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L'état d’avancement de l’adoption du screening des investissements directs étrangers

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 845 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/07/2022
    • de BIERIN Olivier
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    J'ai déjà interrogé Monsieur le Ministre sur le sujet du screening des investissements directs étrangers dans le courant de l'année passée et nous avons rapidement évoqué le sujet ensemble en juin dernier.

    Je sais qu'il partage mon envie de protéger nos entreprises wallonnes. Or, nous avons auditionné Annemie Turtelboom en tant que représentante de la Cour des comptes européenne, et elle avait mis en avant de façon très assertive le déséquilibre qui existe entre la facilité d'accès pour les investisseurs chinois dans certains secteurs stratégiques européens, et les grandes difficultés dans l'autre sens. Dans ce contexte, un screening des investissements étrangers serait bienvenu.

    Il m'a informé qu'un accord était intervenu en comité de concertation le mois dernier sur le sujet.

    Peut-il détailler la procédure mise en place ? Quels secteurs sont concernés ?

    À partir de quel montant d'investissement devra-t-il être soumis au screening ?

    Quelle sera la conséquence d'un avis défavorable à un investissement ?

    Sur quelle base les critères selon lesquels les investissements seront soumis ou non au screening ont-ils été déterminés ?
  • Réponse du 17/08/2022
    • de BORSUS Willy
    Pour rappel, l'objectif de l’accord de principe est d'instaurer un mécanisme permettant de sauvegarder la sécurité nationale, l’ordre public et les intérêts stratégiques de toutes les entités concernées, à savoir les régions, les communautés et l'État fédéral. À cet effet, un Comité de filtrage interfédéral (CFI) est créé, composé de représentants des différents services publics et d'un président délégué par le SPF Économie.

    Il est important de préciser que le champ d’application du screening des investissements étrangers concerne à ce stade uniquement le rachat d’entreprises par des entités qui ne font pas partie de l’Union européenne. Les investissements « greenfield » ne font pas partie du projet.

    Pour ce qui concerne les secteurs concernés, il y a lieu de distinguer deux catégories :

    a. Une première catégorie concerne les investissements donnant lieu à l’acquisition de 25% des droits de vote et dont les activités concernent entre autres :
    1. les infrastructures critiques dans certaines catégories : énergie, transports, eau, santé, communications électroniques et infrastructures numériques, médias, traitement des données, aérospatiale, défense, infrastructures électorales, infrastructures financières, et cetera ;
    2. les technologies et les matières premières qui sont essentielles pour la sécurité et l’ordre public ;
    3. l’approvisionnement en intrants essentiels ;
    4. l’accès à des informations sensibles ;
    5. le secteur de la sécurité privée ;
    6. la liberté des médias ;
    7. des technologies d’importance stratégique dans le secteur de la biotechnologie, moyennant le respect de certaines conditions additionnelles.
    b. Une deuxième catégorie concerne les investissements représentant 10% des droits de vote, dans une entreprise ayant un chiffre d'affaires annuel d’au moins 100 millions d’euros au cours de l’exercice précédant l’acquisition de ces droits et dont les activités sont liées à la défense, l’énergie, la cybersécurité, les communications électroniques ou les infrastructures numériques.

    Quant à la procédure, le rôle central dans le filtrage des investissements directs étrangers est confié au Comité de filtrage interfédéral (CFI), un organe créé spécialement à cet effet (article 3, § 2).

    Le CFI est composé de neuf membres, à savoir des représentants du Service public fédéral (SPF) Finances, du SPF Intérieur, du SPF Affaires étrangères, de la Région flamande, de la Région wallonne, de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Communauté flamande, de la Communauté française et de la Communauté germanophone. Le CFI est présidé par un représentant du SPF Économie qui assure également le secrétariat. Le secrétariat joue un rôle de coordination tout au long de la procédure.

    Cet accord de coopération précise que le CFI fera également office de point de contact national en application de l'article 11 du Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union (article 31, § 1er).

    L'investissement direct étranger à filtrer doit être notifié au CFI (article 5, § 1er), en principe avant la mise en œuvre de l'investissement. La notification doit comprendre des informations sur l'investisseur, l'investissement et l'entreprise bénéficiaire de l'investissement (article 6, § 2). Le CFI peut également lancer d’office un examen d'un investissement direct étranger non notifié (articles 24-27).

    Après réception de la notification, les autorités compétentes mènent leurs enquêtes séparément dans la cadre de leurs propres compétences (article 8, §§1-2). Les enquêtes sont axées sur la prévention, premièrement, de l'atteinte à la continuité des processus vitaux qui, en cas de défaillance ou de perturbation, entraîneraient de graves perturbations sociales et constitueraient une menace pour la sécurité nationale, les intérêts stratégiques et la qualité de vie de la population belge, deuxièmement, de l'atteinte à l'intégrité et/ou à l'exclusivité des connaissances et des informations associées aux processus vitaux et à la haute technologie sensible nécessaire à cette fin, et, troisièmement, de l’émergence de dépendances stratégiques (article 11).

    La procédure de filtrage se compose de deux phases principales : la procédure de vérification et la procédure de filtrage. Les délais de base pour les deux procédures sont de 40 jours pour la première et de 26 jours pour la seconde. Ces délais peuvent être prolongés ou suspendus dans certaines circonstances.

    Si un investisseur étranger ne coopère pas pendant le screening, une amende administrative de 10 à 30 % de l'investissement direct étranger en question peut être imposée après que l'investisseur a eu la possibilité de faire des observations (article 28).

    Au cours du processus de filtrage, le CFI et ses membres peuvent demander conseil aux services de renseignement et de sécurité et à d'autres organismes ou personnes (article 13). Tout au long de la procédure, des informations complémentaires peuvent également être demandées aux entreprises ou aux personnes concernées par l'investissement.

    À l'issue de la première phase, la procédure de vérification, le CFI décide d'autoriser l'investissement direct étranger ou d'engager une procédure de filtrage (article 17, §§ 2-4). Si le CFI ne prend pas de décision dans les délais impartis, l'investissement est considéré comme autorisé (article 18, § 4).

    Le CFI ouvre une procédure de filtrage si l'un des membres compétents du CFI a des indices selon lesquels la réalisation de l'investissement direct étranger notifié est susceptible de causer une atteinte à l'ordre public, à la sécurité nationale ou aux intérêts stratégiques. (article 17, § 2).

    La procédure de filtrage s'appuie sur les conclusions de la procédure de vérification et donne lieu à des avis individuels des membres du CFI adressés aux Ministres compétents (article 19, §§ 1-2).

    Si l'un des membres compétents du CFI estime que l'investissement direct étranger porte potentiellement atteinte à l'ordre public, à la sécurité nationale ou aux intérêts stratégiques, l'investisseur et les entreprises concernées ont la possibilité de présenter leurs observations quant au projet d'avis au cours de la procédure de filtrage (article 20, §1er).

    Chaque membre compétent du CFI présente son propre avis. L'avis peut être positif ou négatif. L'avis positif peut inclure un rapport sur l'accord de l'investisseur au sujet de mesures dites correctives (article 22, § 2).

    Au cours de la procédure de filtrage, le CFI peut également proposer des mesures correctives qui supprimeraient l'impact éventuel sur l'ordre public et la sécurité nationale ou sur les intérêts stratégiques. Le CFI et les parties concernées peuvent négocier ces mesures et conclure un accord contraignant sur les conditions convenues (article 21).

    Les Ministres compétents prennent individuellement une décision provisoire sur l'admissibilité éventuelle de l'investissement notifié sur la base des avis des membres compétents du CFI dont ils sont responsables (article 23, § 1).

    Les Ministres communiquent leurs décisions provisoires au secrétariat du CFI. Le secrétariat du CFI transforme ensuite ces décisions provisoires en une décision finale agrégée (article 23, § 2).

    La décision finale peut aboutir à l'autorisation de l'investissement direct étranger, accompagnée ou non d'un accord contraignant de l’investisseur prévoyant des mesures correctives, ou à l’interdiction de l'investissement (article 23, § 3).

    Un investissement n'est pas autorisé si un impact non remédiable a été identifié à la suite d’un avis spécifique des membres du CFI et si l'un des Ministres compétents a pris une décision provisoire négative à cet effet, entraînant le blocage de l'investissement direct étranger (article 23, § 3).

    Si plusieurs entités fédérées sont compétentes dans un même dossier, elles ne peuvent décider de la non-admissibilité de l'investissement direct étranger que d'un commun accord, sans préjudice de la possibilité pour le Ministre fédéral de décider de la non-admissibilité dans le cadre de ses compétences (article 23, § 4).

    Une décision de non-admissibilité d'un investissement direct étranger peut faire l'objet d'un recours devant la Cour des marchés (article 29, § 1er). Le recours ne suspend pas la décision attaquée (article 29, § 3).

    Si la Cour des marchés annule, en tout ou en partie, une décision, l’affaire est renvoyée au CFI où l'investissement étranger est réexaminé lors d’une nouvelle procédure de filtrage (article 29, § 8).