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L’augmentation des dégâts occasionnés par les corvidés

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 5 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 12/09/2022
    • de DURENNE Véronique
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Régulièrement, les agriculteurs se plaignent des dégâts occasionnés dans leurs champs par les corvidés, toujours plus nombreux d'année en année. Des lignes entières de semis sont ainsi décimées par les corneilles, pies et autres choucas sans que les cultivateurs puissent faire grand-chose puisque ces espèces sont protégées en Wallonie.

    Il y a quelques semaines, le Royal Saint-Hubert Club (RSCH) est venu appuyer ce constat dressé par les agriculteurs, en dénonçant lui aussi les dégâts anormaux provoqués par les corvidés. Selon l'association, ces oiseaux sont à l'origine d'une prédation importante dans les nids et les jeunes de la petite faune des plaines, ce qui contribue à la raréfaction de nombreuses espèces, comme le bruant proyer, la perdrix grise ou la caille des blés. Les jeunes lièvres constituent également des proies faciles pour ces oiseaux.

    Si une procédure de dérogation à la protection de ces oiseaux existe en Wallonie, via une dérogation délivrée par le Département de la nature et des forêts (DNF), qui permet ensuite, si elle est accordée, de faire appel à des chasseurs pour tirer les espèces concernées, cette procédure est trop stricte et fastidieuse aux yeux du RSCH. Il conviendrait, selon l'association, de modifier et simplifier cette législation permettant d'offrir des solutions rapides et ainsi de répondre en temps réel aux demandes des agriculteurs, des gestionnaires de territoires ou autres citoyens préjudiciés.

    Madame la Ministre s'est-elle rendue sur le terrain afin de constater les dégâts provoqués par les corvidés ? Dans l'affirmative, s'accorde-t-elle à dire qu'il convient de contenir, voire de faire régresser la population de corvidés en Wallonie ?

    Force est de constater que les actions ponctuelles menées jusqu'alors ne sont pas suffisantes. Quelle réponse compte-t-elle donner au RSHC qui demande une simplification de la procédure de dérogation à la protection de ces oiseaux en Wallonie ?

    Quelles mesures compte-t-elle mettre en place afin de réguler ces populations de corvidés ?

    Que compte-t-elle mettre en place afin de limiter les dégâts occasionnés par ces oiseaux ?
  • Réponse du 18/11/2022
    • de TELLIER Céline
    Les dégâts causés par les corvidés au niveau des cultures et la prédation qu’ils peuvent exercer sur la petite faune des plaines agricoles ne constituent pas un phénomène récent. Plusieurs facteurs peuvent néanmoins expliquer une augmentation des constats de dégâts et plaintes à ce sujet.

    Premièrement, les populations de corvidés ont augmenté ces dernières décennies en Wallonie avec toutefois une tendance à la stabilisation des effectifs pour la pie bavarde, la corneille noire et le corbeau freux ; la population du choucas des tours étant toujours en augmentation. Au-delà de cette tendance générale, les populations de corvidés peuvent se montrer localement très importantes avec des impacts directs sur les cultures, voire une pression supplémentaire sur d’autres espèces animales dont l’état de conservation n’est pas favorable.

    Deuxièmement, ces espèces, omnivores et opportunistes, ont une grande faculté d’adaptation, particulièrement dans les milieux modifiés par l’activité humaine. L’intensification de l’agriculture a profondément modifié les systèmes agraires avec une réduction des prairies permanentes accompagnée d’une destruction des éléments de connectivité écologique (bocages, haies, zones refuges…). De ce fait, les ressources alimentaires pour l’avifaune se sont raréfiées, conduisant les corvidés à se rabattre sur les semis et les jeunes plants plus facilement accessibles. De surcroît, l’utilisation du Mesurol, produit répulsif utilisé sur les semences de maïs, est interdite depuis 2020.

    En ce qui concerne la prédation exercée à la petite faune des plaines et au petit gibier, l’impact est variable selon l’espèce. Le corbeau freux et le choucas des tours ont un régime alimentaire essentiellement végétarien, complété par l’apport d’invertébrés et de petits vertébrés, voire d’œufs, mais ces apports ne constituent qu’une petite portion de ce régime en période de nidification. La corneille noire se nourrit davantage d’amphibiens, de jeunes mammifères, d’œufs et d’oisillons. Contrairement à ces espèces, la pie bavarde ne forme pas de grands groupes et son impact sur les populations de faune sauvage n’est pas avéré.

    L’octroi des dérogations est encadré par l’arrêté du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux qui prévoit notamment de solliciter l’avis de la Section nature du Pôle ruralité sur chaque demande. Ceci ne permet pas une réponse suffisamment rapide pour une réaction immédiate au moment des semis.

    À mon initiative, des consultations des différentes parties prenantes ont eu lieu cet automne afin de dégager des pistes de solutions.

    Une des pistes évoquées est l’adaptation du cadre légal pour permettre une délivrance plus rapide des dérogations, tout en veillant au respect des conditions qui doivent encadrer leur délivrance.

    À plus court terme, d’autres pistes sont en réflexion afin d’accélérer l’octroi de la dérogation pour la saison 2023.

    Par ailleurs, la problématique des dégâts causés par les corvidés ne peut être approchée uniquement sous l’angle du processus dérogatoire. Une réflexion doit également être menée sous l’angle de la prévention, par exemple au niveau de la recherche sur les techniques culturales et sur les répulsifs des semences. Le retour à un niveau acceptable de prélèvements sur les cultures devrait également passer par une évolution de nos systèmes agricoles afin d’augmenter leur résilience.