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La mise en réserve biologique intégrale

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 754 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 29/07/2022
    • de FONTAINE Eddy
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    À la fin de l'année, les deux parcs nationaux wallons seront officiellement désignés. D'ici fin septembre, les quatre derniers candidats auront finalisé leur dossier de candidature et présenté les espaces choisis pour la conservation et la protection de la nature (70 % du budget) et la valorisation du patrimoine naturel (30 %) au travers de différentes fiches projets.

    Les candidats doivent définir un périmètre dans lequel les propriétaires qui souhaitent intégrer le parc national peuvent choisir trois niveaux de contraintes et de protection pour leur parcelle. Il en est de même pour les communes concernant leur bois. Le Département de la nature et de la forêt aide les communes concernées dans leur choix, dont les espaces à placer en réserve biologique intégrale (RBI).

    Cette mise en RBI aura des conséquences sur l'accès à la forêt. De nombreux chasseurs ont émis des craintes sur la gestion des forêts et de leur activité lors des réunions citoyennes ; avec pour réponse des gestionnaires de dossier que rien ne changera.

    La mise en réserve biologique intégrale correspond-elle à la mise en place d'une réserve forestière intégrale ?

    Quelles sont les conséquences d'une mise en RBI sur l'activité de chasse en battue à cor et à cri ?

    La gestion des forêts en RBI permettra-t-elle toujours les traits de chasse ? Qu'en sera-t-il des traits de chasse existants ? Pourront-ils toujours être utilisés avec entretien ? Plus largement, quelles activités (ex : cueillette des champignons, myrtilles...) pourront encore être pratiquées en RBI ?

    Qu'en est-il de l'exploitation forestière et de la sylviculture ? Pourra-t-on procéder aux coupes et plantations comme c'est le cas dans les bois soumis en dehors des RBI ?

    Par ailleurs, qu'en est-il de l'exploitation des bois non marchands vendus aux riverains pour faire leurs bois de chauffage ?
  • Réponse du 28/09/2022
    • de TELLIER Céline
    Dans le cadre des candidatures à l’appel à projets parcs nationaux de Wallonie, le règlement stipule qu’une « partie significative du périmètre du parc national doit être laissée en libre évolution ou faire l’objet d’un projet de réensauvagement. »

    En collaboration avec le DNF et les communes, des zones de forêt publique, domaniale et communale, ont donc été identifiées pour être consacrées à la libre évolution. Pour répondre à cet objectif, différents dispositifs légaux existent. Parmi eux, il convient de distinguer les notions de « réserve intégrale » au sens du Code forestier (Art. 71), la « réserve naturelle intégrale » et la « réserve forestière » au sens de la loi de la conservation de la nature. Chacun de ces statuts répond donc à des textes, des contraintes et des procédures légèrement différents.

    L’article 20 de la Loi de la Conservation de la Nature instaure les réserves forestières, définies comme : « une forêt ou partie de celle-ci protégée conformément à la présente loi dans le but de sauvegarder des faciès caractéristiques ou remarquables des peuplements d’essences indigènes et d’y assurer l’intégrité du sol et du milieu ». Pour suivre les demandes répétées des instances de conseil en matière de nature, ainsi que les recommandations récentes des parties prenantes à la « task force » Aires protégées que j’ai initiée en 2020, je souhaite simplifier les statuts de protection de cette loi, et que soit à terme supprimé le statut de réserve forestière. Il existe différentes interprétations de ce statut qui divergent sur la question de savoir si une réserve forestière peut être « intégrale » ou non. Selon la volonté des propriétaires, celles-ci pourront avantageusement être transformées en réserves naturelles, dans un souci de clarification et de meilleure application des règles et des contraintes liées à leur protection.

    La loi sur la conservation de la nature précise en effet qu’une réserve naturelle peut être soit dirigée, soit intégrale ; cette dernière est définie en son article 7 comme « une aire protégée créée dans le but d’y laisser les phénomènes naturels évoluer selon leurs lois. »

    Enfin, l’article 71 du Code forestier stipule que « (…) Dans les bois et forêts des personnes morales de droit public, par propriétaire de plus de cent hectares de bois et forêts, en un ou plusieurs massifs, est appliquée la mesure de conservation suivante : (…) - la mise en place de réserves intégrales dans les peuplements feuillus, à concurrence de trois pour cent de la superficie totale de ces peuplements. ». Les commentaires du code précisent que « (…) La mise en place des réserves intégrales sur trois pour cent de la surface des peuplements feuillus implique l'absence de toute forme d'exploitation de manière à permettre le vieillissement de la forêt et l'expression des dynamiques naturelles. Seules sont autorisées des interventions minimales : contrôle du gibier, sécurisation des chemins, organisation de l'accueil du public. Ces zones peuvent éventuellement être érigées en réserve naturelle intégrale ou en réserve forestière au sens de l’article 6 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature. »

    Le but de ces différents dispositifs vise à la préservation d’écosystèmes forestiers pour leurs valeurs biologiques élevées et le redéploiement de la biodiversité spécifique associée aux dynamiques spontanées en forêt, aux vieux arbres et aux bois morts… En outre, la protection intégrale des forêts contribue à capter du carbone et à lutter contre le réchauffement climatique.

    Il est donc bien évident que les objectifs de production, l’exploitation forestière et la sylviculture, les coupes et les plantations ne sont pas compatibles avec une réserve intégrale. Ceci vaut également pour l’exploitation du bois de chauffage par les habitants.

    Notons cependant qu’il existe des réserves naturelles et forestières dont l’objectif est de préserver un taillis, un taillis sous futaie, ou une futaie claire. Dans ce cas, l’exploitation de certains bois et du bois de chauffage restent autorisés, mais sous la condition que cela corresponde bien à l’objectif de gestion identifié comme le moyen le plus adéquat de maintenir la biodiversité spécifique de la zone protégée.

    En ce qui concerne la chasse, l’arrêté royal du 2 avril 1979 établissant le règlement de gestion des réserves forestières précise que « L’exercice de la chasse, et éventuellement de la pêche, dans les réserves forestières, non soumises au régime forestier, est maintenu au profit du propriétaire ou ses ayants droit, pour autant qu’il soit compatible avec les objectifs de l’article 20 de la loi sur la conservation de la nature. » En réserve naturelle, même si la Loi précise que la chasse y est interdite, la régulation de la faune peut y être autorisée par dérogation et sous condition par le Gouvernement, lors de la mise sous statut par l’arrêté de reconnaissance de la réserve ou par dérogation ou modification ultérieure de cet arrêté. Puisqu’il s’agit essentiellement de régulation dans une espace protégée et généralement sensible, la manière dont sera pratiquée la régulation sera précisée. La battue à cor et à cri sera généralement proscrite, bien que des exceptions existent.

    Pour la réserve intégrale au sens du Code forestier, celui-ci précise que le contrôle du gibier y est autorisé. Les méthodes de régulation et les infrastructures que cette régulation nécessite seront évaluées au cas par cas par mon administration en fonction de la nécessité de ce contrôle et de la dimension de la zone protégée. Je suggère néanmoins à mon administration, ainsi que l’indiquent les commentaires du Code forestier, de saisir l’opportunité de superposer un statut de réserve naturelle au statut de réserve intégrale quand cela est possible.

    Enfin, l’honorable membre sait mon attachement à la fonction socio-récréative des espaces naturels. Sur la question des autres activités autorisées, je souligne donc que les différents statuts permettent d’accueillir le public, en suivant bien entendu les règles de circulation en forêt et en respectant la quiétude garantie de manière générale dans le Code forestier. En ce qui concerne les activités traditionnelles telles que la cueillette des champignons ou des myrtilles, étant donné que rien n’est spécifiquement précisé à ce sujet, ou à tout le moins que certains statuts pourraient l’autoriser moyennant certaines conditions, je souhaite prendre le temps d’une réflexion aboutie et saisir les avis de la « task force » Aires protégées afin de préciser quelles seraient ces conditions.

    Ces pratiques traditionnelles, si elles sont pratiquées dans le respect de la règlementation, avec bon sens, précautions et modération, ou seulement à certains moments ponctuels de l’année pourraient ne pas être incompatibles avec certaines zones bénéficiant d’une protection.