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La publication de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) sur l'absence de classement cancérogène du glyphosate

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 722 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 13/06/2022
    • de FONTAINE Eddy
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et son comité d'évaluation des risques a formulé ses conclusions : le classement actuel du glyphosate ne change pas. Celui-ci continue donc à ne pas être considéré comme cancérogène par l'ECHA.

    Cette évaluation doit permettre à la Commission de prolonger ou non l'autorisation délivrée à cet herbicide dans l'Union. L'autorisation actuelle doit expirer en décembre 2022, mais sera automatiquement prolongée à moins qu'un risque particulier ne soit identifié.

    L'Agence européenne des produits chimiques déclare le glyphosate non considéré comme cancérogène. Or, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'OMS catégorisait en 2015 le glyphosate comme un « cancérogène probable » pour les humains.

    Cette annonce intervient alors que l'ECHA et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont reporté à juillet 2023 les conclusions d'une étude de l'EFSA sur « tous les risques possibles de l'exposition au glyphosate pour les animaux, les humains et l'environnement ».

    La Commission européenne devrait donc prolonger d'un an l'autorisation du glyphosate.

    Quelles sont les conséquences potentielles pour l'agriculture wallonne ?

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre vis-à-vis de ces déclarations de l'ECHA ?

    A-t-il échangé à ce propos avec les agriculteurs ?

    Ces déclarations de l'ECHA vont-elles influencer ce processus de sortie progressive ?

    Dans quelle mesure le Plan stratégique régional de la PAC est-il concerné ?

    Dans le cadre des concertations intrabelges, quelle position défend-il par rapport au Ministre fédéral de l'Agriculture ?
  • Réponse du 04/07/2022
    • de BORSUS Willy
    La décision de renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour 5 ans a été votée lors du comité d’appel du 27 novembre 2017 au niveau européen. 18 pays ont voté en sa faveur (65,71 % de la population), 9 pays s’y sont opposés dont la Belgique et la France : (32,26 %) et 1 pays s’est abstenu (2,02 %).

    La Belgique s’est opposée au renouvellement et a demandé un phasing-out pour accompagner l’agriculture européenne vers l’abandon de ce produit.

    Les 9 pays opposés ont motivé leur vote par :

    1) la controverse scientifique sur la cancérogénicité (Avis du CIRC (Centre International de recherche contre le Cancer) qui déclare cette substance comme potentiellement cancérigène en contradiction d’un avis de l’EFSA qui la déclare non cancérigène ;

    2) de nombreuses controverses et polémiques scientifiques liées à la multinationale Monsanto ;

    3) une initiative citoyenne portée par plus d’un million de personnes.

    En ce qui concerne l’état d’avancement du dossier au niveau européen, 4 États membres ont été désignés par la Commission européenne comme rapporteurs pour cette substance, à savoir la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède.

    En octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a conclu qu’elle n’avait pas trouvé d’élément de nature à affecter la validité de l’autorisation émanant de l’UE à l’égard du glyphosate.

    Le 12 décembre 2019, soit trois ans avant l'expiration de l'approbation en cours du glyphosate (15 décembre 2022), l’industrie (Glyphosate Renewal Group (GRG)) a soumis un premier dossier de demande à chacun des quatre États membres du Groupe d'évaluation du Glyphosate (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), la Commission européenne et tous les autres États membres de l'Union européenne.

    Ce premier dossier de demande présentait les informations sur des études existantes et en cours. Le GRG a par ailleurs soumis des demandes de protection des données conformément à l’article 59 du règlement CE n° 1107/2009.

    Après examen, les États membres évaluateurs ont demandé que certaines modifications soient apportées au dossier de demande.

    Le 23 janvier 2020, le Glyphosate Renewal Group a remis à chacun des quatre États membres évaluateurs un nouveau dossier de demande prenant en considération leurs commentaires.

    Les États membres évaluateurs ont confirmé la complétude du dossier, sa recevabilité et remis à l'EFSA un rapport d’évaluation. Ce n’est que sur cette base que la Commission européenne et les États membres pourront décider d'autoriser ou non la substance active.

    A ce sujet, l’EFSA a annoncé le report au mois de juillet 2023 de la publication de son rapport final sur la classification du glyphosate. Ces conclusions étaient normalement attendues pour le second semestre 2022 en vue d’un vote des États membres avant le mois de décembre.

    Pour justifier le report d’un an de l'avis scientifique final sur la réévaluation du glyphosate, le directeur exécutif de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), Bernhard Url, a insisté, sur le caractère « hors normes » de ce dossier.

    L’examen de la prolongation éventuelle du glyphosate ne pourra donc se faire que lors du second semestre 2023 au plus tôt.

    Le Roundup et ses concurrents restent très utilisés, y compris en Wallonie. Il y a bien cependant une « tendance à la diminution » depuis 2018. Mais l’alternative idéale n’a pas encore été trouvée. En agriculture wallonne, on n’est clairement plus dans des usages systématiques. Il existe des alternatives aux principaux usages de ce produit en interculture : recours au travail du sol pour détruire les repousses de la culture précédente, choix de variétés gélives, et cetera. Toutefois, certaines pratiques comme l’agriculture de conservation restent encore souvent dépendantes du glyphosate.

    Cela ne m’empêche pas de penser qu’une transition vers un autre modèle plus durable est indispensable. Toutefois, il faut être conscient qu’elle n’est pas simple à mettre en place pour les agriculteurs, techniquement et économiquement, et encore moins dans une économie mondialisée.

    Les agriculteurs wallons n’ont pas attendu et ont déjà largement amorcé le virage de l’utilisation raisonnée du glyphosate. La pulvérisation de glyphosate sur les cultures avant récolte, y inclus pour la destruction de certaines adventices, est interdite chez nous depuis fin 2016.

    En matière de présence de traces de glyphosate dans l’alimentation, on peut incriminer les importations issues de régions du monde où l’usage de la substance est nettement moins restrictif que chez nous. Dans les cultures d’OGM résistants au Glyphosate (« Roundup ready ») présentes à très large échelle dans certaines régions du monde en dehors de l’Europe, ces cultures OGM sont désherbées avec du glyphosate à des doses 10 fois supérieures à ce qui est pratiqué en Europe...

    Le fait que l’ECHA se positionne pour un non-changement de la classification actuelle du glyphosate aura un impact limité. C’est surtout la position de l’EFSA qui va influencer la décision de la Commission de renouveler ou pas le glyphosate. La Commission peut aussi passer outre l’avis des 2 agences et prendre une autre décision (comme elle l’a fait pour le sulfoxaflor en prenant une décision plus stricte que les recommandations de l’EFSA).

    Comme l’honorable membre le sait, la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est de la compétence du Fédéral. Il adviendra donc à mon collègue fédéral de se prononcer sur le renouvellement éventuel du glyphosate. Il me semble bon de rappeler à ce niveau que le Conseil d'État a annulé, dans un arrêt rendu en janvier 2021, l'arrêté du Gouvernement wallon interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. La décision ne revient doc clairement pas à notre seule région. Le Conseil d’État avait notamment estimé qu'une interdiction générale d'utilisation de certains pesticides sur l'ensemble du territoire wallon « pourrait avoir pour effet d'exclure du marché les pesticides concernés, ce qui empêcherait le législateur fédéral d'exercer, en pratique, sa compétence en matière de normes de produits » et contreviendrait dès lors à la loyauté fédérale.

    Cela n’empêche qu’au niveau des organes concertations intrabelges, lors des débats menés au sein de la DGE en la matière, je défends l’idée qu’il y lieu de se garder de la solution non aboutie qui consiste déjà à ce stade de prendre une position définitive. En effet, en l’état actuel du dossier, comme la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, je suis préoccupé par ce retard, mais j’estime qu’en ce qui concerne le glyphosate, il est extrêmement important que toutes les nouvelles preuves soient examinées en profondeur et prises en compte. Enfin, comme Ministre de l’Agriculture, j’estime aussi que l’on ne peut laisser le monde agricole sans solution, la question des alternatives ne peut être éludée d’un revers de la main.