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Les récents résultats de l'Office de l'Union européenne pour la Propriété intellectuelle (EUIPO) sur la propriété intellectuelle et les PME wallonnes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 47 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En 2015, Madame Virginie Defrang-Firket exprimait ses inquiétudes quant au fait que la protection de la propriété intellectuelle ne semblait pas être la priorité des PME wallonnes.

    Un récent article de presse vient nous rappeler que ce n'est toujours pas la priorité !

    Une récente étude de l'Office de l'Union européenne pour la Propriété intellectuelle (EUIPO) a dévoilé que seulement 8 % des PME belges détiennent leur propriété intellectuelle.

    Encore une fois, une grande majorité des PME belges ne savent pas comment tirer parti de leur propriété intellectuelle alors que les détenir pleinement comporte une incidence positive sur leurs activités, notamment une meilleure sécurité juridique, une meilleure prévention de la contrefaçon, et une valeur augmentée.

    Pourtant, des solutions et mécanismes existent ! Un fonds européen pour PME existe et est entièrement fonctionnel, notamment pour déposer marques, modèles ou brevets.

    Au niveau régional, on propose depuis 2003 un éventail d'aides aux PME wallonnes en matière de brevets. Il y a aussi WSL, l'incubateur wallon des sciences de l'ingénieur, qui depuis plusieurs années développe des outils pilotes pour protéger la propriété intellectuelle des entreprises wallonnes. L'incubateur a d'ailleurs intenté plusieurs procès à ce sujet pour certaines entreprises et les a tous gagnés.

    Face aux résultats de l'EUIPO, quelle est la situation actuelle pour les PME wallonnes ?

    Comment se fait-il qu'encore aujourd'hui, on fasse face à ce genre de situation ?

    Qu'en est-il des mécanismes wallons pour soutenir nos PME dans la pleine détention et protection de leurs propriétés intellectuelles ?

    Quel est l'avis de WSL face à ces résultats ?

    Est-ce que Monsieur le Ministre est en concertation avec l'organe pour réfléchir à des pistes de réflexion pour mieux soutenir nos PME wallonnes ?
  • Réponse du 25/10/2022
    • de BORSUS Willy
    Tout d’abord je me permets de nuancer les chiffres qui sont évoqués. En effet seules les PME développant des innovations doivent être attentives à la protection de celles-ci. Or il existe également de nombreuses PME, et en particulier de nombreuses PME prestataires de services, qui n’ont pas de propriété intellectuelle à protéger. Le chiffre de 8 % doit donc se comparer à la moyenne européenne de 10 % des PME européennes qui déclarent détenir des droits de propriétés intellectuelles enregistrés.

    Notons aussi les derniers chiffres de l’OPRI (Office belge de la Propriété intellectuelle), qui font état d’un record des demandes de brevets en provenance de Belgique en 2021 et d’un fort rebond de 3,3 % des demandes de brevets déposées par les entreprises et inventeurs belges auprès de l’Office européen des brevets en 2021, essentiellement dans le secteur de la santé, plus important moteur d’innovation en Belgique, avec une hausse de 34% des demandes de brevets dans l’industrie pharmaceutique en 2021.

    Toutefois, il reste essentiel de sensibiliser, mais aussi de soutenir les entreprises et en particulier les plus petites, afin de les accompagner dans la compréhension des enjeux liés à la protection de la propriété intellectuelle (PI). Pour procéder à des enregistrements de droits de PI, l’entreprise doit connaître les marchés sur lesquels elle veut commercialiser la technologie ou le produit protégé par le brevet ou la marque. En effet, un droit de PI est avant tout un droit territorial de sorte qu’il est nécessaire d’avoir un plan d’affaires et une étude de marché relativement clairs avant de se lancer dans des enregistrements de droits de PI. De même, la PI des PME ne se limite pas aux brevets, marques et modèles, il y a également le droit d’auteur et le savoir-faire, qui ne doit pas être divulgué de sorte qu’il n’est pas toujours opportun de procéder à des enregistrements ou des dépôts, qui implique de divulguer l’innovation.

    La Wallonie a mis en place plusieurs outils afin de protéger ses jeunes pousses technologiques, tant au niveau sensibilisation qu’au niveau protection. Néanmoins, les PME technologiques doivent faire face à plusieurs dangers :
    - la copie de brevets (souvent par de grosses sociétés étrangères) pour laquelle ils n’ont en général pas les moyens de se défendre (les frais dépassent vite les centaines de milliers d’euros),
    - les attaques, par des cabinets « mercenaires » spécialisés sur leurs marques (noms de sociétés, produits). Par exemple, la société liégeoise TrackInside, attaquée par Intel sous prétexte du « Intel Inside » ;
    - les attaques frauduleuses via internet sur les noms de domaines (méthode du fishing).

    Un travail de sensibilisation des PME wallonnes, et en particulier les PME technologiques, est à fournir pour qu’elles prennent davantage en compte le cumul des instruments de PI (droits et savoir-faire) dans la stratégie de protection et plus largement dans la stratégie de l’entreprise. Depuis la réforme du paysage du soutien à l’innovation, la Sowalfin et les Centres européens d’entreprise et d’innovation (CEEI) s’engagent à soutenir les entreprises via une offre intégrée qui combine l’accompagnement économique, le support à l’innovation et les conseils en propriété intellectuelle, de façon à assurer la cohérence de leur stratégie dans ces différents domaines.

    Parmi les offres de soutien, on peut distinguer tant des solutions d’accompagnement que des solutions de financement.

    Certaines actions sont menées à l’échelle nationale ou supranationale à travers l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI) qui est l’instance officielle compétente pour l’enregistrement des marques et dessins et modèles pour le Benelux et qui propose également un service d’i-DEPOT (collecte de preuves antérieures), mais également l’Office belge de la Propriété Intellectuelle (OPRI) qui est l’instance officielle compétente pour :
    - délivrer et gérer les titres belges de propriété industrielle ;
    - informer et sensibiliser en matière de propriété intellectuelle ;
    - préparer les textes législatifs, conseiller les gouvernements ;
    - représenter la Belgique sur le plan international.

    Par ailleurs, au niveau régional, le pôle Innovation de la Sowalfin et les CEEI peuvent apporter un soutien de première ligne, visant l’identification des objectifs et méthodes en matière de propriété intellectuelle. Depuis la prise en charge de cette mission en janvier 2021, 189 demandes adressées directement à la Sowalfin ont été traitées. La Sowalfin dispose également d’un catalogue d’experts privés (fiscalistes, mandataires, juristes/avocats et certains consultants) pour permettre à l’entrepreneur d’aller un pas plus loin dans l’accompagnement.

    À ce support de première ligne viennent s’ajouter quelques cellules brevets sectoriels pour la Wallonie, qui sont des points de contact sectoriels, soutenus et coordonnés par l’OPRI, et gérés au sein de Fédérations d’entreprises ou de Centres de recherche sectoriels :
    - CENTEXBEL - textile ;
    - CSTC – construction ;
    - SIRRIS Wallonie - industrie des technologies ;
    - ESSENSCIA Wallonie - chimie et sciences de la vie.

    Les entreprises peuvent également être orientées et bénéficier de différents supports financiers. L’honorable membre mentionne le SME Fund, qui propose une aide financière gérée par le EUIPO en partenariat avec l’OPRI.

    Des soutiens financiers sont également disponibles en Wallonie, au travers d'aide brevet pour les entreprises. Les chèques PI constituent une aide financière à hauteur de 75 % portant sur des frais de recherche d’informations contenues dans les publications de brevets. L’aide Win4Expertise couvre des prestations liées à la protection/procédure par le brevet, à hauteur de 15 à 50 %, en fonction de la taille de l’entreprise, de l'ensemble des frais de procédure de dépôt et d’extension, rédaction du brevet compris.

    Enfin, nos entreprises wallonnes bénéficient aussi d’incitants fiscaux liés à la protection intellectuelle.

    Par ailleurs, le WSL, l’incubateur des sciences de l’ingénieur, joue un rôle de pilote pour le développement d’outils originaux. Co-propriétaire de brevet de sociétés incubées, WSL a été amené, à défendre le brevet d’une spin off liégeoise attaquée par le numéro un du marché, une société anglo-saxonne importante. Après 4 ans de procédure et un coût supérieur à 2M€ pour l’ensemble des parties, WSL a gagné ce procès avec des indemnités à la hauteur de l’enjeu. Comme l’honorable membre le mentionne, il ne s’agit pas d’un cas isolé, avec plus de 20 défenses (toutes gagnées) sur les noms et marques.

    Si ces outils existent, il est essentiel de poursuivre ce travail d’accompagnement et de sensibilisation des PME, et les acteurs publics wallons travaillent de concert, et avec les organes fédéraux, pour améliorer continuellement leur accompagnement et la diffusion des connaissances en matière de PI.