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Le suivi du Plan d'action interfédéral et du projet-pilote de promotion de la santé et d'accompagnement des détenus en matière de santé mentale, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons wallonnes

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 653 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 08/07/2022
    • de JANSSEN Nicolas
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Le programme du Gouvernement fédéral comporte une réforme en profondeur des soins de santé en milieu carcéral, en collaboration étroite avec le SPF Santé publique et les entités fédérées. Pour l'instant, les Régions financent des acteurs externes au milieu carcéral pour les aspects de prévention et de promotion de la santé, mais deviendront compétentes pour davantage de matières liées à la santé, au vu du transfert en cours.

    Un plan d'action contenant des mesures concrètes pour améliorer les soins de santé en milieu carcéral était en préparation avec les partenaires fédéraux et les partenaires des entités fédérées concernées, dont le cabinet de Madame la Ministre. Ce plan d'action devait être finalisé et soumis à l'approbation de la CIM Santé publique à l'automne 2021. En février 2022, ce dernier n'avait pas encore été présenté…depuis lors, a-t-elle demandé que ce plan soit abordé en CIM ?

    La Région soutient par ailleurs un projet-pilote de promotion de la santé et d'accompagnement des détenus en matière de santé mentale, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons wallonnes. Ce projet mené par l'ASBL « un pass dans l'impasse » bénéficie d'une Convention pluriannuelle et une 2e évaluation devait avoir lieu dans le courant du 1er semestre 2022.

    S'est-elle assurée que cette évaluation a bien eu lieu dans les délais ?

    Forte de cette évaluation, a-t-elle décidé de prolonger ou de pérenniser cette initiative? Si oui selon quelles modalités et avec quels objectifs du Gouvernement ?
  • Réponse du 13/09/2022
    • de MORREALE Christie
    Un plan d'action intégré par étapes contenant des mesures concrètes pour améliorer les soins de santé en milieu carcéral était en préparation en collaboration avec les partenaires fédéraux et les partenaires des entités fédérées concernées.

    Celui-ci a abouti à un texte de vision et à des recommandations élaborées par les groupes de travail. Ce plan d'action devait être finalisé et soumis à l'approbation de la CIM Santé publique à l'automne 2021. Mais, compte tenu du fait que les travaux ont été mis sur pause durant une longue période et n’ont repris qu’au début de l’été 2021, cette perspective était sans doute peu réaliste. À ce stade, plusieurs réunions ont pu être menées par l’AViQ sur les accords de coopération et la rédaction d’un texte final est en cours.

    Une présentation en CIM Santé publique se fera dans la foulée.

    Comme l’honorable membre le mentionne, la Région wallonne finance des acteurs externes au milieu carcéral pour les aspects de prévention et de promotion de la santé. Pour le moment, nous avons plusieurs opérateurs en promotion de la santé qui sont actifs en prison, et ce, dans la continuité du WAPPS. Je peux, par exemple, citer le travail de l’ASBL Service Éducation pour la santé, de l’ASBL I.CARE ou encore celui de l’ASBL SEPT. La Région soutenait ces opérateurs avant le lancement du projet-pilote porté par l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse, et continuera évidemment à soutenir, dans la complémentarité, ces opérateurs dont l’expérience en milieu carcéral n’est plus à démontrer.

    La deuxième partie de sa question concerne le projet-pilote de promotion de la santé et d’accompagnement des détenus en matière de santé mentale, de gestion des assuétudes et de réduction des risques dans les prisons wallonnes. L’objectif général du projet porté par l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse (UPDI) est d’améliorer la santé globale des personnes incarcérées, de favoriser la continuité des soins et de promouvoir la réinsertion sociale par le biais de l’autonomisation et de la responsabilisation. Actuellement, UPDI œuvre à l’organisation d’activités de prévention et de promotion de la santé au sein des prisons wallonnes.

    Afin d’assurer la continuité de ce projet, UPDI tente de réaliser des actions qui s’inscrivent dans le temps et entraînent des répercussions à moyen et long terme sur la santé des détenus. Notons entre autres les ateliers menés par l’opérateur (de concert avec une série d’acteurs de la santé mentale) comme la gestion des émotions, la prévention à l’usage du tabac, les bienfaits de l’activité physique sur la personne incarcérée, les groupes de paroles, les ateliers d’accompagnement psychosociaux.

    Ces différentes actions menées s’inscrivent dans les objectifs poursuivis par le WAPPS et dès lors, dans la continuité (une attention toute particulière sera accordée sur la pérennité des actions entreprises).

    En outre, des états des lieux par prison ont été réalisés pour identifier les besoins des détenus (ce sont les rapports techniques). C’est l’opérateur scientifique du projet, « ESPRist » Liège, qui en a été chargé. L’état des lieux a permis de montrer les éventuels manques et besoins des détenus en matière de santé. Après avoir bénéficié de cet état des lieux, l’équipe d’UPDI a proposé diverses activités aux directions des différentes prisons. Les directions avaient la liberté d’approuver ou non les actions proposées.

    Bien que la crise sanitaire et son impact sur le contexte en milieu carcéral ont nécessité de se réadapter, d’une part, et ont généré un ralentissement de la mise en œuvre du projet et un réajustement itératif du processus méthodologique, d’autre part, je peux dire que l’ASBL UDPI propose des activités dans toutes les prisons wallonnes - à l’exception de Mons qui n’a pas souhaité prendre part à ce projet.

    Tous les détenus qui souhaitent prendre part à un ou plusieurs ateliers sont invités à y participer.

    Concrètement :
    - à la prison d’Andenne, ce sont des actions de prévention du tabac (2 heures toutes les semaines) qui sont proposées depuis le 28/10/21 ainsi que des ateliers de fabrication de produits d’hygiène à raison de 2 heures une fois par mois depuis le 20/10/2021 ;
    - à la prison d’Arlon, les détenus participent à des groupes de discussion traitant de divers sujets trois fois par mois depuis le 05/08/21 ;
    - à la prison de Dinant, trois actions sont proposées : utilisation de l’EMDR (thérapie qui utilise une stimulation sensorielle via les mouvements oculaires ainsi que par stimuli auditifs ou tactiles pour traiter les traumatismes psychologiques), à raison d’une fois par semaine, travail sur les émotions, également une fois par semaine, et fabrication de produits d’hygiène, une fois tous les deux mois ;
    - à la prison de Huy et de Leuze-en-Hainaut, c’est un projet de radio qui est en cours de discussion ;
    - à la prison de Lantin, ce sont quatre ateliers qui sont proposés : fabrication de produits d’hygiène, des rencontres sur sections, l’EMDR et un ciné-débat ;
    - à la prison de Marche-en-Famenne, un ciné-débat est proposé tous les mois ainsi qu’un concert-débat une fois par an ;
    - à la prison de Namur, ce ne sont pas moins de quatre ateliers qui sont proposés : fabrication de produits d’hygiène, travail sur les émotions, activité de réalité virtuelle, un concert-débat ;
    - à la prison de Saint-Hubert sont organisées des actions de prévention du tabac et des rencontres sur section ;
    - enfin, à la prison de Tournai, des fiches d’activités physiques en cellule ont été élaborées et une action mensuelle concernera l’EMDR.

    Des rencontres régulières avec UPDI et l’AVIQ sont organisées afin de mener à bien ce projet. Ces réunions ont porté sur l’accompagnement, l’opérationnalisation et l’évaluation du projet sur le terrain (échange au sujet de l’équipe engagée chargée de mener à bien le projet, lancement du marché public concernant l’opérateur scientifique, communication sur le projet auprès de l’ensemble des acteurs œuvrant en milieu carcéral, prise de contact avec les directions des prisons, etc.) ainsi que sur l’évaluation du projet.

    Celui-ci bénéficie actuellement d’une Convention Pluriannuelle de trois ans (01/12/2019-30/11/2022) et une deuxième évaluation a eu lieu le 25 mars 2022. En effet, pour chaque année de financement, un arrêté ministériel prévoit l’organisation d’un comité d’accompagnement chargé d’évaluer le travail réalisé durant l’année écoulée.

    Pour ce qui est de l’évaluation de la réalisation des actions, différents indicateurs sont utilisés par UPDI :
    - nombre de réunions de partage des résultats réalisés / nombre d’établissements pénitentiaires pour lesquels on dispose d’un rapport ;
    - diversité des parties prenantes participant à l’élaboration du plan d’action (données par établissement) ;
    - diversification des actions proposées dans le plan d’action par rapport aux actions existantes (par établissement, puis possibilité d’intégration de ces données pour un indicateur global sur la Wallonie) ;
    - pertinence des actions sélectionnées par rapport à l’état des lieux de chaque EPI ;
    - bilan des actions réalisées par établissement par rapport aux actions prévues dans le plan d’action – bilan quantitatif et qualitatif (freins et réussites, respect de leurs engagements par les parties prenantes concernées, satisfaction des parties prenantes, etc.) ;
    - fréquentation de ces actions par les détenus, à décliner selon différents indicateurs ;
    - nombre de détenus participant par action (par établissement et pour la Wallonie) ;
    - nombre de détenus participant à au moins une action sur une période déterminée / nombre total de détenus d’un établissement (indicateur de couverture) ;
    - nombre de détenus ayant « décroché » de l’action par rapport au nombre de détenus participant ;
    - indicateurs de satisfaction globale des détenus, des directions et délégué intra-muros, des agents, à établir en référence aux données collectées dans l’état des lieux.

    Pour encadrer au mieux ce projet, deux types de comités ont été constitués : un comité stratégique et un comité de partenaires.

    Le premier est composé de l’ASBL Un Pass Dans l’Impasse, référence en matière de prévention du suicide, et de l’ASBL Service Éducation Santé, dotée d’une expérience en milieu carcéral depuis plus de vingt années.

    Quant au second, il rassemble notamment l’ASBL CRéSaM, l’ASBL I.CARE, l’ASBL Modus Vivendi ou encore le centre de planning familial de la Province de Namur. Ce comité de partenaires a pour mission d’assurer la mise en place d’un plan d’actions complet, cohérent et intégré, et de rencontrer les objectifs poursuivis par le projet.

    Concernant l’évaluation réalisée par l’AViQ, comme dans tous projets pilotes, elle est nuancée.

    Concernant les aspects positifs, je peux dire que je suis satisfaite de voir que :
    - l’état des lieux des besoins et des manquements a pu être finalisé. Il nous permet d’avoir un regard objectif sur la situation de nos détenus ;
    - la quasi-totalité des prisons présentes sur le territoire de la Région wallonne a pu bénéficier d’activités favorisant le bien-être de la population carcérale ;
    - les activités proposées sont relativement innovantes et complètent l’offre de soins proposés dans les prisons ;
    - l’évaluation du projet est prise en charge par un opérateur scientifique depuis ses premiers pas. Cela nous permettra d’avoir un avis objectif sur la mise en œuvre de ce projet et sur ses retombées dans la vie du détenu.

    Au niveau des améliorations que nous pointons du doigt jusqu’à présent, je peux de manière synthétique dire que :
    - l’objectif de réinsertion sociale envisagé est ambitieux et toujours difficile à atteindre ;
    - il existe également un manque de dépistages systématiques (HIV, IST, Hépatite, Tuberculose …) dans les prisons, concourant à l’apparition de clusters, à l’isolement, et à la détérioration des conditions de vie ;
    - l’impact des activités sur le long terme dans la vie du détenu doit encore être travaillé, car l’évaluation du travail réalisé ne porte aujourd’hui que sur l’activité en tant que telle. Aucune auto-évaluation annuelle se basant, entre autres, sur l’avis des détenus pendant ou après leur incarcération n’a été réalisée, pas plus qu’une analyse SWOT globale.

    Concernant le renouvellement de la convention pluriannuelle, je ne peux actuellement pas en dire plus. En effet, l’actuelle convention prend fin ce 30 novembre 2022. Une évaluation finale est en cours afin de porter un regard sur cette première convention pluriannuelle. Ce n’est qu’après cette échéance que je pourrai déterminer la plus-value que représenterait un renouvellement de cet appel à projets ou exprimer le besoin d’une réorientation du projet.

    Une chose est certaine, c’est que ce projet démontre que les détenus rencontrent encore aujourd’hui des besoins non satisfaits et qu’il devient urgent de pouvoir y apporter des réponses si l’on souhaite notamment améliorer la santé mentale de ces personnes et favoriser leur réinsertion et qu’il est plus que nécessaire que la réforme des soins de santé en prison puisse se faire dans cette perspective.