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La recharge artificielle des nappes phréatiques

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 703 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 30/06/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Liée à la problématique du réchauffement climatique, la difficile recharge naturelle des nappes phréatiques par les eaux de pluie se heurte à la raréfaction des averses dues aux périodes de sécheresse, mais aussi parfois à des prélèvements agricoles et industriels disproportionnés !

    La baisse du niveau des nappes peut impacter le débit des sources et des rivières et provoquer des restrictions imposées d'usage. Il semble qu'il existe néanmoins des solutions alternatives et artificielles qui permettent l'augmentation des nappes et que la France expérimenterait.

    Madame la Ministre a-t-elle connaissance de ces pratiques ?

    Quelles sont-elles et, en compagnie de son administration, y travaille-t-elle ?

    Quelles en sont l'efficacité et l'efficience ? 

    Le niveau des nappes phréatiques de Wallonie est-il actuellement sous contrôle ou existe-t-il des inquiétudes ? Lesquelles ?

    Quelle est l'administration en charge de la problématique de surveillance et de traitement ? Comment et à quelle fréquence s'effectuent les contrôles ?
  • Réponse du 11/10/2022
    • de TELLIER Céline
    Dans un contexte de changement climatique et d’augmentation liée des besoins en eau, la recharge artificielle des nappes fait partie des mesures permettant d’améliorer la disponibilité de la ressource en eau en Wallonie.

    La recharge artificielle des nappes est en effet une pratique qui vise à augmenter les volumes d’eau souterraine disponibles en favorisant, par des moyens artificiels, l’infiltration d’eaux extérieures jusqu’à l’aquifère. C’est une des mesures qui peut être mise en œuvre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, compenser certains effets du changement climatique et, plus généralement, amener une réponse à l’augmentation de la pression quantitative sur les masses d’eau souterraine telle qu’on la rencontre en Wallonie.

    Par ses contextes géologiques favorables, la Wallonie dispose en effet d’importantes ressources en eau souterraine. Le volume total d’eau souterraine prélevé annuellement représente environ 370 millions de m³, principalement utilisé pour la distribution publique d’eau potable. L’eau souterraine représente 70% de la distribution d’eau potable en Wallonie, et est de plus en plus sollicitée pour satisfaire la demande en eau agricole.

    De manière générale, les nappes d’eau souterraine de Wallonie sont loin d’être surexploitées. Toutefois, dans un contexte de répétition des épisodes de sécheresses estivales et hivernales telles qu’on les a observés ces dernières années, et de manière plus globale dans un contexte de changement climatique dont les premiers effets ont commencé à se faire sentir au cours des 20 dernières années, une tendance à la baisse des niveaux piézométriques et à la réduction des débits d’étiage des cours d’eau a commencé à être observée, reflétant probablement à la fois une baisse de la recharge par les eaux météoriques qui s’infiltrent naturellement et une augmentation des prélèvements notamment pour satisfaire les besoins croissants d’eau agricole.

    Partant de ces constats, la Wallonie s’est dotée d’un Schéma régional des ressources en eau destiné à mettre en œuvre une série d’actions et à prendre une série de mesures visant à sécuriser l’approvisionnement en eau potable, mission qui passe aussi par la sécurisation des ressources en eau.

    Dans le cadre de l’élaboration du Schéma régional des ressources en eau, des groupes de travail ont été mis en place en 2020, dont un porte spécifiquement sur la mise en œuvre de nouvelles ressources en eau en Wallonie. Parallèlement à cela, le Gouvernement wallon a approuvé en février 2021 le Plan « Circular Wallonia » qui vise à mettre en œuvre une stratégie d’économie circulaire suivant plusieurs chaînes de valeurs prioritaires, dont une porte sur l’eau.

    Ces stratégies régionales ont toutes deux identifié la recharge artificielle des nappes d’eau souterraine comme faisant partie des mesures pertinentes à considérer en vue d’améliorer la disponibilité de la ressource en eau souterraine en Wallonie. Des réflexions sont donc menées, conjointement par le SPW, la Société publique de gestion de l’eau, Aquawal, la SWDE les opérateurs publics du secteur de l’eau, ainsi que les pôles d’expertise en la matière, en vue d’initier en Wallonie la mise en œuvre d’études et de mesures destinées à favoriser la recharge artificielle des nappes.

    Dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie, en particulier l’objectif opérationnel 19 et la fiche projets intitulée « Préservation des réserves en eau », j’ai confié en novembre 2021 par arrêté ministériel une mission déléguée à la Société publique de gestion des eaux (SPGE) et à la Société wallonne des eaux (SWDE) pour le développement d’une technologie, la prospection de sites pour son application et la mise en œuvre d’installations pilotes de réutilisation d’eau.

    Dans le cadre de cette mission déléguée, une mission à caractère prospectif est confiée à la S.P.G.E. pour un montant de 2,3 millions d’euros, pour mettre en œuvre une série de projets pilotes de réutilisation de l’eau à partir de divers gisements d’eau valorisables tels que les eaux usées traitées par station d’épuration, les eaux de démergement, les eaux de nappe alluviale et les eaux pluviales. La recharge artificielle des nappes fait partie de cette mission prospective, s’agissant d’une technique liée à la réutilisation de l’eau.

    Une première étude est donc sur le point d’être initiée dans le cadre de cette mission déléguée, spécifiquement sur les possibilités de recharge artificielle des nappes en Wallonie.

    Elle comportera un benchmarking des pratiques de recharge artificielle mises en œuvre dans les régions et pays voisins, dont notamment – mais pas exclusivement - la France, une cartographie des besoins en eau réutilisée en Wallonie, une cartographie des gisements d’eaux réutilisables en Wallonie pour la recharge artificielle, une évaluation de la qualité des eaux requise pour la recharge artificielle, des propositions d’évolution du cadre légal pour la réutilisation de l’eau et pour la recharge artificielle, et une évaluation des techniques pertinentes de recharge artificielle pour la Wallonie tenant compte des spécificités des aquifères wallons et de la qualité de l’eau des gisements valorisables d’eau pouvant être réutilisée en Wallonie.

    Cette étude vise donc à évaluer sur les plans technique, financier et réglementaire, dans quelle mesure la recharge artificielle constitue une réponse adaptée à la sécurisation des ressources en eau souterraine de Wallonie. Elle sera implémentée à titre de faisabilité sur un premier site pilote en 2022 et 2023, à savoir la nappe des craies du Crétacé de Hesbaye. Cette nappe constitue en effet un des plus importants réservoirs d’eau souterraine de Wallonie et elle est d’importance stratégique majeure pour la région liégeoise. Des études récentes ont par ailleurs montré que les niveaux piézométriques y étaient en forte baisse et que le débit du Geer avait montré une diminution significative de son débit de base. Il faut aussi noter que la nappe des craies de Hesbaye présente a priori un contexte très favorable pour mettre en œuvre de la recharge artificielle vu le volume de stockage appréciable qui y est disponible grâce à la profondeur de la nappe, la grande porosité de la craie et sa bonne perméabilité d’ensemble qui facilitera les opérations de recharge.

    Les résultats de l’étude qui sera menée sur le premier site pilote, et plus généralement de l’étude de faisabilité portant sur les plans technique, financier et réglementaire à l’échelle de la Wallonie, sont attendus pour fin 2023.

    Les nappes aquifères présentes sur le territoire de la Région wallonne se rechargent essentiellement à la faveur des précipitations hivernales, entre novembre et mars. À cette époque, la végétation est peu ou pas développée et laisse l’eau s’infiltrer plus profondément vers les nappes aquifères. À l’inverse, l’essentiel du volume des précipitations estivales est consommé par la végétation (évapotranspiration) ou ruissèle sur un sol sec, ne contribuant habituellement que marginalement à la recharge des eaux souterraines. Le niveau des nappes aquifères dépend donc essentiellement de cette recharge hivernale et est généralement à son maximum au début du printemps puis décroît progressivement jusqu’à la recharge suivante.

    Bien que ces dernières années, à l’exception de 2021, aient été caractérisées par des étés secs, les recharges hivernales ont été suffisantes que pour reconstituer les réserves. Les niveaux de la majorité des masses d’eau souterraine sont ainsi actuellement comparables ou légèrement inférieurs aux niveaux moyens rencontrés en cette saison ces cinq dernières années.

    Quatre importantes masses d’eau souterraine, exploitées notamment pour la distribution publique, les Calcaires de Peruwelz-Ath-Soignies (E013), les calcaires et grès du Condroz (M021), les craies de la Haine (E030) et les sables bruxelliens (E051) présentent quant-à-elles des niveaux souvent plus élevés consécutifs à de meilleures recharges lors de l’hiver 2021-2022.

    Le niveau de la nappe des craies de Hesbaye, qui ne suit pas le cycle annuel classique mais alterne recharge et baisse de niveau sur un cycle de l'ordre de cinq ans, est à la hausse depuis janvier 2021 et se trouve actuellement à un niveau comparable à celui de 2016.

    Il n'y a, à ce stade, pas d'inquiétude majeure quant aux niveaux des eaux souterraines qui se trouvent actuellement à des valeurs, certes inférieures à 2016, mais plus élevées ou comparables à 2019 – 2020.

    Le suivi des niveaux des nappes aquifères présentes sur le territoire de la Région wallonne est assuré par la Direction des eaux souterraines (Département de l'environnement et de l'eau) qui dispose pour ce faire d'un réseau de mesures piézométriques constitué de plus de 260 ouvrages couvrant les principaux aquifères exploités en Wallonie.

    Le suivi des niveaux des nappes aquifères est réalisé tout au long de l’année, y compris en hiver et en dehors des situations de sécheresse, mais l'évolution des masses d'eau souterraine étant naturellement à la baisse en cette période estivale, la situation est suivie de plus près encore par mon administration. Un état des lieux concernant les principales masses d'eau souterraine wallonnes est en outre présenté lors de chaque réunion de la cellule sécheresse du Centre régional de crise de Wallonie.

    La maintenance du réseau de mesures, l'acquisition des données et leur traitement sont assurés par la Direction des eaux souterraines.

    Depuis octobre 2010, de nombreuses stations ont été progressivement automatisées. En fonction de l'appareillage utilisé, deux types de mesures sont donc disponibles :
    - trente-cinq sites permettent des mesures manuelles, réalisées une fois par mois ou une fois tous les deux mois par un opérateur muni d'une sonde à ruban ;
    - deux cent trente-cinq sites fournissent des mesures automatisées, collectées via des capteurs de pression autonomes permettant de récolter des mesures à un pas de temps horaire.

    Les données collectées au droit des sites automatisés sont importées automatiquement dans la base de données piézométrique gérée par la Direction des Eaux Souterraines, consolidées en données journalières et immédiatement consultable et téléchargeables par tout un chacun sur le portail de la piézométrie en Wallonie : https://piezometrie.wallonie.be

    Les données manuelles sont quant à elles régulièrement encodées pour être disponibles et consultables via le même canal.

    Ces données sont utilisées par la Direction des eaux souterraines pour établir régulièrement l'état des lieux des principales masses d'eau souterraine de Wallonie et peuvent aisément être consultées sous forme de chroniques piézométriques, qui présentent l'évolution du niveau d'eau au cours du temps, ou de comparaison annuelle des niveaux, permettant une comparaison aisée des données relatives à deux ou plusieurs années consécutives ou non.