi.

    En ce qui concerne les cartouches d’encre en particulier, des mesures de prévention, des conseils et le recours aux bonnes pratiques sont également diffusés via les sites internet du réseau Ecoconso et du site moinsdedéchets.wallonie.be, qui promeuvent notamment l’utilisation de cartouches d’encre rechargeables (non pucées). Par ailleurs, la Fédération Ressources du secteur de l’Économie sociale et celle de défense des consommateurs Test-achats ont attiré l’attention du grand public sur le fait que les imprimantes domestiques et leurs consommables ne sont pratiquement jamais conçus dans une optique de réparabilité ou de longévité.

    Une filière de collecte et de recyclage des cartouches d’encre existe déjà en Wallonie, dans le cadre du système de responsabilité élargie des producteurs et de l’obligation de reprise des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). En effet, les cartouches usagées équipées de puces électroniques sont considérées comme des DEEE. Par conséquent, elles doivent être collectées en vue de leur préparation au réemploi ou de leur recyclage, au niveau des détaillants et des recyparcs, via le réseau de collecte organisé et financé par l’organisme de gestion Recupel.

    S’agissant de la collecte des cartouches usagées, la législation wallonne prévoit que la collecte des appareils de ce type ne peut être effectuée que par des entreprises disposant d’une autorisation en Wallonie. En ce qui concerne leur traitement et leur valorisation, seuls les centres autorisés disposant d’un permis d’environnement peuvent exercer cette activité. Ils doivent respecter des normes strictes en termes de dépollution et de traitement des déchets et sont audités dans le cadre de cette activité. Ils doivent aussi rapporter leurs données de collecte et de recyclage, ce qui garantit une traçabilité et permet un aperçu précis des filières de collecte et de traitement.

    Enfin, la circulaire du 16 mai 2014 (M.B. du 21 mai 2014) a établi un cadre stratégique fédéral pour des marchés publics durables. Dans ce cadre, il est tout à fait possible de fixer des critères d’attribution de marché de fournitures favorisant l’achat de cartouches d’encre réutilisables et plus durables, lors de la publication et la passation des marchés publics en Wallonie. Ainsi, pour faciliter et guider le travail des adjudicateurs, le portail des marchés publics en Wallonie (i) renvoie vers le guide des achats durable (qui contient une fiche spécifique sur les services d’impression écologique : https://guidedesachatsdurables.be/fr/content/impression) et (ii) propose une liste de critères et de labels de durabilité pour les cartouches d’encre, à indiquer dans les clauses des marchés publics (EU GPP criteria, Label blue angel, Nordic ecolabel ou encore Label NF par exemple). Pour plus d’informations, consulter notamment le site https://marchespublics.wallonie.be/home/pouvoirs-adjudicateurs/passer-un-marche-public-responsable/quels-sont-les-clauses-et-outils-specifiques-a-chaque-type-de-marche/marches-de-fournitures.html