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L’évolution des législations sur l’agrivoltaïsme

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 82 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La Commission des affaires économiques du Sénat français a adopté, le 5 octobre dernier, une proposition de loi en faveur du développement de l'agrivoltaïsme.

    Cet acte législatif suit une déclaration du Président Macron qui, le 22 septembre 2022, dans son discours de Saint-Nazaire, annonçait son souhait de promouvoir l'agrivoltaïsme.

    Ce texte entend apporter pour la première fois un encadrement législatif clair à l'agrivoltaïsme afin d'encourager un développement « raisonné » de la filière en soutien à une activité agricole principale.

    Le projet de loi suscité définit les installations agrivoltaïques comme des installations solaires permettant de maintenir ou développer l'activité agricole et garantissant une production agricole significative et un revenu durable qui en est issu.

    Ces installations doivent poursuivre plusieurs objectifs :
    - l'amélioration du potentiel agronomique;
    - l'adaptation au changement climatique et la protection contre les aléas;
    - l'amélioration du bien-être animal.

    La notion d'activité agricole doit être appréciée, non seulement, au regard de l'emprise au sol, mais aussi, de la production ou du revenu. Le projet de texte prévoit que les installations d'une puissance inférieure ou égale à un mégawatt pourront bénéficier d'un tarif d'achat. Des appels d'offres pourraient également être lancés.

    Face à la circulaire édictée précédemment par Monsieur le Ministre, la nouvelle législation française ne lui apparaît-elle pas comme équilibrée et ne mérite-t-elle pas de servir d'inspiration à une initiative législative wallonne ?

    Ne permettrait-elle pas de pacifier les relations entre l'agriculture, l'urbanisme et la production d'énergie durable ?

    N'aurait-elle pas le mérite d'offrir à l'agrivoltaïsme un cadre juridique stable au lieu d'une interprétation par circulaire ?
  • Réponse du 14/11/2022
    • de BORSUS Willy
    La proposition de loi française (proposition de loi en faveur du développement raisonné de l’agrivoltaïsme. N° 8 Sénat session ordinaire de 2022-2023 20 octobre 2022) que l’honorable membre évoque complète le Code de l’énergie afin « d’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36, en conciliant cette production avec l’activité agricole, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ».

    Elle définit l’agrivoltaïsme comme suit :

    « Art. L. 314-36. – I. – Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils permettent de maintenir ou de développer durablement une production agricole.

    II. – Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif une production agricole significative et un revenu durable en étant issue :

    1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;

    2° L’adaptation au changement climatique ;

    3° La protection contre les aléas ;

    4° L’amélioration du bien-être animal.

    III. – Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II ou une atteinte limitée à deux de ces services.

    IV. – Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui présente au moins l’une des caractéristiques suivantes :

    1° Elle ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ;

    2° Elle n’est pas réversible.

    Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de la Commission de régulation de l’énergie, des organisations professionnelles agricoles et de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, détermine les modalités d’application du présent article. Il précise les services mentionnés aux 1° à 4° du II du présent article ainsi qu’une méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu. Le service mentionné au 1° du même II peut s’apprécier au regard de l’amélioration du potentiel agronomique de la parcelle agricole, des pratiques d’utilisation des sols, de l’avifaune, de l’écosystème agricole ou du bilan carbone. Le fait pour la production agricole d’être considérée comme l’activité principale mentionnée au 1° du présent IV peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol, en tenant compte de l’article 4 du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013. Ce décret prévoit les modalités de suivi et de contrôle des installations ainsi que les sanctions en cas de manquement. »

    La proposition prévoit donc une exécution par un texte règlementaire (décret en Conseil d’Etat) de façon à affiner certains des concepts mentionnés.

    Outre d’autres adaptations et propositions, le texte à l’examen modifie le Code de l’urbanisme pour renvoyer à la définition reprise ci-dessus.

    Cette proposition de loi française met en avant plusieurs des préoccupations évoquées dans la circulaire relative aux permis d’urbanisme pour le photovoltaïque que j’ai édictée le 12 janvier dernier, et s’applique à y répondre.

    Je note d’ailleurs d’importantes convergences. Ma ligne de conduite est en effet de privilégier l’installation intégrée dans le paysage et qui n’a pas d’impact sur l’occupation du sol puisque nous devons lutter contre l’artificialisation des sols et préserver l’activité agricole. En outre, toute soustraction de terres agricoles à leur fonction est de nature à accentuer la pression sur leur disponibilité.

    En ce sens, je crois que les approches se rejoignent lorsque je lis, au point III de l’article L 314-36, que « ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II et que, parmi ces services figurent l’impact agronomique ». De même je relève au point III de la même disposition que « ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ou qui n’est pas réversible ». Cela rejoint les considérations de la circulaire qui précise qu’à titre exceptionnel, il est permis d’autoriser un projet photovoltaïque s’il est adjoint à un projet agricole. Dans les deux cas, l’on perçoit que ce qui est recherché, c’est de n’accepter que des projets véritablement intégrés.

    L’avantage d’une circulaire, même si son orientation est claire, est qu’elle n’énonce pas de règle de droit, et qu’elle consiste en une certaine souplesse mesurée de son application. Les autorités compétentes pour délivrer un permis d’urbanisme relatif à l’agrivoltaïsme peuvent apprécier dans ce cadre restreint, au cas par cas la pertinence des demandes déposées, au regard des projets concrets proposés, du site d’implantation, de l’avis des services de l’agriculture et de la ligne de conduite développée, et adapter leur décision en fonction de ces éléments.

    Cela étant, cette proposition de loi n’envisage pas le développement du photovoltaïque sur des terres agricoles en dehors de l’agrivoltaïsme, et rien n’indique qu’elle sera suffisante pour concilier les intérêts et objectifs parfois incompatibles, en France comme chez nous, entre agriculture, urbanisme et production d'énergie durable.

    Ce volet est, pour sa part, abordé dans la circulaire du 12 janvier 2022 en expliquant les conditions d’application d’une éventuelle dérogation aux prescriptions du plan de secteur ou aux normes ou aux normes du guide régional d’urbanisme, pour des constructions et équipements à finalité d’intérêt général. Parmi celles-ci figurent en effet, les constructions et équipements liés à l’énergie renouvelable en raison de leur finalité d’intérêt général. Il s’agit d’installations relatives « à la production d’énergie destinée exclusivement à la collectivité c’est-à-dire d’énergie rejetée dans le réseau électrique ou dans le réseau de gaz naturel sans consommation privée ou desservant un réseau de chauffage urbain et qui concernent l’installation, le raccordement, la modification, la construction ou l’agrandissement » (article D.IV.11 du CoDT).