La culture de l'orge et du houblon en Wallonie
- Session : 2021-2022
- Année : 2022
- N° : 867 (2021-2022) 1
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Question écrite du 17/08/2022
- de LENZINI Mauro
- à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
Ce décalage entre la notoriété de nos bières et la capacité de notre agriculture à approvisionner nos brasseries en houblon et nos malteries en orge est identifié depuis plusieurs années et un Plan stratégique pour le développement de la filière orge brassicole a d'ailleurs été mis en place par le Gouvernement wallon.
Ce plan comprend huit volets d'actions et vise à relancer, à amplifier encore et à booster de manière durable, jusqu'à l'horizon 2027, la filière orge de brasserie.
Monsieur le Ministre peut-il faire le point sur le sujet ?
Comment évolue le Plan stratégique pour le développement de la filière d'orge brassicole en Wallonie ?
Par ailleurs quelles sont les actions mises en œuvre pour développer la culture du houblon dans notre région ?
Réponse du 07/09/2022
- de BORSUS Willy
En Wallonie, un cahier de charge « Produit Reconnu Qualité Différenciée » est en cours de réalisation. Le Centre de Recherche agronomique wallon (CRA-W) à Gembloux a mis en place une houblonnière de collection et réalise des plants de houblons par micro-bouturage (plant sain, exempt de virus). Le CER de Marloie a, quant à lui, mis en place une plateforme de démonstration pour cette culture et organise différents événements à l’attention des houblonniers (et candidats) wallons, en particulier de réseautage et d’information (ex. Road Trip Hope, visite de houblonnières, information/formation sur les différentes étapes de la culture, le mode bio, traduction et diffusion des avertissements de l’INAGRO, et cetera)
Durant la période 2021 -2022, la superficie wallonne d’orges de brasserie s’est élevée à près de 1 130 ha. Cette superficie a plus que quadruplé depuis le lancement du plan stratégique en 2015. Cette surface emblavée est le résultat du travail d’une centaine d’agriculteurs.
Le regroupement des acteurs de la filière au sein de l’ASBL « Promotion de l’Orge de Brasserie » (POB) a constitué la première étape concrète de la redynamisation de la filière. Cette ASBL, animée par la SoCoPro et le CePiCOP réunit un certain nombre d’agriculteurs ayant planté de l’orge de brasserie, certains négociants actifs dans l’orge de brasserie, la Malterie du Château, la Malterie Dingemans et un certain nombre de brasseurs impliqués dans la démarche du label Prix-Juste producteurs.
Le POB a pour objet de contribuer à répondre aux objectifs du plan stratégique orge de brasserie à travers le développement des points suivants :
a. une structuration de la filière, une gouvernance et des choix d’orientations ;
b. développement et stabilisation de relations commerciales ;
c. favoriser les échanges entre acteurs ;
d. lieu où faire remonter les problématiques techniques rencontrées ;
e. gestion des risques de déclassement ;
f. lieu de décision concernant la labellisation Prix Juste ;
• Belge vs étranger ;
• industriels vs artisanal ;
• et cetera.
Le label Prix Juste Producteur porté par le POB pour les différents acteurs de la filière (agriculteurs, stockeurs, malteurs, brasseurs…). Ce label assure avant toute chose une rémunération équitable pour l’agriculteur. Ce prix est basé sur les coûts de production et intègre le risque de déclassement en posant comme hypothèse un déclassement une année sur cinq. Ce label garantit, pour les acteurs plus en aval, l’intégration dans une filière locale (la traçabilité est assurée par une vérification documentaire de la SoCoPro). Enfin, il propose une garantie contractuelle long terme, permettant une stabilité commerciale. Un article du sillon belge de 2020 dresse également les différents freins rencontrés dans la filière (manque de rentabilité, risque de déclassement, difficulté d’allotement en petites cellules chez les stockeurs, plaque tournante belge avec une facilité d’approvisionnement français, etc.) en mettant en avant la solution du label Prix Juste.
La crise ukrainienne a imposé une révision des prix payés aux agriculteurs. Les coûts de production ayant atteint des sommets, le « Prix juste » devait être revu. Le POB a permis de rassembler tous les acteurs de la filière et de déterminer un nouveau prix qui permettrait de faire face tout en convainquant les agriculteurs de continuer à mener à bien leurs cultures d’orge. Ce prix est aujourd’hui fixé à 325 euros/t.
Le label Terrabrew de la Malterie du Château garantit un malt issu d’orges cultivées localement. Il a été labellisé prix juste producteur.
La Malterie Dingemans a mis en place cette année une formation destinée aux magasiniers du négociant Walagri. Cette formation leur a permis de reconnaitre des orges de mauvaise qualité. L’idée est de limiter les risques de contamination d’un silo entier en y mélangeant des orges de bonne et mauvaise qualité.
La Malterie Belgomalt (groupe Boortmalt) implantée à Gembloux travaille en étroite collaboration avec la coopérative Cultivaé (Perwez). Ces deux acteurs ont développé une vision et des contacts commerciaux très locaux, avec des brasseries comme la Valduc ou la Bertinchamps. Des discussions sont en cours pour la labellisation du malt « pur local » en prix juste. Ce groupe d’acteurs est également à l’origine de la création de la Route du Malt grâce au travail du GAL Culturalité en Hesbaye brabançonne.
La distillerie Belgian Owl, producteur de whisky wallon, a considérablement augmenté ses surfaces emblavées en orges de brasseries cette année en passant de 77 ha (2021) à 350 ha (2022). Elle a même l’ambition de réaliser un whisky bio et travaille désormais également avec des agriculteurs en agriculture biologique. Une réunion avait permis d’échanger sur les futures variétés utilisées pour la distillerie et de proposer des tests sur certaines parcelles afin de préparer le choix de la variété qui sera utilisée dans les prochaines années.
Quelques initiatives de recherche ont vu le jour dans la dynamique de ce plan stratégique. À ce titre, concernant l’orge d’hiver, des nombreux (petits et plus gros) brasseurs souhaitent rentrer dans la filière Prix Juste et s’approvisionner en orges brassicoles locales, mais ils sont désormais sur liste d’attente, car la filière n’est pas en mesure produire suffisamment pour répondre à la demande. Le frein principal réside dans le déclassement des orges de brasserie et leur refus par les malteries. Ceci pour des raisons qualitatives. L’explication principale réside dans les risques d’apparition de « gushing » (effet geyser lorsqu’on décapsule sa bière). Ceci peut survenir chez les brasseurs qui pratiquent une deuxième fermentation en bouteille. Les causes de ce « gushing » peuvent être très diverses et se manifester aux échelons des agriculteurs, négociants, mais aussi des malteurs.
Une des solutions est de proposer aux agriculteurs la mise en place de cultures d’orges (deux rangs) d’hiver. Au préalable, il faut convaincre les brasseurs de travailler avec un malt issu d’orges d’hiver, la technique est en effet un peu différente.
Il existe néanmoins des brasseries connues comme Chimay, ou la Brasserie des Légendes brassant à partir de malt issu d’orges d’hiver mélangé avec des orges de printemps. Les avantages pour les brasseurs sont pourtant nombreux ; meilleure tenue de la mousse, meilleure filtration, process plus économe en temps, et cetera.
Un événement est prévu en septembre à la Brasserie des Légendes pour sensibiliser les brasseurs à l’utilisation de malt issu d’orges d’hiver.
Pour ce faire, les agriculteurs doivent avoir accès à des variétés d’orges d’hiver performantes et adaptées à nos conditions pédoclimatiques. La SoCoPro et le CePiCOP travaillent sur leurs disponibilités grâce à la mise en place d’essais et de test pilotes avec des industriels. La demande des malteries, stimulée par le POB, pour effectuer des tests de maltage sur les variétés d’hiver est très encourageante.
Des acteurs comme Walagri ont d’ailleurs déjà des projets tests avec la Malterie Albert (groupe Alken-Maes). Ces essais concernent des orges d’hiver à 6 rangs, ceci dans le but de produire la bière « Cristal ».
L’utilisation d’orges d’hiver dans la filière brassicole représente un potentiel considérable. En effet, la culture d’hiver permet de produire plus (+-9T au lieu de 6T en printemps) et sécurise plus facilement la qualité de la récolte (teneur en protéines plus stable). Le risque de déclassement, prépondérant dans la filière (liés à des hydrophobines, mycotoxines, teneur en protéines inadéquate, etc.), serait alors fortement amoindri.
Des agriculteurs essayent également la technique d’implantation d’orges de printemps en automne (OPA). Cette nouvelle façon de faire s’observe déjà en France. Depuis plusieurs années, cette technique est essayée par plusieurs agriculteurs wallons notamment le groupe d’agriculteurs travaillant avec la coopérative Cultivaé et Regenacterre. Lors de cette récolte 2022, cette technique a permis à un agriculteur d’atteindre un record de 12 tonnes d’orges brassicoles.
Un projet de mise en avant des orges cultivées en agriculture biologique est en cours. Porté par la SoCoPro, Biowallonie, le Gal culturalité et en collaboration avec le CePiCOP, il vise à favoriser et à promouvoir la filière des orges biologiques stockées chez Cultivaé et vendues et maltées à la Malterie Dingemans. Celle-ci vend en effet son malt à un nombre important de brasseries en Wallonie.
Le CePiCOP réalise des essais (avec des partenaires comme le CARAH, le CPL-Végémar et le CRA-W) sur des orges d’hiver et de printemps (en conventionnel depuis des années et en bio depuis 2021) sur des thématiques comme la fertilisation, les variétés, les dates de semis (orge de printemps en hiver), les itinéraires phytotechniques, et cetera. Ils sont vulgarisés dans le « Livre Blanc des Céréales » deux fois par an en septembre et en février.
Le CePiCOP et le CRA-W testent également des appareils techniques utiles au pilotage agricole, dans le but d’équiper la filière. À titre d’exemple, l’outil « Grainsense » a été testé cette année afin de vérifier qu’il fournit des valeurs aussi satisfaisantes que le laboratoire.
Des analyses en laboratoire permettent d’accompagner les acteurs sur les aspects qualité de l’orge brassicole. Avec le CRA-W (laboratoire de qualité céréalière), le CePiCOP accompagne les agriculteurs dans les analyses prérécolte qui sont très importantes à réaliser. L'objectif des prérécoltes est d’évaluer préalablement la teneur en protéine de l'orge d'une parcelle avant récolte dans le but d'améliorer l'allotement. La demande pour ce service a considérablement augmenté : 34 analyses en 2021, 97 analyses en 2022. En plus des analyses échantillons des essais, le CRA-W effectue des analyses de malt afin d’en vérifier la validité technologique.
Parallèlement à cela, le CRA-W travaille sur le projet « ValCerWal » avec pour objectif de permettre une meilleure valorisation des céréales, dont les orges brassicoles wallonnes, à savoir, faire davantage correspondre les attentes de l’industrie et des transformateurs en circuit court (brasserie), basés sur des critères objectifs de qualité des céréales produites en Wallonie.
Les techniques de tri des céréales permettront d’améliorer la qualité technologique de la matière première et de limiter le risque sanitaire lié à la présence d’impuretés et de contaminants.
Ce projet évaluera le bilan technique et économique de différentes méthodes modulables de tri, afin de rencontrer les attentes des acteurs des filières céréalières et ainsi de générer plus de valeur ajoutée. Cette étude permettra à terme aux différentes filières céréalières de disposer d’informations concrètes quant aux modes de tri à adopter en fonction des différentes situations rencontrées tout en assurant une valorisation optimale des céréales wallonnes. Les résultats de cette étude contribueront également, et de manière importante, à réduire les risques de déclassement des orges de brasserie.