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Les dégâts causés par des corvidés dans les champs

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 669 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 16/06/2022
    • de DODRIMONT Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le phénomène n'est pas nouveau, mais semble prendre de l'ampleur ! Corneilles, choucas ou pies s'attaquent aux cultures et provoquent d'importants dégâts. Les fermiers sont nombreux à dénoncer ces attaques.

    Corneilles et choucas étant des espèces protégées, une dérogation de la DNF s'avère nécessaire pour pouvoir les tuer.

    Quelle est l'ampleur des dégâts en Wallonie ?

    La population de ces corvidés a-t-elle connu une croissance ces dernières années ?

    Quelle en est la raison ?

    D'après certains témoignages, il faut attendre près de six mois pour obtenir un retour de la DNF.

    Comment remédier à ce problème administratif ?

    Comment réguler la population de ces oiseaux ?

    Madame la Ministre a-t-elle rencontré sur le terrain des agriculteurs lui montrant les dégâts et pertes occasionnés par le passage de ces corvidés ?
  • Réponse du 21/09/2022
    • de TELLIER Céline
    Les dégâts occasionnés aux cultures par les corvidés ne constituent pas un phénomène récent. Néanmoins, l’ampleur et l’évolution de cette problématique sont influencées par différents éléments :

    - Les populations de pies, corneilles, choucas et corbeaux freux ont connu une augmentation en Wallonie sur la période allant de 1973 à 2018, notamment grâce au statut de protection dont elles bénéficient. Les dernières tendances, établies dans le cadre du rapportage européen pour la période 2008 à 2018, indiquent :
    o une stabilisation des effectifs pour la pie (effectifs compris entre 22 000 et 33 000 couples) et pour la corneille noire (effectifs compris entre 31 000 et 125 000 couples) ;
    o une augmentation pour le corbeau freux (effectifs compris entre 16 000 et 19 000 couples) et pour le choucas des tours (effectifs compris entre 16 000 et 32 000 couples.

    Il faut toutefois noter que les estimations de population de ces espèces abondantes présentent des marges d’erreur qui peuvent être très importantes.

    - La pression exercée par les corvidés sur les cultures trouve son origine dans l’extension de certaines activités anthropiques, dont notamment l’intensification de l’agriculture, une banalisation et une uniformisation des systèmes agraires ainsi que des structures paysagères, l’intensification du trafic routier, le développement de l’urbanisation… qui favorisent les espèces omnivores (y compris détritivores), généralistes et opportunistes, dont les corvidés. La perte des milieux pourvoyeurs de nourriture pour ces oiseaux (les prairies permanentes par exemple) poussent les corvidés à se tourner vers les semis et premiers stades des plantules ou encore les silos, plus facilement accessibles, avec pour conséquences le risque de mauvaise levée, la nécessité d’effectuer de nouveaux semis, l’absence ou la perte partielle de récolte …

    Concernant l’ampleur des dommages, selon des enquêtes réalisées auprès d’exploitants agricoles et des rapports de la Fédération wallonne de l’Agriculture, on peut citer :
    - les dégâts aux cultures dus aux corvidés sont principalement le fait des corneilles noires. Les choucas des tours et les corbeaux freux ont également été incriminés dans plus de la moitié des cas (mais on ne peut exclure de possibles confusions avec la corneille noire). La pie bavarde est, quant à elle, marginalement rapportée comme provoquant des dégâts aux cultures ;
    - les dégâts peuvent être observés partout en Wallonie, avec un impact beaucoup plus marqué en région limoneuse (nord du sillon Sambre-et-Meuse) ;
    - les cultures de maïs et de froment d’hiver sont plus particulièrement impactées ;
    - les corvidés peuvent aussi impacter les cultures de printemps telles que les céréales de printemps (épeautre, escourgeon, orge, avoine), pois, chicorée, betterave, colza, courge, haricot, fève des marais, féverole, lin, fruits et cultures associées ;
    - les corvidés provoquent des dégâts aux semis et jeunes plants et l’étendue des dégâts causés par les corvidés varie fortement d’une année à l’autre ;
    - les dégâts de corvidés impliquent de devoir ressemer les parcelles dans 40 % des cas ;
    - les pertes par hectare occasionnées par les dégâts de corvidés peuvent s’élever de 75 euros en betteraves, 300 euros en culture de céréales à 1 500 euros pour le maïs fourrager, voire jusqu’à près de 3 000 euros pour des cultures de haute valeur ajoutée comme des courges ;
    - en 2021, pour 89 % des agriculteurs renseignant des dommages, les dégâts provoqués impactaient au moins 1 ha de culture, avec des pertes représentant 50 % du bénéfice.

    Des moyens de prévention existent, mais montrent rapidement leurs limites. Certains nécessitent un investissement humain et financier important de la part des agriculteurs pour une efficacité généralement limitée dans le temps.

    En cas d’insuccès des moyens de prévention, les agriculteurs peuvent introduire une demande de dérogation à la Loi sur la conservation de la Nature pour la mise à mort d’individus de corvidés. La procédure d’octroi est encadrée par l’AGW du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux qui prévoit une décision dans les trois mois de la réception d’une demande complète.

    Si l’administration s’emploie à réduire autant que possible la durée comprise entre la réception des demandes complètes et la décision, certains délais sont néanmoins incompressibles en particulier en lien avec la consultation de la Section « Nature » du Pôle « Ruralité ». Actuellement le délai moyen de traitement est d’environ 3 à 4 semaines à dater de la réception d’un dossier complet, ce qui est effectivement excessif pour permettre une réaction immédiate au moment des semis.

    En juillet dernier, mon cabinet a rencontré et entendu des représentants d’agriculteurs concernés par des dommages causés par des corvidés et des pistes de solution ont été évoquées.

    Une des pistes évoquées est l’adaptation du cadre légal pour permettre une délivrance plus rapide des dérogations tout en veillant au respect des conditions qui doivent encadrer la délivrance de dérogations est envisagée. La réflexion doit cependant se poursuivre durant les prochaines semaines.