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Le glyphosate en Wallonie

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 640 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 03/06/2022
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Décidée en décembre 2017 malgré une pétition ayant recueilli plus d'un million de signatures, la prolongation pour cinq ans de l'herbicide controversé, le glyphosate, vient à échéance ce 15 décembre. Les industriels demandent de nouveau le renouvellement de l'autorisation de commercialisation en se basant sur des études à l'appui de leur thèse.

    Plusieurs pays d'Europe ont pourtant décidé de sortir du glyphosate ou annoncent qu'ils le feront prochainement, mais pas la Belgique.

    Le glyphosate est pourtant classé comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer de l'ONU. Dans un avis rendu en janvier 2020, le Conseil supérieur de la santé proposait « d'interdire le glyphosate en Belgique dès que possible, à savoir en 2022 ». Il s'inquiétait par ailleurs de « l'impact du glyphosate sur le microbiome intestinal de l'homme et des pollinisateurs », de même que ses effets perturbateurs endocriniens. Dans un biomonitoring de 2020, des traces de l'herbicide ont été détectées dans près d'un quart des échantillons d'urine de plus de 800 Wallons.

    Les pesticides à base de glyphosate et de coformulants sont principalement utilisés dans l'agriculture et l'horticulture, généralement pour lutter contre les « mauvaises herbes » qui font concurrence aux plantes cultivées. Interdit depuis plusieurs années pour les usages domestiques en Belgique, le glyphosate est aussi utilisé pour « nettoyer » les sols entre une culture et un semis. Infrabel utilise du glyphosate pour désherber ses 3 600 km de réseau. Pourtant, d'autres techniques existent telles : une gestion mécanique des talus, l'utilisation de l'eau chaude ou des bioherbicides pour entretenir les voies, la plantation de haies, le pâturage de moutons.

    Pour quelles raisons et sur quelle base scientifique la Belgique ne prend-elle pas clairement position contre le glyphosate ?

    Le glyphosate est-il encore utilisé par les administrations ?

    Que dit Madame la Ministre de l'utilisation du désherbant par Infrabel ?

    Comment justifier son utilisation auprès des citoyens, après les rapports du Conseil supérieur de la Santé et du Centre international de recherche sur le cancer de l'ONU ?
  • Réponse du 09/08/2022
    • de TELLIER Céline
    En Belgique, la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (PPP) est une compétence fédérale. Le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement (SPF SPSCAE) a réalisé un dossier sur le glyphosate, consultable sur le site Phytoweb via ce lien : Glyphosate | Phytoweb (fytoweb.be). Ce dossier présente les réponses de l’administration fédérale aux différentes interrogations que l’honorable membre soulève (notamment vis-à-vis de la position du CIRC et celle défendue par l’EFSA).

    Compte tenu des risques probables identifiés par un nombre non négligeable de centres de recherches ou d’experts issus du monde académique, il me semble que le principe de précaution doit primer sur le reste à ce stade pour ce qui concerne le glyphosate.

    En suite de l’avis sur les propriétés intrinsèques de la substance, un avis sur les risques portant sur l’exposition des personnes et de l’environnement au glyphosate devra être remis par l’EFSA en juillet 2023. Rien n’est donc encore arrêté à l’heure actuelle et l’étape de la décision au sein de la Commission, qui consultera donc les états membres, interviendra après la remise de cet avis par l’EFSA. Je ne la surprendrai pas en lui répondant que lorsque je serai consultée sur le sujet, je plaiderai pour le respect strict du principe de précaution.

    Par rapport à l’utilisation du glyphosate (qui relève bien des compétences régionales), voici les utilisations actuelles en Wallonie :
    - bien que des produits soient toujours autorisés par le Fédéral sur les surfaces visées par ces espaces, l’utilisation de PPP (et donc de glyphosate) est interdite dans les espaces publics depuis le 1er juin 2019 et dans les espaces fréquentés par des groupes vulnérables (femmes enceintes, enfants, personnes âgées,malades …) depuis le 1er juin 2018.
    Une dérogation subsiste pour le traitement des chardons, rumex et espèces exotiques envahissantes. Dans ce cadre, certaines administrations peuvent encore utiliser du glyphosate (notamment par injection dans les cannes de Renouée du Japon) ;
    - les utilisateurs particuliers ne peuvent plus utiliser de glyphosate depuis octobre 2018 (retrait des agréations par le Fédéral) ;
    - le glyphosate est effectivement utilisé en agriculture surtout en intercultures ou en agriculture de conservation (travail du sol limité) pour lutter contre certaines adventices vivaces ;
    - les entrepreneurs de parcs et jardins peuvent utiliser du glyphosate pour l’entretien des espaces verts (non visés par les interdictions reprises au premier point) en ce compris les jardins des particuliers. Les professionnels possèdent en effet une phytolicence qui garantit qu’ils ont les connaissances suffisantes pour manipuler les PPP en toute sécurité et en respectant les bonnes pratiques ;
    - bien que les voies de chemin de fer soient considérées comme un « espace public » au sens de l’arrêté du Gouvernement wallon du 11 juillet 2013 et donc soumises à l’interdiction d’utiliser des PPP depuis le 1er juin 2019, INFRABEL dispose actuellement d’une dérogation pour pouvoir entretenir les voies et les pistes de sécurité qui les bordent avec des herbicides (dont le glyphosate). Pour information, la SNCB ne dispose pas d’une telle dérogation pour l’entretien des quais et des abords des gares (en ce compris les parkings) car des alternatives durables existent pour ces lieux.

    Pour le cas particulier des voies de chemin de fer et des pistes de sécurité, il n’existe pas à l’heure actuelle d’alternative durable efficace et compatible avec les exigences de sécurité et de maintien du service public de transports de personnes. Sachez cependant que INFRABEL s’engage depuis 2015 dans un plan de réduction de l’utilisation des herbicides et que les différents développements mis en œuvre depuis cette date (utilisation d’une caméra de détection sur le train désherbeur, non-utilisation de PPP sur les talus, les bords d’ouvrages, les voies secondaires (voies de garage, gares de formation),…) ont permis de diminuer significativement l’usage d’herbicides (- 30 % pour les herbicides foliaires et – 65 % pour les herbicides anti-germinatifs). INFRABEL continue aussi d’investiguer des méthodes alternatives pour l’entretien des voies et doit rendre un rapport sur les recherches en cours à l’issue de la période couverte par la dérogation qui lui est octroyée. Les talus ne sont plus traités avec des herbicides depuis au moins 2015. Ils sont simplement fauchés. INFRABEL a par ailleurs uniquement recours à des PPP qui ne contiennent pas le symbole de danger SGH07 (toxique, irritant, sensibilisant).

    C’est en outre sur tous les pesticides que nous devons agir, certains étant d’ailleurs plus toxiques que le glyphosate, même si moins médiatisés. C’est en priorité sur les alternatives et les trajectoires que l’on doit se pencher afin de réduire notre dépendance. Je discute régulièrement avec mon collègue Ministre de l’Agriculture sur le sujet, car c’est bien sur le modèle agricole dans son ensemble qu’il faut agir si l’on veut réduire notre dépendance aux intrants chimiques, qui se retrouvent in fine dans l’eau, l’air, les sols, les populations d’insectes… et nous-mêmes, inévitablement.

    En effet, en Wallonie, plus de 98 % des pesticides vendus sont utilisés en agriculture. Ceci ne veut pas dire que les agriculteurs sont à pointer du doigt pour des pratiques qu’ils choisiraient tous librement ; cela veut dire que nous subissons aujourd’hui les conséquences d’une série de choix en agriculture que nous avons posés à la sortie de la guerre, aussi néfastes pour l’environnement, la santé que toute notre société. Ce modèle n’a plus sa place à notre époque et doit être remplacé par une façon de produire des denrées alimentaires qui renforce notre résilience sur le plan international, préserve notre environnement, la biodiversité et notre santé, et assure aux agriculteurs des conditions de travail et financières viables. Depuis le début de cette législature, de nombreuses initiatives ont été prises en la matière, et j’invite l’honorable membre à questionner mon collègue Ministre de l’Agriculture afin d’avoir sa vision globale sur cette transition à opérer, et déjà en cours, et les trajectoires qu’il identifie pour notre Région.