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La prise en charge de la santé mentale en prison

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 635 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 28/06/2022
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Dès 2019, le Gouvernement wallon lançait un appel à projets destiné à améliorer la santé physique et mentale des personnes détenues dans les prisons wallonnes et à favoriser leur réinsertion dans la société. Une enveloppe annuelle de 900 000 euros avait été prévue à cet effet, notamment pour suivre les problèmes d'assuétudes des détenus. La Région renforçait ses actions dans les 14 prisons wallonnes en donnant aux personnes détenues des outils supplémentaires pour améliorer leur santé physique et mentale en prison et pour les aider à poursuivre leurs suivis après leur sortie de prison.

    Concrètement, deux travailleurs ont été attachés à chaque établissement pénitentiaire et travaillent en étroite collaboration avec les services présents en prison afin de compléter les aides existantes, leur mission visant, entre autres, à la prévention des maladies transmissibles, à la formation en matière de gestes d'hygiène et de soins primaires, à l'information en matière de dépistages disponibles en prison ou encore à la prévention du suicide. Le projet a été mis en œuvre dès 2019 sur une base pilote de 3 ans et prendra fin cette année.

    Par ailleurs, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, prévoit, aujourd'hui, une enveloppe de 6,4 millions euros, dégagée pour des initiatives en faveur des personnes internées, dont les personnes maintenues en prison. Ces projets pourraient porter, par exemple, sur l'envoi d'équipes dans les prisons dans le but d'amorcer un dialogue précoce avec les détenus souffrant de troubles psychiatriques et les encourager à se lancer dans un parcours de soins et de réinsertion.

    Si la santé dans les prisons est une compétence fédérale, la Wallonie, elle, est responsable de la prévention, de la promotion de la santé et de la réduction des risques.

    Quel rôle joue-t-elle pour les détenus ?

    Le projet mis en œuvre en 2019 sera-t-il renouvelé fin 2022 ? Quelle a été son évaluation ?

    Madame la Ministre voit-elle des points positifs et des améliorations ?

    Que fera-t-elle de l'enveloppe dégagée pour les personnes internées, notamment en prison ?

    Un montant sera-t-il alloué pour continuer à offrir des outils aux prisons afin de prendre soin de la santé mentale de leurs détenus ?
  • Réponse du 22/07/2022
    • de MORREALE Christie
    Tout d’abord, il faut savoir que la Région wallonne soutient plusieurs structures proposant des activités en milieu carcéral. Je peux par exemple citer le travail de l’ASBL Service Éducation pour la santé, de l’ASBL I.CARE ou encore celui de l’ASBL SEPT. La Région soutenait ces opérateurs avant le lancement du projet-pilote porté par l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse et continuera évidemment à soutenir, dans la complémentarité, ces opérateurs dont l’expérience en milieu carcéral n’est plus à démontrer.

    Depuis le 1er décembre 2019, comme l’honorable membre le sait, la Région wallonne soutient effectivement un projet-pilote de promotion de la santé et d’accompagnement des détenus en matière de santé mentale, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons wallonnes.

    L’objectif général du projet porté par l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse est d’améliorer la santé globale des personnes incarcérées, de favoriser la continuité des soins et de promouvoir la réinsertion sociale par le biais de l’autonomisation et de la responsabilisation.

    Pour encadrer au mieux ce projet, deux types de comités ont été constitués : un comité stratégique et un comité de partenaires. Le premier est composé de l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse, référence en matière de prévention du suicide, et de l’ASBL Service Éducation Santé, dotée d’une expérience en milieu carcéral depuis plus de vingt années.

    Quant au second, il rassemble notamment l’ASBL CRéSaM, l’ASBL I.CARE, l’ASBL Modus Vivendi ou encore le centre de planning familial de la province de Namur. Ce comité de partenaires a pour mission d’assurer la mise en place d’un plan d’actions complet, cohérent et intégré, et de rencontrer les objectifs poursuivis par le projet.

    Conformément aux dispositions légales en matière de marchés publics, un opérateur scientifique a aussi été désigné pour orienter les actions du projet sur base de recommandations scientifiques. C’est la plateforme interfacultaire « ESPRIst » de l’Université de Liège qui a remporté le marché public.

    L’opérateur scientifique a été chargé de dresser un état des lieux des actions existantes en matière de promotion de la santé, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons. L’état des lieux a permis de montrer les éventuels manques et besoins des détenus en matière de santé. Après avoir bénéficié de cet état des lieux, l’équipe de l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse a proposé diverses activités aux directions des différentes prisons.

    Bien que la crise sanitaire et son impact sur le contexte en milieu carcéral ont nécessité de se réadapter, d’une part, et ont généré un ralentissement de la mise en œuvre du projet et un réajustement itératif du processus méthodologique, d’autre part, je peux lui dire que l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse propose des activités dans toutes les prisons wallonnes - à l’exception de Mons qui n’a pas souhaité prendre part à ce projet.

    Tous les détenus qui souhaitent prendre part à un ou plusieurs ateliers sont invités à y participer.

    Concrètement, à la prison d’Andenne, ce sont des actions de prévention du tabac (2 heures toutes les semaines) qui sont proposées depuis le 28/10/21 ainsi que des ateliers de fabrication de produits d’hygiène à raison de 2 heures une fois par mois depuis le 20/10/2021.

    - à la prison d’Arlon, les détenus participent à des groupes de discussion traitant de divers sujets trois fois par mois depuis le 05/08/21 ;
    - à la prison de Dinant, trois actions sont proposées : utilisation de l’EMDR (thérapie qui utilise une stimulation sensorielle via les mouvements oculaires ainsi que par stimuli auditifs ou tactiles pour traiter les traumatismes psychologiques), à raison d’une fois par semaine, travail sur les émotions, également une fois par semaine, et fabrication de produits d’hygiène, une fois tous les deux mois ;
    - à la prison de Huy et de Leuze-en-Hainaut, c’est un projet de radio qui est en cours de discussion ;
    - à la prison de Lantin, ce sont quatre ateliers qui sont proposés : fabrication de produits d’hygiène, des rencontres sur sections, l’EMDR et un ciné-débat ;
    - à la prison de Marche-en-Famenne, un ciné-débat est proposé tous les mois ainsi qu’un concert-débat une fois par an.
    - à la prison de Namur, ce ne sont pas moins de quatre ateliers qui sont proposés : fabrication de produits d’hygiène, travail sur les émotions, activité de réalité virtuelle, un concert-débat ;
    - à la prison de Saint-Hubert sont organisées des actions de prévention du tabac et des rencontres sur section ;
    - enfin, à la prison de Tournai, des fiches d’activités physique en cellule ont été élaborées et une action mensuelle concernera l’EMDR.

    Les directions des prisons d’Ittre, de Marneffe, de Nivelles et de Gembloux n’ont pas encore remis leur avis sur les actions qui leur ont été présentées.

    Depuis le début du projet, plusieurs réunions entre mon Cabinet, l’AVIQ et l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse ont été organisées afin de suivre l’avancée du projet.

    Ces réunions ont porté sur l’accompagnement de l’ASBL et l’opérationnalisation du projet sur le terrain (échange au sujet de l’équipe engagée chargée de mener à bien le projet, lancement du marché public concernant l’opérateur scientifique, communication sur le projet auprès de l’ensemble des acteurs œuvrant en milieu carcéral, prise de contact avec les directions des prisons, etc.) ainsi que sur l’évaluation du projet.

    En effet, pour chaque année de financement, un arrêté ministériel prévoit l’organisation d’un comité d’accompagnement chargé d’évaluer le travail réalisé durant l’année écoulée.

    Concernant le renouvellement de la convention pluriannuelle, je ne peux actuellement pas en dire plus. En effet, l’actuelle convention prend fin ce 30 novembre 2022. Une réunion d’évaluation devra être organisée afin de porter un regard sur cette première convention pluriannuelle. Ce n’est qu’après cette échéance que je pourrai déterminer la plus-value que représenterait un renouvellement de la convention pluriannuelle dans la continuité, ou exprimer le besoin d’une réorientation du projet.

    Comme dans tous projets pilotes, il est clair que l’évaluation est nuancée.

    Concernant les aspects positifs, je peux dire que je suis satisfaite de voir que :
    - l’état des lieux des besoins et des manquements a pu être finalisé. Il nous permet d’avoir un regard objectif sur la situation de nos détenus ;
    - la quasi-totalité des prisons présentes sur le territoire de la Région wallonne a pu bénéficier d’activités favorisant le bien-être de la population carcérale ;
    - les activités proposées sont relativement innovantes et complètent l’offre de soins proposés dans les prisons ;
    - l’évaluation du projet est prise en charge par un opérateur scientifique depuis ses premiers pas. Cela nous permettra d’avoir un avis objectif sur la mise en œuvre de ce projet et sur ses retombées dans la vie du détenu.

    Au niveau des améliorations que nous pointons du doigt jusqu’à présent, je peux de manière synthétique dire que :
    - l’objectif de réinsertion sociale envisagé au départ est difficile à mener : certains opérateurs réalisent déjà cette mission et celle-ci pourrait faire l’objet d’un projet à part entière ;
    - le comité de partenaires pourrait évoluer dans le but d’accueillir de nouvelles approches. Il serait par exemple intéressant que ce comité intègre :
    o des opérateurs de première ligne afin de permettre aux détenus de bénéficier d’une prise en charge globale et intégrée, et ainsi assurer une coordination optimale autour du détenu et de sa santé ;
    o des opérateurs de la promotion et prévention de la santé pour assurer la pertinence et la plus-value des actions réalisées.
    - il existe également un manque criant de dépistages systématiques (HIV, IST, Hépatite, Tuberculose …) dans les prisons, concourant à l’apparition de clusters, à l’isolement, et à la détérioration des conditions de vie ;
    - l’impact des activités sur le long terme dans la vie du détenu doit encore être travaillé, car l’évaluation du travail réalisé ne porte aujourd’hui que sur l’activité en tant que telle. Aucune auto-évaluation annuelle se basant, entre autres, sur l’avis des détenus pendant ou après leur incarcération n’a été réalisée, pas plus qu’une analyse SWOT globale.

    Une chose est certaine, c’est que ce projet démontre que les détenus rencontrent encore aujourd’hui des besoins non satisfaits et qu’il devient urgent de pouvoir y apporter des réponses si l’on souhaite améliorer la santé mentale notamment de ces personnes et favoriser leur réinsertion et qu’il est plus que nécessaire que la Réforme des Soins de Santé en Prison puisse se faire dans cette perspective et nous y travaillons afin que cela soit le cas.

    L’Administration, en particulier la Direction de l’hébergement et la Direction des soins de santé mentale, prennent actuellement part à une réflexion avec le SPF Santé publique ainsi qu’avec les coordinateurs des trajets de soins internés des Cours d’appel de Mons, Liège et Bruxelles afin de développer des solutions pour les personnes internées.

    Ces solutions pourraient permettre de :
    - favoriser l’accès aux institutions spécialisées dans la prise en charge des assuétudes aux personnes internées ;
    - favoriser l’accès aux structures résidentielles aux personnes internées ;
    - favoriser l’accès aux structures accueillant des personnes double diagnostic aux personnes internées ;
    - favoriser l’accès aux institutions accueillant et accompagnant des personnes auteurs d’infractions à caractère sexuel ;
    - favoriser l’accès aux structures pour personnes handicapées aux personnes internées.

    Pour le reste, nous avons été informés par le Fédéral du fait que des moyens seraient consacrés au développement des HIC (High Intensity Care) et de la capacité psychiatrique au bénéfice des jeunes patients, mais les collaborations ou contributions pour ces deux autres axes doivent encore être précisées.

    De plus, des réunions spécifiques concernant la santé dans les prisons ont été remises en route à l’initiative du SPF, associant le SPF santé publique, les SPF Justice, et des partenaires de la santé de terrain.