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La modification de la directive 2010/75/UE et son impact sur l’agriculture wallonne

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 882 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 02/09/2022
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 5 avril dernier, la Commission européenne a adopté la proposition de modification de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles. Parmi les modifications proposées figure une extension du champ d'application de la directive vers les exploitations d'élevage. Tout élevage au-delà de 150 unités gros bétail (UGB) serait désormais considéré comme élevage industriel et tomberait sous les obligations prévues par la directive.

    En avril dernier, en réponse à une question que j'avais adressée à Monsieur le Ministre, il m'indiquait que de nombreuses exploitations wallonnes pourraient être impactées si ce changement de législation devait être adopté.

    Monsieur le Ministre peut-il me communiquer le nombre d'exploitations concernées par commune ?

    Peut-il faire le point sur les négociations entamées suite à la présentation du projet par la Commission européenne au Conseil européen ?

    La Wallonie a-t-elle déjà officiellement pris une position dans ce dossier ?

    Si oui quelle est-elle ?

    Le point a-t-il été abordé dans le cadre de la concertation intrabelge ?

    Une position commune se dégage-t-elle ?

  • Réponse du 26/09/2022
    • de BORSUS Willy
    En date du 5 avril dernier, la Commission européenne a effectivement adopté une proposition de modification de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (dite directive IED).

    Cette proposition fait suite à plusieurs constats quant à l’efficacité et à l’effectivité de l’impact de la directive actuelle sur l’environnement. Ces constats, et les nouvelles politiques environnementales menées par l’Union européenne amènent la Commission à revoir la directive IED pour l’adapter aux objectifs qu’elle s’est fixés à l’horizon 2050.

    Si la proposition de directive relève de par son contenu et son contexte des compétences de ma collègue Céline Tellier, Ministre de l’Environnement, il n’en demeure pas moins qu’une de ses modifications importantes, si pas la plus importante, concerne les exploitations d’élevage.

    Sans entrer dans le détail, la Commission européenne dresse le constat que le secteur de l’exploitation de l’élevage est celui où les résultats attendus, au travers des exploitations d’élevage qui sont déjà soumises aux obligations de la directive IED actuelle, sont les moins positifs en termes de diminution de leurs impacts sur l’environnement. La Commission entend donc que la nouvelle directive IED devienne un instrument clé permettant de réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre et d’ammoniaque provenant du secteur de l’élevage.

    Pour y parvenir, la Commission européenne propose des modifications notables de la directive IED en ce qui concerne les activités d’élevage. Actuellement, les obligations « IPPC » reprises au chapitre II de la directive IED s’appliquent aux activités énumérées en son annexe I. Parmi les nombreuses activités visées, figurent notamment les activités d’élevage suivantes :

    6.6. Élevage intensif de volailles ou de porcs :
    6.6.a. Avec plus de 40 000 emplacements pour les volailles ;
    6.6.b. avec plus de 2000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) ; ou,
    6.6.c. avec plus de 750 emplacements pour les truies.

    Ces catégories d’activité ne sont pas cumulables (pas de spéculations multiples).

    Les obligations « IPPC » sont principalement l’obligation de permis, le recours aux meilleurs techniques disponibles (« MTD »), le respect des niveaux d’émissions y associées, la surveillance des émissions, le contrôle périodique des établissements, le réexamen périodique des conditions du permis, la remise en état du site en cas de cessation d’activités et la mise à disposition du public de données environnementales dont les permis et les rapports de contrôle et surveillance.

    Par application de ces critères, en Wallonie, ce sont 58 poulaillers, 21 porcheries pour porcs de plus de 30 kg et 2 porcheries pour truies qui sont actuellement visés par ces obligations.

    La Commission projette, par sa proposition de révision de la directive IED, d’étendre considérablement le nombre d’élevages concernés par ses obligations :
    1. Par l’extension du champ d’application de la directive IED aux élevages de bovins ;
    2. En visant les établissements cumulant plusieurs catégories d’animaux (spéculation multiple) ;
    3. En exprimant désormais les seuils des catégories en Unité Gros Bétail (UGB) et en fixant ce seuil à 150. Pour assurer la conversion vers cette nouvelle unité de comptabilisation, il convient de recourir à une table de conversion spécifique reprise à l’annexe II du règlement d’exécution n°808/2014.

    Cette approche et cette nouvelle unité de calcul ont pour conséquence que, en Wallonie ainsi qu’en Flandre, en plus de viser dorénavant les bovins, davantage d’élevages de porcins, de poulets de chair et de poules pondeuses seraient visés par les obligations de la directive.

    D’après une première estimation réalisée par l’Administration de l’Environnement, il est raisonnable de considérer que, toute exploitation confondue, près de 2 000 exploitations agricoles seraient concernées par les nouvelles obligations fixées par la directive à venir. À ce chiffre, il convient encore d’ajouter les spéculations multiples concernées. Un chiffre provisoire de 2 300 exploitations concernées peut donc être avancé. Ce n’est pas anodin.

    Par ailleurs, la proposition de directive soumet les exploitations agricoles concernées à l’obtention d’une autorisation préalable, qui s’apparente a priori à l’obtention d’un permis au sens du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement et non plus à une déclaration, à des obligations de surveillance des émissions et à un rapportage (via notamment la révision en parallèle du règlement E-PRTR).

    Compte tenu du fait que de nombreux élevages bovins sont visés actuellement – lorsqu’elles ne sont pas soumises aux obligations fixées par la directive IED, par une déclaration, il n’est pas possible pour l’Administration de l’Environnement de pouvoir identifier le nombre d’exploitations concernées par commune. Ce qui l’est par contre c’est que ces démarches auront, également, un impact sur nos administrations.

    L’exercice que l’honorable membre demande est d’autant moins réalisable que le seuil des 150 UGB est encore susceptible de se voir appliquer des modalités, non définies pour l’heure par la Commission en l’état actuel des négociations, lesquelles pourraient avoir un impact sur le nombre réel d’exploitations concernées.

    Pour en revenir aux nouveautés fixées par la proposition, la Commission opte pour une exclusion des activités d’élevage du chapitre II « IPPC » de la directive IED actuelle au bénéfice de la création d’un nouveau dispositif. Ceci est illustré par l’insertion d’un nouveau chapitre VIbis (articles 70bis à 70decies) et d’une nouvelle annexe (annexe Ibis).

    Si ce chapitre contient quelques indications quant aux règles auxquelles les exploitations agricoles seraient soumises, il en réserve la majorité à l’adoption de règles d’exploitation pour l’heure non encore évoquées, dans le cadre des négociations autour de cette proposition de directive. Ceci est évidemment problématique : si nous avons une idée approximative du nombre d’exploitations agricoles qui seraient potentiellement impactées, nous n’avons pas d’idée précise sur les règles qu’elles seraient tenues d’appliquer (en dehors de ce qui a été mentionné ci-avant).

    L’avenir est encore incertain au sujet de l’impact de cette proposition de directive, mais il est certain qu’il sera conséquent pour les éleveurs wallons et les administrations compétentes.

    Pour ce qui relève de ses autres questions, et comme j’ai eu l’occasion de le mentionner ci-avant, la proposition de directive est du ressort de la Ministre de l’Environnement, Madame Tellier. Je ne puis donc lui fournir que les éléments en lien avec les aspects agricoles qui m’ont été communiqués par l’Administration de l’Environnement.

    À ce sujet, il me revient de l’Administration de l’Environnement qui suit les travaux de cette proposition de directive, que la négociation se poursuit entre les États membres et la Commission via des groupes de travail dédiés. Dans ce cadre, la Wallonie a déjà fait part, à de multiples reprises et notamment dans le cadre du Comité spécial Agriculture du 12 septembre dernier, de ses inquiétudes auprès de la Commission européenne quant aux conséquences de cette directive sur les exploitations agricoles. Comme indiqué, un des principaux obstacles constatés par la Wallonie est celui du seuil d’UGB retenu par la Commission, car il viserait, de la sorte, de nombreuses exploitations d’élevage wallonnes de petite et moyenne taille, et ce, d’autant plus que le projet de texte vise les élevages de porcins, de volailles et de bovins, toutes catégories, sans limites d’âge. À celui-ci peut encore être ajouté le défaut d’information relatif à la définition des règles d’exploitation à venir ou encore à la soumission à permis pour les exploitations.

    À l’heure actuelle, les positions flamande et wallonne ne sont pas alignées. La Flandre ne semble pas vouloir remettre en question le seuil établi par la Commission.

    Au niveau régional, nous échangeons avec ma collègue Céline Tellier afin de porter une voix commune sur ce dossier, mais je suis personnellement opposé à cette extension qui me semble vraiment déraisonnable, excessive et inutilement impactante.