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Le retard de l'e-commerce wallon par rapport à la Flandre

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 15 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 19/09/2022
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Un article dans la presse faisait état dernièrement de l'augmentation des e-commerces en Belgique – en un an, plus de 6 000 boutiques en ligne auraient vu le jour. Nous pouvons nous en réjouir, quand on se souvient des chiffres interpellants donnés par la FEB l'année dernière qui avait calculé la perte de 0,3 % de croissance, un manque à gagner de d'un milliard d'euros et 6 000 emplois annuellement à cause du retard de notre e-commerce belge.

    Il y a un mais. Ce même article précisait que le bastion du commerce électronique se trouvait en Flandre – 72 % de toutes les boutiques y sont originaires.

    Nous savons l'importance que Monsieur le Ministre donne au digital-commerce et à toutes les actions qui ont été prises via les programmes smart commerce. Nous pouvons citer aussi les chèques-entreprises permettant à nos entrepreneurs d'être accompagnés dans leur évolution numérique.

    Le Plan de relance y réserve également une part des moyens pour rencontrer cet objectif.

    A-t-il pris connaissance de cet article et étudié la question ?

    Comment explique-t-il cette différence entre nos régions ?

    S'il y a probablement là une question de mentalité ou d'habitude, le constat est toutefois interpellant.

    Quelles démarches concrètes entreprend-il en la matière ?

    Comment concilait-il l'objectif du développement de l'e-commerce avec celui de la redynamisation des centralités ?
  • Réponse du 10/10/2022
    • de BORSUS Willy
    Les chiffres que l’honorable membre mentionne sont issus d’une enquête (https://becommerce.odoo.com/fr_BE/een-derde-van-belgische-webshops-is-afgelopen-5-jaar-opgericht) réalisée par la société Inoopa et publiée par BeCommerce en août 2021. Cette enquête indique effectivement que la Flandre concentre 72 % de l’e-commerce belge, mais aussi qu’un cinquième de l’ensemble du paysage de l’e-commerce s’agglomère dans la seule Province d’Anvers. Nous avons ici un bel exemple de ce qui fait l’une des forces commerciales de la Flandre par rapport à la Wallonie : le développement industriel autour des zones portuaires. Les économistes appellent cela « l’effet d’agglomération », et il se fait qu’aujourd’hui c’est autour des ports maritimes, surtout celui d’Anvers qui fusionnera cette année avec celui de Zeebrugge pour égaler Rotterdam comme premier port d’Europe. Comme elle le sait, la qualité de l’infrastructure logistique est un facteur clé de succès pour toute entreprise active dans l’e-commerce.

    Selon le SPF Économie, parmi les 1 049 163 PME assujetties à la TVA, 61 % sont établies en Flandre (646 000 environ), 26 % en Wallonie (267 000 environ), 11 % à Bruxelles-Capitale (113 000 environ) et 2 % (21 500 environ) sont domiciliées à l'étranger ou non localisées. Les chiffres d’entreprises e-commerce de la Flandre est donc à l’image de ses d’entreprises.

    Ces éléments ne sont pas les plus importants à mes yeux. Je note surtout que 2,6 % des commerçants en ligne (soit 1 455 boutiques) pèsent à eux seuls 84 % du chiffre d’affaires de l’e-commerce belge (Source : safeshops 2022). Un autre indicateur plus important encore selon moi est que, parmi les dix sites d’e-commerce les plus fréquentés par les Belges, aucun n’est belge. Ainsi que le démontrent les chiffres de l’organisation européenne « Ecommerce Foundation », les Néerlandais sont les grands gagnants de l’e-commerce dans notre Royaume. En première position de la captation des achats en ligne des Belges, on trouve Bol.com suivi de Coolblue puis d’Amazon.be qui est en tête du classement côté francophone. Dans la suite de la liste figurent Zalando, Apple, Vandenborre et Mediamarkt, Amazon et enfin, Veepee. Puisqu’aucune de ces enseignes n’est belge, ce sont donc principalement les poids lourds étrangers qui répondent à la demande des consommateurs belges.

    Ceci explique la raison pour laquelle le secteur de l’e-commerce B2B est prioritairement visé par nos start-up technologiques (Source : Baromètre du secteur du Numérique de l’AdN 2022). Nos entreprises ne s’y trompent pas, car c’est bien là que se situe le potentiel de différenciation concurrentielle qui peut apparaitre en faveur de la Wallonie et de la Belgique en général.

    C’est aussi la raison pour laquelle j’ai orienté le programme Digital Commerce vers les commerces de proximité, les professions libérales, les acteurs du tourisme et de l’HORECA. Ces entreprises animent économiquement nos centralités et peuvent encore trouver une place à côté des grands acteurs commerciaux sans chercher à les concurrencer en vain. Digital Commerce met l’accent sur la visibilité, la digitalisation de la politique commerciale et la « phygitalisation » des entreprises. La transaction de vente en ligne n’est pas une fin en soi. L’important est aussi que le savoir-faire wallon soit aussi visible et aussi facilement accessible en ligne que les offres des gros joueurs de l’e-commerce.

    Il ne s’agit donc ni d’habitudes ni de mentalités divergentes entre régions, mais bien d’un marché dominé par de très gros opérateurs étrangers pour qui la Flandre représente un marché plus attractif, car il est plus grand, dispose d’une industrie plus récente et davantage tournée vers l’exportation grâce à des canaux logistiques imbattables. Évidemment, la langue est aussi un facteur prépondérant pour les plus grands acteurs néerlandophones. Notons ainsi que Bol.com a longtemps été uniquement disponible en néerlandais en Belgique.

    J’ajouterai que la Belgique en matière d’attractivité pour les entreprises d’e-commerce, continue à souffrir de sa législation sur le travail de nuit dont les récents aménagements tardent encore à changer la donne.

    Afin de développer la digitalisation des entreprises en Wallonie avec un focus important sur l’e-commerce, les dispositifs suivants sont mis en œuvre au travers de la stratégie Digital Wallonia dont je viens d’annoncer la troisième version :

    1. Digital Commerce est le programme de lutte contre la fracture numérique des commerçants de proximité. Il s’agit d’un accompagnement gratuit à la digitalisation qui a permis de faire monter à bord du train du digital plus de 4000 commerçants entre 2016 et 2021. Au travers du Plan de relance wallon, Digital Commerce est prolongé jusqu’en 2024 avec une forte augmentation de budget. De plus, il est étendu à deux nouveaux publics cibles : l’Horeca et les acteurs du tourisme.

    2. Deuxièmement, pour que les efforts de visibilité web des commerçants soient payants et qu’ils puissent bénéficier pleinement des progrès réalisés en matière de numérique, il y a lieu d’adapter leur cadre de fonctionnement. Des outils mutualisés sont nécessaires afin d’adapter le tissu commercial local aux nouveaux comportements du client. C’est là que Smart Commerce intervient pour aider les communes à créer un territoire « commerce friendly » où le client peut effectuer ses achats de manière phygitale. Concrètement, un outil et une méthodologie sont en cours de développement pour permettre aux villes et communes de faire le cadastre de leurs commerces, de leurs gisements de données et de voir dans quelle mesure ces derniers peuvent être améliorés et valorisés pour créer un parcours d’achats sans friction jusqu’aux commerces de centre-ville et retour.

    3. Enfin, le nouveau chèque entreprise « Relance par le numérique » développé grâce à des fonds européens permettra aux PME wallonnes d’augmenter leur digitalisation et d’amorcer ou d’amplifier leurs activités en ligne. Ainsi, dans le but d’encourager la numérisation, l’Europe a débloqué 23 millions d'euros pour accompagner les PME wallonnes dans leur relance, et plus particulièrement, au niveau du déploiement ou de l’amélioration de leurs activités en ligne. Des chèques existent déjà pour, notamment, soutenir la création, la croissance, l’innovation, la digitalisation et la transmission d’entreprises. Cette nouvelle thématique « relance par le numérique » s’ajoute au portefeuille des 8 thématiques déjà disponibles. En pratique, mon cabinet, le SPW Économie Emploi Recherche et l’Agence du Numérique ont établi une approche complète et structurée, en 3 étapes, pour concrétiser le projet de numérisation d’une PME :
    a. Le diagnostic de maturité via le Digiscore de l’Agence du Numérique ;
    b. L’élaboration du plan d’action stratégique ;
    c. L’implémentation des solutions.

    Ces trois dispositifs participent également à résorber la fracture numérique des commerçants locaux via, d’une part, le développement nécessaire et rapide des compétences numériques des commerçants pour leur visibilité en ligne (Digital commerce) et, d’autre part, le soutien aux communes pour que celles-ci deviennent des écosystèmes porteurs pour le commerce en activant les opportunités offertes par le numérique en matière de dynamisation commerciale. Ceci sera rendu possible par la valorisation des gisements de données qui ont la faculté de lever les frictions sur le parcours client.

    La Wallonie ne ménage pas ses efforts pour appuyer le développement du commerce en ligne au sein de son tissu économique.