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Les propos chocs de l'Administrateur délégué de l'Union wallonne des entreprises (UWE)

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 55 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/10/2022
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 22 septembre dernier, l'administrateur délégué de l'Union wallonne des entreprises, Olivier de Wasseige, exprimait sa crainte pour l'emploi. Si les critiques s'accumulaient essentiellement vis-à-vis du niveau de compétence fédéral, voulant remettre en cause le mécanisme d'indexation automatique des salaires ou réclamant une réforme fiscale tant attendue, il n'en demeure pas moins que les craintes qu'il faisait planer sur les entreprises et sur l'emploi toucheront de plein fouet la Région wallonne.

    Et Monsieur de Wasseige d'asséner des propos qui concernent en plein la Wallonie : « C'est vrai qu'il y avait un paradoxe ces derniers temps avec beaucoup d'embauches et 40 000 emplois vacants en Wallonie. Oui, certains secteurs continueront à embaucher, mais de façon moins importante. (…) En termes de croissance et de PIB, cela se payera quelque part. Quant aux emplois vacants, je rappelle que ce sont des offres d'emploi qui correspondent à des métiers en pénurie et cela risque de ne pas changer. On cherchera toujours des maçons, des bouchers ou des informaticiens que l'on ne trouve pas. ».

    Dès lors se posent ces deux questions :
    - Que peut-il être fait par la Wallonie afin d'aider au mieux nos entreprises, nos indépendants et donc in fine nos concitoyens afin d'éviter ce bain de sang social ;
    - Que faire pour permettre de trouver une solution à cette situation si paradoxale des métiers en pénurie ?

    Quelle vision personnelle développe Monsieur le Ministre pour ces thématiques ?

    Quels sont ses contacts avec vses homologues des autres entités du pays sur ces questions ?

    Une remise en cause de l'indexation automatique est-elle évoquée par certains et quels mécanismes autres pourraient-ils être mis en place afin d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, sans pour autant remettre en cause un acquis social majeur ?

    Quelles solutions entend-il apporter afin de trouver une solution à la question des métiers en pénurie ?
  • Réponse du 25/10/2022
    • de BORSUS Willy
    J’ai bien pris connaissance des propos de l’Administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises et j’ai immédiatement demandé à mes services quelle était la situation sur le front de l’emploi.

    On doit constater à l’heure actuelle que la situation est en train d’évoluer, certains indicateurs se détériorent. Ainsi, en Wallonie le taux d’emploi, calculé sur la base d’enquêtes trimestrielles, diminue sur un an - entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022 - soit de 65,4 à 65 %. Ce premier indicateur de fléchissement ne se reflète pas encore dans l’évolution de l’emploi salarié, basé sur les statistiques enregistrées par l’ONSS. Il convient de prendre avec prudence la statistique du taux d’emploi, du moins sur une période de court terme, car elle résulte d’enquêtes avec des réponses parfois subjectives des répondants.

    Un autre indicateur concerne le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés publié mensuellement par le FOREm ; ce nombre augmente en Wallonie sur un an de 201 797 demandeurs d’emploi inoccupés (DEI) en septembre 2021 à 214 646 en septembre 2022. Le nombre de DEI avec une allocation reste en légère baisse, mais l’évolution dans la catégorie des jeunes en stages d’insertion est préoccupante ; l’évolution est de 37 992 jeunes qui quittent l’école et n’ont pas de travail à 45 069 sur la même période de septembre 21 à 22.

    Cette situation renforce encore le paradoxe des postes vacants. Je suis, comme l’honorable membre et l’Administrateur délégué de l’UWE, régulièrement interpellé depuis de nombreux mois par des entreprises, quelle que soit leur taille, qui éprouvent de grandes difficultés à engager du personnel. Les emplois vacants sont passés de 37 200 au deuxième trimestre 2021 à près 42 200 à la même période cette année, soit une augmentation de près de 5 000 postes en une année. Ce chiffre est particulièrement interpellant alors que certains d’entre eux nécessitent peu de qualifications ! Cela concerne une partie des professions dans plusieurs secteurs notamment ceux de la construction et de l’HORECA, et cetera.

    Concernant plus particulièrement la question de l’indexation automatique des salaires, j’ai déjà, par le passé, rappelé mon soutien à ce mécanisme. Il s’agit cependant, l’honorable membre le sait, d’une matière qui est liée à la loi sur la préservation de la compétitivité. Dans le contexte d’hyper inflation, neuf entrepreneurs sur 10 estiment l’indexation automatique intenable et vont reporter leurs investissements et leurs recrutements en raison de l’augmentation des salaires. Je suis heureux de la décision prise par le Gouvernement fédéral, dans le cadre de ses discussions budgétaires, de ne pas faire subir aux entreprises une hausse de leurs cotisations sociales patronales à la hauteur de l'augmentation des salaires indexés sur l'inflation ; nous avons plaidé pour que cette solution simple de diminuer les cotisations patronales de 7,07 % pour les deux premiers trimestres de 2023 soit adoptée.

    Comme Ministre de l’Économie, mais aussi de l’IFAPME et des centres de compétences, je relève quatre leviers d’action potentiels à actionner face à la problématique évoquée dans sa question, en collaboration avec ma collègue, la Ministre de l’Emploi, Christie Morreale.

    1. Les primes à la formation dans les métiers en pénurie :

    Dès l’année dernière, la Ministre Morreale et moi avons actionné la possibilité de mettre en œuvre des primes à la formation de 2 000 euros afin d’inciter les demandeurs d’emploi et les apprenants de l’IFAPME à entamer une formation dans le secteur de la construction. Cette expérience pilote doit pouvoir être évaluée dans les prochains mois afin d’en estimer l’efficacité et leur impact réel sur le nombre de personnes inscrites ou maintenues en formation dans ces filières. Outre l’incitant financier que je viens de mentionner, nous encourageons l’obtention du permis de conduire via le « Passeport drive » ; cette mesure permet aux jeunes de se déplacer vers les chantiers éparpillés sur tout le territoire wallon.

    2. Les dispenses de disponibilité sur le marché du travail pour formation :

    La procédure visant à octroyer la dispense aux demandeurs d’emploi afin qu’ils puissent suivre en toute sérénité des formations, notamment les formations en alternance, est beaucoup trop complexe. Cette lourdeur administrative constitue donc un frein à la formation des demandeurs d’emploi. Une simplification de cette procédure permettrait selon moi une belle avancée pour les demandeurs d’emploi, leur permettant d’acquérir les compétences nécessaires à une insertion rapide vers l’emploi. J’encourage ma collègue en charge de l’Emploi à travailler dans ce sens.

    3. La réforme de l’accompagnement des demandeurs d’emploi du FOREm :

    Dans le cadre de la mise en œuvre du nouvel accompagnement des demandeurs d’emploi, il est essentiel d’adresser aux entreprises les demandeurs d’emploi ayant le profil le plus adapté à l’offre d’embauche proposée. Si des lacunes en termes de compétences des demandeurs d’emploi sont constatées, il faut pouvoir former ceux-ci adéquatement et sans délai.

    Je soutiens donc avec force le renforcement en cours de l’accompagnement des demandeurs d’emploi vers les filières de formation qui débouchent sur un emploi et j’encourage le FOREm à travailler en ce sens pour inverser rapidement la tendance. Chacune des parties a des devoirs et des obligations, chacun doit pouvoir les assumer pleinement pour augmenter le taux d’emploi dans le contexte que nous connaissons.

    4. La création, le développement et la transmission d’activités au travers de l’alternance :

    Je suis convaincu que la formation en alternance doit être plus que jamais valorisée comme un premier choix pour un grand nombre de jeunes alors qu’aujourd’hui, trop souvent, l’alternance est perçue comme une relégation après avoir vécu un ou plusieurs échecs dans l’enseignement. En effet, il convient de rappeler ici que le taux d’insertion des apprenants de l’IFAPME est très élevé et se maintient à un niveau de 85 %, malgré le contexte de crises sanitaires et économiques que nous connaissons. Nous travaillons à identifier les problèmes en amont, souvent liés à l’orientation et à lever les freins au développement de l’alternance.

    La création, le développement et la transmission d’activités sont à ce titre d’une importance capitale. Nos entreprises sont de plus petites tailles et leur taux de disparition est plus important qu’ailleurs dans le pays. Il y a un manque de culture entrepreneuriale en Wallonie, nous le savons. C’est pourquoi, dans le cadre du Plan de relance, nous avons souhaité développer le partenariat entre l’IFAPME et la SOWALFIN.

    L’IFAPME va sensibiliser ses apprenants, les former et prévoir un accompagnement pédagogique des candidat(e)s chef(fe)s d’entreprise, jusqu’à l’orientation vers les produits de sensibilisation, d’information et d’orientation, d’accompagnement et de financement proposés par la SOWALFIN (ou les opérateurs du réseau que celle-ci pilote).

    Renforcer les liens entre les acteurs de l’entrepreneuriat, mieux accompagner les porteurs de projets pour lever les freins au développement des PME, tels sont des enjeux majeurs pour la Wallonie. C’est d’ailleurs aussi une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité réformer les outils économiques en Wallonie à travers le décret adopté en séance plénière ce 19 octobre 2022.