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La sécheresse et les pistes pour économiser l’eau

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 808 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 02/09/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Selon le Centre commun de recherche de la Commission européenne, la sécheresse qui touche la moitié de l'Europe "semble être la pire depuis cinq cents ans" et ce n'est pas quelques pluies qui suffiront à remplir les rivières ni à rendre leur humidité au sol avant l'automne !

    Madame la Ministre peut-elle décrire la situation de la Wallonie au regard du constat suscité ? Des craintes identiques sont-elles d'actualité ?

    Des communes sont-elles privées ou en pénurie d'eau potable ? Le cas échéant, lesquelles ?

    Economiser l'eau commence par éviter les fuites ! Quel est, à cet égard, le taux de fuite sur le territoire wallon ? Les performances pour limiter celui-ci ont-elles été efficaces sur les dix dernières années ?

    Le taux de fuite a-t-il évolué sur la période et quels en sont les indicateurs ?

    Quelles sont les mesures de sobriété préconisées par Madame la Ministre, celles mises en place et celles sur lesquelles travaillent ses équipes ?

    Quelles sont les mesures prises pour réduire les gaspillages et lutter contre les contaminations qui rendent la ressource indisponible ?
  • Réponse du 11/10/2022
    • de TELLIER Céline
    En Wallonie, les mois de juillet et août 2022 constituent les deux mois les plus secs jamais observés depuis le relevé de la pluviométrie. Cette sécheresse s’est accompagnée de vagues de chaleur et l’été 2022 figure dans les plus chauds de ces 20 dernières années après 2018 et 2003. Après un hiver caractérisé par des précipitations globalement proches des normales saisonnières, le printemps a été sec, chaud et ensoleillé, avec un mois de mars particulièrement pauvre en précipitations (2,2 mm à Uccle), un mois d'avril plus sec que la moyenne et un retour temporaire des précipitations fin mai, essentiellement dans le nord de la Région wallonne et le sous-bassin de la Moselle. Des précipitations orageuses (Hesbaye notamment) ont marqué le début et la fin du mois de juin et atténué quelque peu la situation de sécheresse avant le retour d'un temps très sec en juillet et août. D'une situation proche de la normale avant le mois de mars, l'indice sécheresse de l'IRM a ensuite évolué vers une situation de plus en plus sèche. Depuis le mois de mai, la Wallonie a ainsi connu plusieurs épisodes secs à extrêmement secs, d'abord centrés sur le sillon Sambre et Meuse puis vers l'est de la province de Liège avant de se généraliser à l'ensemble de la Wallonie en août.

    En ce qui concerne les cours d’eau, dès la fin du mois de mars, les débits observés étaient déjà faibles à très faibles. Cette situation s'est poursuivie en avril et mai, sans pour autant atteindre des niveaux exceptionnellement bas grâce aux précipitations venues soutenir quelque peu les débits. En juin, la tendance à la baisse s'est poursuivie, bien que temporisée par quelques précipitations fin juin. La première quinzaine de juillet a marqué un pas supplémentaire vers une situation plus compliquée : à cette période, les niveaux descendent rapidement et des valeurs comparables ou inférieures à 1976 ou 2020 sont régulièrement observées. Si la situation a évolué ensuite plus lentement concernant les voies navigables et les principaux cours d'eau naturels, qui sont restés à des niveaux très bas, la situation s'est dégradée de plus en plus sur les cours d'eau non navigables, principalement en tête de bassin où des assèchements ont été constatés. L'habitat aquatique et la qualité des eaux sont affectés. Fin août, la situation des cours d'eau non navigables était préoccupante et continuait à se dégrader avec des valeurs semblables à 2020. Concernant les cours d'eau plus importants, la situation est globalement comparable à 2020, mais plus critique sur l'Ourthe, l'Amblève et la Lesse. Les dernières précipitations de la deuxième semaine de septembre ont mis un frein à cette descente, mais il faudra plusieurs semaines d’un régime de précipitation normal pour qu’ils retrouvent des niveaux proches de la normale.

    En ce qui concerne les lacs de barrages (Gileppe, Eupen et Ry de Rome), le niveau de restitution a été progressivement ramené au minimum pour préserver la ressource en eau, garantissant un approvisionnement de plusieurs mois, dans l’attente de leur remplissage hivernal. À Nisramont, qui alimente quelques 62 000 raccordements, la situation a été plus critique, mais on n’a pas atteint une situation de pénurie. Les dernières pluies ont ramené le niveau du lac à des valeurs qui éloignent la perspective d’une crise d’alimentation de la zone, même si les mesures de vigilance ont été prolongées. Il faut noter que, grâce à la réalisation de travaux prévus par le Schéma régional des ressources en eau, la zone nord d’alimentation du barrage a été dirigée vers le captage du Néblon de la CILE, allégeant ainsi la pression sur Nisramont.

    En matière d’eau souterraine, à la suite des précipitations de l'été 2021 et de l'hiver 2021-2022, la recharge des eaux souterraines a été bonne. La fin de l'hiver a vu le niveau de la plupart des masses d'eau souterraine atteindre les valeurs de hautes eaux habituelles. La répartition des précipitations en fin d'hiver ainsi qu'un mois de mars particulièrement sec s’est cependant traduite par une baisse précoce des niveaux piézométriques dès le début du mois de mars. Ceux-ci se sont par conséquent rapidement rapprochés de niveaux comparables à ceux rencontrés lors des cinq dernières années sèches (2017 à 2020) et ont ensuite poursuivi une baisse normale et régulière. Fin août, la situation est contrastée en fonction des masses d'eau : certaines masses d'eau importantes connaissent actuellement des niveaux quelque peu supérieurs à ceux mesurés en cette saison lors des années sèches 2017 à 2020, alors que d'autres, comme l'Ardenne et la Famenne, présentent des niveaux bas comparables à 2020. Les aquifères se rechargeant à partir de l'automne, il ne faut pas attendre d'amélioration substantielle de la situation avant octobre, et pour autant que les précipitations soient au rendez-vous. Dans l’ensemble, la situation des nappes d’eau souterraine n’est pas apparue préoccupante. Même lors d’étés « normaux », le niveau des aquifères baisse, car toutes les précipitations sont « utilisées » par la végétation (évapotranspiration). Ce ne sont pas tant les étés secs qui sont à craindre que des hivers moins pluvieux que la normale, ce qui ne devrait pas être le cas si l’on en juge d’après les scénarios d’évolution du climat.

    En matière de distribution d’eau, la situation chez les différents producteurs/distributeurs d'eau potable est restée stable jusqu'au mois de mai. Les premières informations -préventives- concernant un usage rationnel de l'eau ont été publiées durant la seconde quinzaine du mois de mai par quelques communes, dont Theux, Rochefort et Libramont. Elles se sont ensuite multipliées au fil des semaines. Un premier arrêté de restriction d'usage a été pris par la commune de Stoumont dans le courant du mois de juin, rejoint dès le mois de juillet par 6 autres communes, dont Rochefort et Libramont. Le nombre de communes sous surveillance ou sous restriction, pratiquement toutes situées en Ardenne et en Famenne, a ensuite augmenté progressivement durant l'été.

    Le 2 septembre, 23 communes avaient pris des arrêtés de police de restriction de consommation de l’eau de distribution : Stoumont, Burg Reuland, Rochefort, Durbuy, Libin, Libramont, Chimay, Theux, Bouillon, Léglise, Habay, Pepinster, Vresse-sur-Semois, Tellin, Bertogne, Tenneville, Gouvy, Gedinne, Hotton, Amblève, Bullange, Bütgenbach et Saint-Hubert. Seize autres font l’objet d’une surveillance particulière de la part de la SWDE : Jalhay, Vielsalm, Houffalize, Bastogne, Bertogne, Bullange, Fauvillers, Martelange, Neufchâteau, Vaux-sur-Sûre, Saint-Ode, Wellin, Marche-en-Famenne, Rendeux, La Roche-en-Ardenne et Beauraing. Les communes les plus touchées par les pénuries n’ont toutefois pas connu de « coupure » d’alimentation.

    Hormis ces communes citées qui ont fait l’objet de restrictions ou de surveillance, la situation n’est jamais apparue préoccupante sur le territoire wallon, les ressources étant toujours à des niveaux suffisants pour répondre à la demande. Les problèmes structurels que connaissent les communes précitées, et pour certaines quasi chaque année, pourront se résoudre lorsque les travaux d’adduction supplémentaires visant à interconnecter les différentes régions de la Wallonie seront finalisés.

    En ce qui concerne les fuites des réseaux, le taux de fuite n'est pas l'indicateur utilisé par les professionnels de l'eau pour différentes raisons méthodologiques. Ils utilisent plutôt l'Indice Linéaire de Volume Non-Enregistré : cet indicateur rapporte le volume non enregistré à la longueur des conduites-mères (adduction et distribution hors raccordement). Il fournit ainsi une indication du volume perdu sur un kilomètre de conduite en une journée. Contrairement au rendement du réseau, cet indicateur a l’avantage d’être en grande partie indépendant du niveau de consommation d’eau. Il a cependant l’inconvénient de dépendre fortement de la densité de raccordements par kilomètre de conduite, ce qui rend les comparaisons entre distributeurs difficiles. Plus cet indicateur est faible, meilleur est l’état du réseau. Il y a certes des fuites, mais aussi des volumes consommés par les services incendies, le sous-enregistrement des compteurs, les volumes de nettoyage des réseaux, etc.

    En matière de « sobriété », je n’ai actuellement aucune habilitation pour prendre des mesures de restriction. J’ai l’intention de déposer un projet de modification du Code de l’Eau visant à habiliter le Gouvernement, accompagné d’un cadre général fixant la priorisation des usages, la mise en place des zones d’alerte, des seuils d’alerte, le mode de déclenchement et de levée des mesures. À l’heure actuelle, seuls les bourgmestres sur base de l’article 134 de la Nouvelle Loi communale ou les producteurs d’eau sur base de l’article D.205 du Code de l’Eau sont habilités à prendre des mesures de restriction et d’économie d’eau.

    En matière de gaspillage, il est évidemment important que chaque citoyen utilise l’eau de manière responsable. Des actions de sensibilisation de la population sur l’évolution de la ressource en eau sont régulièrement menées par différents acteurs de l’eau. En ce qui concerne les eaux industrielles, les entreprises mettent en œuvre, d’initiative ou pour respecter les obligations figurant dans les normes sectorielles ou les obligations liées à la Directive IED, des « meilleures techniques disponibles » visant à économiser l’eau voire la recycler. Je rappellerai également le développement des projets 103 (mettre en œuvre de nouvelles ressources en eau : ReUse, recharge…) et 105 (créer des réseaux d'alimentation décentralisés en eau) du PRW qui pourraient profiter autant au secteur industriel qu’agricole ainsi que le projet 104 (améliorer l'infrastructure agro-environnementale et mettre en œuvre des structures de stockage d'eau et d'irrigation via l'aménagement foncier) qui s’adresse au secteur agricole.

    Enfin, en ce qui concerne la lutte contre les contaminations, je renverrai Monsieur le Député vers les plans, directives, et leurs transpositions en droit wallon, qui visent à protéger nos ressources en eau : Directive Cadre Eau et les Plans de gestion par District hydrographique (PGDH), Directive Nitrates et le Programme de Gestion Durable de l’Azote (PGDA), la plan wallon de réduction des Pesticides, Directive IED, Permis d’environnement, Directive Eau potable, le Code de l’Eau, la réglementation sur les prises d’eau et zones de prévention, les plans internes d’urgence des producteurs/distributeurs d’eau...