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L’étude effectuée par l'Agence suédoise "Vinnova" portant sur la mobilité d’un point de vue de l’égalité des sexes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 146 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La mobilité est un thème qui peut parfois s'avérer complexe, mais tout autant libérateur pour la lutte pour le climat et la baisse des émissions. Il est nécessaire aussi de réfléchir « outside the box ».

    À cet égard, l'agence suédoise, Vinnova, a publié un rapport intéressant. Celui-ci met en lumière le transport du point de vue de l'égalité des sexes, avec l'objectif d'ouvrir de nouvelles perspectives sur l'innovation. Les éléments présentés dans ce rapport démontrent que l'égalité des sexes est un aspect pertinent pour un système de transport plus durable.

    Le rapport constate que les différences entre la façon dont les femmes et les hommes voyagent sont à la fois bien documentées et étendues. Les femmes et les hommes effectuent à peu près le même nombre de déplacements par personne et par jour, mais les hommes voyagent beaucoup plus longtemps, principalement en voiture et en avion. L'on indique que le système de transport actuel est caractérisé par des normes masculines, où les hommes sont généralement moins motivés que les femmes pour modifier leurs habitudes de déplacement en faveur d'un comportement plus respectueux de l'environnement. Les femmes ont également tendance à soutenir davantage les efforts déployés par le système de transport pour lutter contre le changement climatique.

    En conclusion, on suggère que si les hommes se déplaçaient comme les femmes, les émissions nationales suédoises dues au transport de passagers diminueraient de près de 20 %.

    Une perspective de genre est-elle nécessaire dans notre système de transport ?

    Que signifierait une perspective d'égalité des sexes dans notre système de transport ?

    Serait-il pertinent que la Wallonie opte pour une approche de la sorte ?

    Qu'en est-il de notre Région en termes de mobilité d'un point de vue de l'égalité des sexes ?

    Y a-t-il des études à ce sujet vis-à-vis de la Wallonie ?

    Est-ce que cette approche est prise en compte en amont, en concertation avec la Ministre Morreale ?
  • Réponse du 05/12/2022
    • de HENRY Philippe
    Avant de répondre directement à la nécessaire prise en compte du genre en matière de transport, il est utile de rappeler que le Gouvernement wallon a adopté, sur la base du décret du 11 avril 2014 et du décret du 3 mars 2016 relatif au « gender mainstreaming », le Plan Genre 2020-2024.

    Cela signifie qu’à travers la mise en œuvre de ce plan, le Gouvernement s’engage à lutter contre toutes les formes de discrimination, mais plus encore à intégrer l’égalité entre les sexes dans toutes les politiques régionales, en privilégiant une approche transversale.

    La présence toujours persistante d’inégalités entre les femmes et les hommes dans une série de domaines a des conséquences négatives sur l’accès des femmes à l’emploi, sur leur participation citoyenne ou encore sur leur mobilité. Partant de ces constats largement documentés par une série de travaux de recherche et par un ensemble de statistiques mises en évidence notamment dans les publications de l’IWEPS, la Wallonie s'est engagée à mettre en œuvre 44 mesures dans ce plan "Genre" d'ici la fin de la législature.

    Dans le cadre de mes compétences, je me suis engagé à mettre en œuvre une série de mesures intégrant explicitement le genre. Pour rappel, voici les principales mesures du Plan genre concernant la mobilité :
    - mesure 12 : renforcer la sécurité des RAVeL de manière à garantir leur utilisation égalitaire ;
    -mesure 13 : promouvoir la dimension du genre dans le cadre des actions menées en matière de développement urbain et d’aménagement de l’espace public ;
    - mesure 14 : renforcer l’équilibre hommes-femmes dans la composition des commissions consultatives de l’aménagement du territoire et de la mobilité ;
    - mesure 15 : promouvoir la féminisation des noms de rue dans les pouvoirs locaux ;
    - mesure 16 : intégrer une politique genrée dans le recrutement des conducteurs et conductrices ;
    -mesure 17 : lutter contre les violences dans l’espace public (et notamment dans les transports en commun).

    Ces mesures touchent non seulement à la mobilité, mais également :
    - à l’emploi dans le domaine de la mobilité (comme par exemple la mesure qui vise à intégrer une politique genrée dans le recrutement des conducteurs et conductrices) ;
    - à la sécurité dans l’accès à l’espace public (à travers la mesure qui vise à lutter contre les violences dans l’espace public et notamment dans les transports en commun). En effet, la prise en compte de la mobilité différenciée des femmes et des hommes doit passer également par la sensibilisation des administrations régionales au harcèlement sexuel et sexiste dans l’espace public.

    Intégrer une perspective de genre, c’est prendre conscience qu’il existe une série d’enjeux de genre en matière de mobilité, en raison d’abord des inégalités matérielles qui existent entre les femmes et les hommes, mais également des rôles différents assignés aux femmes et aux hommes dans nos sociétés. Ces rôles différents assignés aux deux sexes ont un impact sur la mobilité des femmes et des hommes, comme cela a été rappelé dans une publication récente réalisée par l’IWEPS et consacrée à la mobilité quotidienne des femmes en Wallonie.

    Il est important, à ce titre, de rappeler que la collecte de données statistiques ventilées selon le sexe est un prérequis et un outil d’analyse indispensable à la mise en œuvre de politiques publiques plus inclusives.

    Dans le domaine des transports et de la mobilité, les travaux de recherche réalisés selon une perspective de genre montrent que les inégalités matérielles présentes entre femmes et hommes engendrent :
    - un accès moindre des femmes aux ressources territoriales ;
    - une vulnérabilité plus grande face aux risques physiques dans leur déplacement (harcèlement sexuel, accidents de la route) ;
    - et aussi une moindre participation des femmes aux décisions qui les concernent directement ou indirectement.

    La perspective de genre articulée à la mobilité est donc nécessaire pour identifier les différences de pratiques de mobilité entre les femmes et les hommes et relever les inégalités que ces différences reflètent.

    À titre d’exemple, comme le révèle l’IWEPS, l’accès des femmes à la voiture est au cœur des disparités entre les sexes et apparaît comme un cas exemplaire de l’articulation entre inégalités matérielles et rôles différenciés.

    Force est de constater, en effet, que dans les ménages disposant d’un seul véhicule, l’usage de la voiture reste souvent réservé aux hommes. Notons également qu’en 2017, en Wallonie, le mode automobile en tant que passager·ère est davantage utilisé par les femmes (38 %) ; cette réalité étant nettement moins marquée chez les hommes (15 %). Les types d’activités pour lesquelles l’utilisation de la voiture est privilégiée présentent aussi un aspect genré. Ainsi, comme l’ont montré les travaux de Yoann Demoli et Marie Gilow (2019), les hommes utilisent plus la voiture pour des trajets liés à la sphère professionnelle (aller au travail…), alors que les trajets liés au travail domestique (conduire les enfants à l’école ou aux activités extrascolaires, faire des courses…) sont dévolus aux femmes.

    Par ailleurs, en raison des inégalités de revenus toujours persistantes entre les femmes et les hommes, mais également en raison d’emplois plus souvent précaires et/ou flexibles exercés davantage par les femmes, les inégalités matérielles vont avoir une incidence sur la mobilité des femmes. Le choix de la voiture comme mode privilégié de déplacement devient alors, pour un certain nombre de femmes, une contrainte, faute de mieux, qui n’est pas sans avoir des conséquences lourdes sur la situation financière d’un certain nombre de ménages en Wallonie.

    Par ailleurs, dans une société où la réduction de l’empreinte carbone constitue un des objectifs prioritaires en vue de modifier certains comportements et réduire notre impact sur l’environnement, il est nécessaire de proposer de véritables alternatives à la voiture, en particulier aux femmes ayant de faibles revenus, aux familles monoparentales à chef féminin (dont le taux de risque de pauvreté se situe, en 2021, entre 28,3 % et 43 % selon les données EU-Statistics on Income and Living Conditions), mais également aux ménages qui résident dans des zones rurales.

    Cela implique alors de tenir compte des mobilités différenciées des femmes et des hommes en fonction des territoires, des contraintes quotidiennes et spécifiques qui continuent de peser sur les femmes et de leurs besoins spécifiques en matière de mobilité.

    Il est dès lors pertinent, mais surtout nécessaire que la Wallonie intègre une dimension de genre dans la mise en œuvre des politiques de transport et de mobilité si elle veut rendre les territoires plus inclusifs et les déplacements accessibles au plus grand nombre, mais également si elle veut favoriser des formes de mobilité plus respectueuses de l’environnement.

    La prise en compte du genre doit être une priorité pour tous les ministres et toutes les ministres qui se sont par ailleurs engagés à formuler des objectifs qui intègrent cette approche genrée dans le cadre de leurs politiques.

    En ce qui concerne la mobilité, les études sur le sujet montrent que la prise en compte du genre pour mieux comprendre les formes de mobilité des femmes a des effets/des incidences sur l’accès à l’emploi, mais également sur les déplacements liés aux activités familiales et domestiques, sur les activités citoyennes des femmes ou encore sur les possibilités de choix en matière de logement.

    Nous voyons à quel point une approche transversale est nécessaire pour envisager la mobilité sous l’angle du genre. Elle requiert de penser conjointement les politiques en faveur d’une égalité en emploi avec les politiques en matière de mobilité et de transport, mais également avec les politiques liées à l’aménagement du territoire, de l’espace public et au climat et à la préservation de l’environnement.

    En matière d’études, j’invite l’honorable membre à consulter les études suivantes qui ont par ailleurs construit ma réponse :
    - Cardelli, R. (2021) « L’usage de la voiture et la mobilité quotidienne des femmes : entre liberté, nécessité et contraintes », Décryptage, IWEPS, n°6. https://www.iweps.be/publication/lusage-de-la-voiture-et-la-mobilite-quotidienne-des-femmes-entre-liberte-necessite-et-contraintes/
    - Cardelli, R. (2020) « Les déplacements des femmes dans l’espace public. Ressources et stratégies » in Dynamiques régionales. Espace public et inégalités de genre, IWEPS, n°12. https://www.iweps.be/publication/espace-public-et-inegalites-de-genre
    - Coutras, J. (1997) « La mobilité́ quo- tidienne et les inégalités de sexe à travers le prisme des statistiques », Recherches féminines, Vol. 10, n° 2, p. 77- 90. DOI : 10.7202/057936ar
    - Lieber, M., Cardelli, R., Dayer, C. et Debonneville, J. (2020) « Genève, une ville égalitaire ? Les pratiques des femmes dans les espaces publics », Rapport de recherche pour l’Agenda 21, Ville de Genève.
    - Masuy A. (2020) « Principaux résultats de l’enquête sur la mobilité des Wallons. MOBWAL 2017 » in Regards statistiques, Publication IWEPS, n°5. https://www.iweps.be/publication/principaux-resultats-de-lenquete-sur-la-mobilite-des-wallons-mobwal-2017
    - O’Dorchai S. (2017) « Égalité entre les femmes et les hommes en Wallonie. Photographie statistique.
    - Le genre et l’emploi du temps en Wallonie ». Cahier n°2. https://www.iweps.be/wp-content/uploads/2017/10/HF2017-Cahier2_DEF.pdf