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La politique de développement de l’hydrogène vert en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 48 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En lien avec le travail produit par le cabinet du Ministre de l'Énergie, M. Philippe Henry, Monsieur le Ministre suit aussi le dossier concernant la politique de développement de l'hydrogène vert en Wallonie.

    Indéniablement, c'est un projet stratégique qui permettra à notre Région de se positionner comme un acteur de premier plan dans la transition énergétique et la compétition globale. Cela est d'ailleurs à considérer avec les développements légaux et régulatoires au niveau européen.

    Selon une réponse de M. Philippe Henry datant du 14 juin 2022, celui-ci précise que le ministère de Monsieur le Ministre Borsus s'occupe, via la Recherche et les Pôles, de plusieurs projets soutenus par un appel de 2021, qui a eu lieu dans le cadre de l'IPCEI.

    Monsieur le Ministre pourrait-il nous en dire plus sur l'état actuel de cet appel à projets finalisé depuis l'année dernière ? Où en sommes-nous ? Quels sont les projets qui ont été retenus ?

    Y a-t-il un agenda concret pour le suivi de ces projets ?

    Y a-t-il un endroit et des ressources où nous pourrions suivre ces projets ?
  • Réponse du 28/10/2022
    • de BORSUS Willy
    Pour répondre à la question de l’honorable membre, il me semble important d’opérer une distinction entre les projets placés sous ma tutelle et ceux placés sous la tutelle de mon collègue, le Ministre Philippe Henry.

    Deux projets distincts existent en effet. Premièrement, le projet 48 « Soutenir l’intégration sectorielle d’hydrogène vert dans les secteurs du transport ou de l’industrie au sein d’une chaîne énergétique liant la production, éventuellement le transport local et l’utilisation ciblée » est doté d’une enveloppe budgétaire de 15 Mio€ et est sous la tutelle du Ministre Henry.

    L’objectif était de lancer un appel à projets qui devra permettre la mise en œuvre de projets de démonstrations intégrés sur la base d’une demande clairement identifiée et d’une fourniture adaptée. Les consortiums étant engagés de manière solidaire afin d’assurer un optimum économique en favorisant les circuits courts d’approvisionnement et en quantifiant l’impact carbone du projet (gains directs et indirects dans les émissions de CO2).

    L’appel à projets a été lancé en juillet 2021, pour un budget global de 25 Mio€ (financés par le fonds Kyoto et le Plan de relance wallon) et a débouché sur la sélection de 4 projets :

    - WalHyco (le corridor hydrogène wallon pour le transport de fret) :

    Le projet présente une production locale d’hydrogène vert par électrolyse (5MW) au départ d’électricité fournie par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. L’hydrogène sera vendu à une station de rechargement DATS à Ollignies et pourra alimenter au moins 22 camions (1 200 kg/jour). Ces camions appartiendront à, plusieurs opérateurs de transport et de commerce en Wallonie, partenaires du projet, pour le transport de fret (boissons) : ABInbev et Spadel.

    - H2C-Mouscron (Hydrogène circulaire Mouscron) :

    Mydibel Fresh est un gros fabricant de produits de pommes de terre à Mouscron. Avec ses déchets, il produit du biométhane et a installé des unités de cogénération. Le projet consiste à utiliser l’électricité excédentaire pour faire de l’électrolyse d’eau. L’hydrogène ainsi produit serait utilisé sur place pour 4 camions dual fuel (hydrogène -diesel), 4 camions fuel cell, 3 tracteurs de Mydibel et 3 camions-poubelles de Cogetrina.

    - W2T (Wind2Truck) :

    L’objet du projet Wind2Trucks consiste en la construction, à Leuze-en-Hainaut, d’une station d’électrolyse de l’eau de 1,25 MW, de la compression et du stockage de l’hydrogène produit et de la distribution de cet hydrogène pour alimenter 10 camions fonctionnant au moyen d’une pile à combustible à hydrogène. L’électricité qui alimentera l’électrolyseur sera fournie à 61,6 % par une éolienne, à 30,6 % par un parc photovoltaïque à construire et à 7,8 % par de l’électricité fournie par le réseau.

    - ZELLIE :

    Ce projet propose la production locale de 5 MW d’hydrogène vert sur le site de Renory afin de décarboner deux barges opérant actuellement entre Liège et Anvers et pour lesquelles l’électrification directe ne semble techniquement pas possible, ainsi que d’autres usages logistiques lourds (poids lourds) : avec Virya, Eoly Energy, Novandi group, John Cockerill et Anglo Belgian Corporation (ABC).

    De plus, les Pôles de Compétitivité GreenWin et MecaTech ont lancé en juillet 2021 un appel à projets exceptionnel, financé au travers du PNRR, ayant pour objectif de fédérer les forces de plusieurs acteurs industriels majeurs représentant des secteurs de l’industrie lourde afin de pouvoir, avec l’aide des centres de recherche et laboratoires universitaires compétents, développer un ensemble du portefeuille de technologies qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2. Parmi les projets déposés, le projet « Plasmalyse hybride » supporte le développement d’un nouveau procédé de production d’hydrogène (turquoise dans un premier temps, puis verte une fois les approvisionnements en énergies renouvelables suffisants) et vise à développer un pilote préindustriel d’une capacité de production de 1000T/an d’hydrogène. Le Jury du Gouvernement s’est réuni le 27 janvier 2022 pour finaliser la sélection des projets.

    Ainsi, les appels à projets lancés en recherche et développement, mais aussi en production et en consommation ont pour objectif de lancer concrètement la filière de l’hydrogène en Wallonie.

    En ce qui concerne la procédure IPCEI, la Wallonie est impliquée dans l’IPCEI hydrogène depuis l’appel à manifestation d’intérêt émis par le fédéral en février 2020. Après une analyse des dossiers remis par les bénéficiaires potentiels, 4 projets ont reçu le soutien de l’administration afin de réaliser une procédure d’aide d’état dans le cadre de l’IPCEI auprès de la DG Concurrence de la Commission.

    L’ensemble des projets retenus dans la procédure de demande d’autorisation d’aide d’État auprès de la Commission européenne se résument comme suit :
    - 2 projets de grande envergure portés par Engie, d’intégration industrielle, comprenant la production d’hydrogène par électrolyse, la capture du CO2 dans une industrie chaufournier et la transformation des deux produits en e-combustible. Les deux projets se développeront :
    o dans la région de Charleroi (Columbus avec Carmeuse en vue de produire du e-méthane) ;
    o dans la région de Liège (Kerolhyme avec Lhoist et Fluxys en vue de produire du e-kérosène) ;
    - un projet porté par John Cockerill, il s’agit d’accueillir en Wallonie une usine d’assemblage à Seraing d’électrolyseur haute puissance (100MW+, actuellement le marché propose au maximum une puissance de 5 MW) ainsi qu’un bureau d’engineering en vue de fournir le marché européen. Ce projet est porté en collaboration avec la France qui accueillera la production des Stacks des électrolyseurs en Alsace ;
    - Breuer Technical Development, une PME de Malmedy développera aussi un centre de compétence sur l’utilisation de l’hydrogène comme combustible dans les moteurs à mobilité. Ce centre de compétence sera spécialisé en optimisation des moteurs et de leurs combustibles à base d’hydrogène.

    La procédure IPCEI consiste, d’une part, au dépôt d’une demande d’autorisation d’aide d’État auprès de la Commission européenne par projet d’entreprise, et d’autre part, à la constitution d’un leadership technologique à travers l’intégration des projets d’entreprises dans une chaîne de valeur Européenne.

    L’objectif d’un IPCEI est donc de créer une filière stratégique européenne en développant des innovations de pointe, localement, jusqu’au déploiement industriel. Les projets doivent donc montrer un impact régional ou national pour obtenir l’aide d’État de leur organe de financement, mais aussi un impact européen à travers la diffusion des connaissances et des collaborations industrielles afin d’obtenir l’autorisation de la Commission pour ce financement.

    Les entreprises participantes ont dû présenter des dossiers détaillés en termes de RDI et de déploiement industriels afin de justifier des aides d’État octroyées par la Région. Le développement technologique et industriel, ses conséquences sur le développement de l’économie wallonne, et leur nécessité dans la chaîne de valeur européenne ont été particulièrement analysées, tant par l’administration wallonne que par la DG Concurrence.

    L’administration wallonne a eu la charge d’assurer l’accompagnement et la constitution des dossiers afin de les défendre auprès de la Commission européenne.

    Cet accompagnement a donné lieu à une pré-notification du dossier Columbus le 30 août 2021 auprès de la DG Concurrence. Cette dernière a mené toutes les investigations requises pour un dossier IPCEI et envoyé plusieurs séries de questions sur le volet technologique, scientifique, économique et industriel du projet. L’administration wallonne a répondu à toutes ces demandes et finalement obtenu l’autorisation de notifier formellement le projet de John Cockerill en août 2022, en même temps que tous les autres états-membres participant à l’élaboration de la chaîne de valeur européenne. L’autorisation de mettre en œuvre les aides d’état ont été octroyée à la Wallonie par la Commission le 21 septembre 2022.

    Le projet Columbus va donc pouvoir réellement débuter dès que la convention de financement sera signée entre les entreprises bénéficiaires d’aides d’état et la Wallonie. Seules Engie et Carmeuse sont bénéficiaires dans le projet Columbus, même si John Cockerill fait partie du projet industriel. En effet John Cockerill va fournir un électrolyseur au projet qui sera produit à partir du nouveau site de Seraing financé par le biais d’un autre IPCEI (H2Tech, approuvé par la CE en juillet 2022).

    Le projet Columbus débutera donc fin 2022 pour aboutir en 2026 à une installation industrielle complète sur le site d’Amercoeur à Charleroi. Le projet de John Cockerill débutera également fin 2022 pour une industrialisation prévue en 2025.

    Les projets IPCEI ont été présentés à la Commission dans le cadre de l’IPCEI, Hy2Tech et Hy2Use, sous les conditions habituelles attachées aux projets IPCEI :
    - projets d’innovation de pointe amenant un leadership technologique et une compétitivité accrue de l’économie européenne vis-à-vis du reste du monde dans des domaines stratégiques ;
    - projets risqués et économiquement non rentables dus à une défaillance de marché que seul un financement public peut combler. Dans le cadre de l’hydrogène, il s’agit de l’absence de marché, de réseau de distribution et de données de marché. La démonstration de ces risques et de ces manques doit être prouvée à la Commission pour justifier du montant et de la nécessité de l’intervention publique ;
    - projets industriels avec une attitude des partenaires de générer des effets positifs sur l’ensemble des acteurs européens à travers des collaborations en R&D ou en développement industriels avec d’autres acteurs du marché, à travers une attitude de propagation de la propriété intellectuelle, à travers la diffusion des connaissances sur le marché commun, à travers la génération d’une activité industrielle pérenne génératrice d’emploi et de croissance.

    L’enveloppe budgétaire dédiée aux IPCEI hydrogène est issue du Plan de relance européenne – PNRR – financé par l’Europe. Elle correspond au projet 47 du plan de relance wallon. Cette fiche dotée d’une enveloppe initiale de 102 millions d’euros, puis révisée à 88 millions a pour but de financer les projets IPCEI. L’agenda du Plan de relance ne permettra qu’aux seuls projets John Cockerill et Columbus d’être financés. En effet, le Plan de relance ne peut couvrir des dépenses qu’entre 2022 et juin 2026.