/

L'adaptation de la législation aux changements climatiques

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 79 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 18/10/2022
    • de JANSSEN Nicolas
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Les épisodes climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, la sécheresse de cet été n'a pas manqué de nous le rappeler. En conséquence de ces changements, envisager certaines adaptations, notamment en termes de législation, pourrait s'avérer opportun. Cet état de fait a été évoqué à plusieurs reprises dernièrement, notamment lors des auditions sur la SIS.

    À cet égard, je souhaiterais revenir sur un épisode récent illustrant la non-adéquation croissante de la législation aux changements climatiques, avec la dérogation SIPAN qui fut accordée la veille de la date butoir. Fin août dernier, au vu des conditions météorologiques, les agriculteurs se trouvaient dans une situation ne leur permettant pas d'envisager d'avoir terminé les semis pour la date fixée par la législation, dans de bonnes conditions. Sous de telles contraintes, les agriculteurs sont devant l'obligation de faire des choix parfois anti-agronomiques ou se voir pénalisés. Ces décisions, comme nous le savons, ont un impact significatif sur leurs plans de gestion, leurs revenus, leur production et finalement sur notre assiette.

    Si je comprends que des dates aient été fixées, historiquement ou pour des raisons de contrôles, elles semblent rencontrer de moins en moins les réalités du terrain.

    Ces dates butoirs qui rythment le calendrier agricole vont-elles être adaptées ?

    Ou, a minima, des mesures transitoires seront-elles instaurées, afin de permettre une certaine flexibilité ?
  • Réponse du 16/11/2022
    • de TELLIER Céline
    Des dates sont fixées par arrêté gouvernemental, tant pour les périodes d’épandage que pour les couvertures des sols. Ces dates peuvent être sujettes à dérogation ministérielle dans une certaine mesure, encadrées par les avis autorisés des partenaires scientifiques du PGDA, mais le changement climatique va probablement avoir un impact durable sur ces dates : elles ne vont pas nécessairement être raccourcies, mais peut-être décalées dans le temps. En effet, le climat est de plus en plus favorable à une pousse de l’herbe en octobre et novembre, ce qui n’est plus le cas en janvier ou février.

    L’adaptation du Programme de gestion durable de l’azote (PGDA) au changement climatique a évidemment été abordée lors des réflexions préalables à l’élaboration de sa quatrième version. Cela concerne tant l’implantation des cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN) que les périodes d’interdiction d’épandage des fertilisants.

    Rappelons toutefois le contexte d’urgence de révision de l’actuel PGDA. La Wallonie se trouve en situation de contentieux avec la Commission européenne qui exige une modification rapide du PGDA sur trois points : la réduction du temps de stockage d’effluents au champ, l’instauration d’un registre des fertilisations et la révision des mesures relatives l’épandage de fertilisants sur sols en pente.

    Au-delà des exigences de la Commission européenne, les différentes parties prenantes wallonnes souhaitent d’autres modifications. Parmi ces dernières, certaines nécessitent une étude préalable, la mise en place d’un système d’information performant ou encore la résolution des conflits entre les souhaits des parties prenantes. Il a donc fallu peser le pour et le contre de chaque proposition tenant compte de la nécessité d’une révision rapide du PGDA pour mettre fin au contentieux avec l’Europe. Certaines mesures prises trop rapidement peuvent en effet avoir un impact contre-productif sur l’environnement ou sur d’autres domaines.

    En ce qui concerne les CIPAN et l’interdiction d’épandage, l’évolution d’un système de dates fixes vers un système de périodes variables d’une année à l’autre est facile à envisager sur le plan théorique, mais la pratique n’est pas aussi aisée. Les dernières années, il n’a pas été question de décalage dans le temps, mais au final de réduction de la période d’implantation des CIPAN, avec des conséquences importantes sur la qualité des eaux comme en témoignent les études menées par les scientifiques associés au suivi des mesures du PGDA.

    Les mesures d’azote potentiellement lessivable (APL) effectuées chaque année sont assez bien corrélées avec la qualité de l’eau, tant à l’échelle de la parcelle que du bassin versant. En 2016, en 2018 et en 2021, des dérogations ont été octroyées que ce soit pour allonger la période d’apport d’engrais de ferme en prairie ou permettre un semis plus tardif des CIPAN. Pour ces 3 années, des valeurs plus élevées d’APL ont été relevées.

    L’efficacité des CIPAN dépend clairement de la date de semis de celles-ci : plus la date de semis est précoce, meilleurs sont le développement de la CIPAN et son effet « piège à nitrate ». L’octroi d’une dérogation n’est donc pas sans conséquence.

    Des systèmes avec dates d’implantation variables sont en cours de réflexion dans plusieurs pays d’Europe, cela s’accompagne de systèmes d’enregistrement efficaces et électroniques qui ne sont pas nécessairement ceux réclamés par les agriculteurs chez nous.

    Une adaptation est déjà envisagée pour l’implantation des CIPAN. Le projet de texte, dans sa version soumise à enquête publique, prévoit, en son article R203, une dérogation ministérielle en cas de circonstances météorologiques exceptionnelles, soumise à une durée d’implantation minimale. Cette dérogation était déjà possible en zone vulnérable. Elle le serait désormais pour toute la Wallonie, sans préjudice des conditions applicables en zone vulnérable.

    L’enquête publique relative à la révision du PGDA s’est terminée fin septembre. À la lecture des avis reçus, il n’est pas impossible que des changements complémentaires interviennent dans le projet de texte, notamment sur l’adaptation des périodes d’implantation des CIPAN ou d’interdiction d’épandage de fertilisants. Cela se fera en bonne concertation avec les parties prenantes. Bien entendu, ce type de dérogation/d’adaptation est et restera soumis à l’avis d’experts et de scientifiques, afin de juger de son opportunité et de fixer ses modalités d’application.

    Le changement climatique est là et il est nécessaire d’adapter les pratiques pour en tenir compte.

    Enfin, cette année, les conditions annoncées « impossibles » par certains pour semer des CIPAN début septembre n’ont pas entravé les semis de colza à la même période. Or, colza et moutarde (CIPAN) sont des plantes très proches et semées après la récolte d’une céréale. En ce mois de novembre, le développement du colza apparaît généralement très bon, ainsi que le développement des CIPAN semées avec le même soin.