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L’introduction de nouveaux forfaits par des fournisseurs d’énergie pour les prosumers

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 61 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 26/09/2022
    • de BASTIN Christophe
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Récemment, des propriétaires de panneaux photovoltaïques ont eu la mauvaise surprise de découvrir l'introduction sur leur facture d'un nouveau forfait, complémentairement au tarif prosumers déjà entré en vigueur.

    Il s'agit d'un forfait introduit par le fournisseur Mega.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre et sa réaction face à cette situation ?

    Dispose-t-il d'éléments lui permettant d'affirmer que d'autres fournisseurs en Wallonie ont l'intention d'appliquer aussi de nouveaux forfaits dans les factures des prosumers ?

    Est-il en contact avec la CWaPE concernant cette situation et quelle est l'analyse du régulateur ?

    N'estime-t-il pas que les citoyens devraient être encouragés à placer des unités de production renouvelable particulièrement dans le contexte de la crise des prix de l'énergie qui frappe de plein fouet nos citoyens, nos entreprises et nos associations ?
  • Réponse du 28/11/2022
    • de HENRY Philippe
    Pour répondre correctement à la réponse de l’honorable membre, une petite explication technique s’impose quant aux activités spécifiques d’un fournisseur d’électricité, notamment le principe de « nomination ».

    L’activité de « nomination » par les fournisseurs.

    Les fournisseurs doivent acheter, pour chaque quart d’heure, une quantité d’électricité correspondant au prélèvement correspondant à l’ensemble de leur portefeuille clients en Belgique. Cette « nomination » se fait donc anticipativement à la consommation.

    Si tous les fournisseurs (via leur responsable d’équilibre) font cela convenablement, ou que les écarts des uns sont compensés par des écarts d’autres en sens inverse, on en reste là. Mais si Elia constate, durant le quart d’heure, qu’il doit intervenir pour corriger un déséquilibre entre les injections et les prélèvements au niveau de la Belgique (zone de réglage), en activant une production supplémentaire ou en sollicitant une charge supplémentaire (ce sont les mécanismes de flexibilité commerciale), il répercute le coût du déséquilibre aux responsables d’équilibre défaillants.

    Le cas des ménages avec compteurs relevés annuellement.

    Pour ces clients, on ne connait pas le prélèvement réel durant le quart d’heure. Donc on se base sur une courbe historique (mise à jour régulièrement). Il s’agit du profil SLP (synthetic load profile) qui indique pour chaque quart d’heure de l’année le pourcentage de la consommation annuelle correspondant. Il y a plusieurs courbes SLP : pour le compteur normal (S21), le compteur bihoraire (S22), pour le client professionnel (S11).

    Les fournisseurs se basent donc sur ces courbes pour déterminer le prélèvement de tous leurs clients avec relevés annuels. Bien entendu, ces courbes statistiques ne vont pas correspondre exactement à la situation rencontrée : température extérieure, événement exceptionnel comme un match de foot …

    Toute l’expertise des Fournisseurs/responsables d’équilibre consiste à estimer correctement ces écarts pour les anticiper. Ils parviennent ainsi à réduire drastiquement les frais de déséquilibre.

    Il est important de comprendre que la correction éventuelle à apporter aux courbes SLP est totalement indépendante des clients (avec relève annuelle) de chaque Fournisseur, mais dépend de la situation de tous les clients SLP en Belgique, quel que soit son Fournisseur.

    Le cas des prosumers.

    Jusqu’il y a quelques années, seules existaient les courbes SLP. Ces courbes évoluaient pour intégrer une proportion grandissante de panneaux photovoltaïques. Cela signifie que les pourcentages de consommation des quarts d’heure ensoleillés baissaient légèrement. Mais les Fournisseurs qui avaient des clients prosumers n’étaient pas affectés puisque les mêmes courbes SLP s’appliquaient à tous les Fournisseurs.

    L’augmentation du nombre de panneaux PV et leur répartition géographique non-homogène a conduit à affiner le modèle. À côté des courbes SLP qui continuent à simuler la consommation type (y compris ce qui a été produit par des panneaux PV), on a créé une SPP (synthetic production profile) qui simule la répartition par quart d’heure de la production photovoltaïque (pour 1kWcrête). Pour un client prosumer, la somme de son profil SLP et de son profil SPP (multipliés respectivement par sa consommation annuelle et la capacité PV installée) permet de déterminer ses prélèvements estimés par quart d’heure. Pour un quart d’heure donné, le prélèvement d’un client avec relève annuelle (EAV : Energy Annual Value) = (SLP x EAV) – (SPP x Pcrête).

    Le profil SPP ne correspondra pas à la réalité du jour si l’ensoleillement est supérieur ou inférieur à la moyenne historique. Mais le fournisseur a la capacité de faire les corrections nécessaires car les modèles météo permettent de prévoir précisément le climat un jouir à l’avance (j-1) et les productions associées (pour les PV et l’éolien). Tout cela doit s’examiner au niveau belge, indépendamment des situations spécifiques du Fournisseur. Cela exige évidemment un renforcement de l’expertise du Fournisseur. Certains Fournisseurs le font très bien (c’est évidemment plus facile quand on a un grand portefeuille de clients) et ne se voient pas infliger des tarifs de déséquilibre importants. D’autres font l’impasse et essaient de se séparer des clients prosumers. C’est probablement le cas de Mega.

    Impact des prosumers sur les Fournisseurs (qui font bien leur boulot en anticipant correctement).

    Un Fournisseur qui gère bien cet aspect aura peu de coûts de déséquilibre liés à ses clients prosumers.

    Mais ses clients prosumers vont néanmoins lui coûter un peu plus cher qu’un autre client ayant la même consommation, mais ne disposant pas de panneaux PV. Pourquoi ?

    Le profil de prélèvement d’un prosumer fera apparaître un pourcentage de prélèvement inférieur de jour en été et supérieur la nuit et en hiver. Avec la multiplication des installations PV, le prix du KWh est bas au moment où ces installations produisent beaucoup, et le prix d’achat moyen par le Fournisseur du KWh est donc légèrement supérieur pour un client prosumer comparé à un client sans panneaux. Cet écart moyen est faible (la situation serait moins confortable pour un fournisseur qui aurait un mauvais mix de clients (trop de prosumers par rapport aux autres clients) qui le conduirait à certains moments à avoir un prélèvement négatif sur l’ensemble de son portefeuille de clients. Dans ce cas, il devrait revendre des KWh au marché pour éviter le déséquilibre quand le soleil est généreux. On en est encore loin. Je ne connais pas précisément la situation de Méga. Peut-être s’en rapprochait-il, ce qui justifierait encore davantage son souhait de se séparer de prosumers.), car les prosumers ont un bon prélèvement de nuit, où le prix du KWh est faible aussi.

    En conclusion, que les Fournisseurs prévoient un supplément (par KW crête) pour leurs clients prosumer est compréhensible. C’est même une réaction qui permet d’éviter que les « sans panneaux » payent leur électricité un peu plus chère à cause des prosumers. Mais le surcoût peut être limité à quelque chose de très raisonnable chez les Fournisseurs qui gèrent convenablement cette contrainte supplémentaire.

    Pour Méga, le surcoût est facturé à 15 euros/KW/mois ce qui semble tout à fait disproportionné, mais à priori rien d’illégal. L’autorité de la concurrence pourrait intervenir, mais je pense qu’il est plus simple et efficace de conseiller aux clients prosumers de Méga de changer de fournisseur.