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La politique wallonne de lutte contre les assuétudes

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 77 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 20/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Les addictions représentent un phénomène complexe que les crises sanitaires et économiques ne font qu'amplifier. Récemment, un débat s'est tenu à Bruxelles via le forum "Addictions & Société" pour avancer des pistes de solution.

    Martin de Duve, Directeur de l'ASBL Univers Santé (UCLouvain), observe « qu'en Belgique, il y a un déséquilibre par rapport à ce qui est consacré au financement des politiques de prévention et la réduction des risques ».

    En Wallonie, un Plan prévention et promotion santé ambitionnait d'étendre son dispositif jusqu'à l'horizon 2030, avec la finalité d'améliorer l'état de santé, le bien-être et la qualité de vie de la population wallonne.

    À cet égard, le rapport d'activités 2021 de la Fédito wallonne pointe pertinemment un sous-financement structurel des services spécialisés agréés, compliquant la réalisation de leurs missions à l'égard d'un public-cible qui nécessite des équipes pluridisciplinaires et formées. Le secteur est confronté aux nouveaux besoins des bénéficiaires dont le nombre ne cesse d'augmenter, mais les moyens alloués et le mode de financement freinent les opérateurs spécialisés qui pourtant n'ont jamais failli à leurs missions même en pleine crise sanitaire liée au Covid.

    Les pratiques innovantes, l'intersectorialité et les réponses aux nouveaux besoins ne pourront se maintenir et se développer qu'avec un financement qui nécessite une révision du décret dont les travaux sont annoncés en 2022-2023.

    Quelle est la réelle progression du Plan prévention et promotion santé pour l'horizon 2030 ?

    Est-ce tenable sans un juste financement des opérateurs spécialisés qui doit tenir compte des multiples indexations salariales, des anciennetés des travailleurs, des frais de fonctionnement et des coûts énergétiques qui explosent ?

    Quels sont les progrès enregistrés à cet égard ?

    Est-ce que Madame la Ministre a pris connaissance des perspectives et des besoins présentés par la Fédito wallonne dans son dernier rapport d'activités de 2021 ?
  • Réponse du 21/11/2022
    • de MORREALE Christie
    La programmation du Plan de promotion de la santé en ce compris la prévention a été élaborée par une « task force » puis soumise à la concertation du secteur au printemps et à l’été 2022. Elle a été adoptée par le Gouvernement wallon le 1er septembre 2022. Cette programmation inscrit les problématiques de santé et les objectifs à atteindre pour les 5 ans à venir (2023-2027), dans le cadre plus global du Plan WAPPS 2018 -2030.

    La Programmation est déclinée en 5 axes dont l’axe 2.1 est dédié à la prévention des usages addictifs et à la réduction des risques. Comme l’honorable membre le souligne, les comportements liés à l’usage de substances psychoactives et, plus généralement, les conduites addictives, sont particulièrement élevés dans les sociétés occidentales.

    En Belgique, l’enquête de Santé (Gisle et al., 2018) révèle que la consommation d’alcool tend à diminuer dans la population : 77 % consomment des boissons alcoolisées (contre 80 % en 2013), dont 10 % de manière quotidienne (13 % en 2013) et 6 % de manière excessive (6,4 % en 2013). Toutefois, les modes de consommation les plus préjudiciables comme l’hyper-alcoolisation et le binge drinking (qui touchent particulièrement les jeunes et les hommes), n’ont quant à eux pas diminué. En ce qui concerne les consommations de drogues, la tendance se situe à la hausse pour la consommation de cannabis (22,6 % en 2018 contre 15 % en 2013), de cocaïne (1,5 % en 2018 contre 0,5 % en 2013) et d’ecstasy (1,2 % en 2018 contre 0,3 % 2013) (Gisle & Drieskens, 2018). Vu l’importance de ces problématiques, il comprendra que nous avons tenu, en concertation avec le secteur, à en faire une des priorités de la Programmation.

    Comme il le souligne également, le secteur, pour pouvoir travailler dans les meilleures conditions, a besoin d’un cadre stable. Celui-ci a été instauré par le décret du 2 mai 2019 dont l’arrêté d’exécution n’avait pu être adopté sous la précédente législature, faute de temps.

    En outre, à l’époque, outre le fait que l’avis du Conseil d’État n’avait pas été suivi lors de l’adoption du décret, aucun moyen supplémentaire n’avait été dégagé.

    Comme chacun sait, le début de cette législature a été marqué par la crise du Covid, ce qui a retardé certains travaux.

    En effet, le décret du 2 mai 2019 a été modifié en dernier lieu le 3 février 2022 et son arrêté d’exécution adopté par le Gouvernement le 20 septembre 2022.

    En possession de la Programmation et du cadre juridique, il a été possible de lancer dès début octobre les appels à agréments pour les acteurs en promotion de la santé. Cet appel à agrément se clôture le 6 novembre afin d’être analysé par l’administration, notamment pour tous les opérateurs dans le domaine des assuétudes qui en ont fait la demande. Les agréments des opérateurs prendront cours au 1er janvier 2023 pour une durée de 5 ans.

    Le décret et son AGW précisent les modalités de subventionnement du secteur ; par ailleurs, le Plan de relance wallon a réservé des montants conséquents pour le secteur et la Promotion de la santé.

    En effet, dans le cadre régional, le financement des acteurs de la promotion de la santé a bénéficié d’une progression sans égal. Cette évolution positive a commencé par un rattrapage des indexations successives dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie, dès le début de cette année 2022, ce qui les a mis à niveau des autres secteurs dépendant de la Wallonie, avant d’inclure l’indexation automatique des salaires dans la réglementation, cette indexation s’appliquant à la fois aux salaires et aux frais de fonctionnement. La progression barémique est systématiquement appliquée dans les travaux d’élaboration du budget annuel pour l’ensemble de nos compétences.

    En ce qui concerne l’impact de la crise énergétique, elle est bien prise en compte dès lors que le Gouvernement wallon vient d’adopter le principe du financement d’une prime pour les services agréés.

    Outre le montant des dépenses initiales pour le secteur estimé en 2022 à 16 192 664,19 euros, la mise en œuvre de la modification du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé telle que prévue dans la note adoptée le 1er septembre 2022 par le Gouvernement, engendre un coût additionnel estimé de 2 349 177,30 euros.

    Il se compose :

    1° du coût estimé généré par le passage d’un subventionnement facultatif vers un subventionnement réglementé pour les acteurs de la promotion de la santé. Le calcul se base sur le barème en cours pour la commission paritaire 332, commissions paritaires concernées en fonction de l’ancienneté et de la fonction du personnel en place ou à recruter.

    2° de l’octroi aux opérateurs des moyens dont ils bénéficient sur la base des accords du non-marchand 2018-2020 soit un montant global de 41 773,21 euros.

    Le montant de 2 349 177,30 euros est prévu dans le Plan de relance de la Wallonie (IV.3.2 Construction et mise en œuvre d’une programmation en Promotion santé et Prévention pour rencontrer les objectifs de santé poursuivis par le WAPPS).

    L’octroi de moyens via le Plan wallon de relance pour un montant total de 30 millions, pour le subventionnement des acteurs ne préjuge en rien de l’octroi d’un quelconque préciput budgétaire postérieurement à 2024.

    J’aurai l’occasion de revenir vers le Parlement lorsque les demandes d’agrément en cours d’introduction auront été clôturées afin de fournir une évaluation budgétaire plus précise, mais il est certain que, pour la première fois depuis très longtemps, la promotion de la santé est devenue une priorité qui doit permettre d’améliorer la santé des Wallons.

    Ainsi, l’année 2022 a-t-elle permis de mettre en place l’ensemble des dispositifs et des moyens pour garantir auprès de la population wallonne une approche de Promotion de la santé particulièrement ambitieuse et concertée.

    Enfin, le rapport d’activités 2021 de la FEDITO (https://www.feditowallonne.be/documents/Rapport_d--activites_2021-14072022-28837.pdf) met en évidence la réalisation de différentes actions, dans une dynamique importante compte tenu de l’ampleur des travaux réalisés.

    J’en retiens notamment :
    - le recueil des pratiques en matière de réduction des risques en vue d’accompagnement des autorités, ce qui sera très certainement utile au Comité de pilotage du Plan de promotion de la Santé pour faire évoluer la situation et mieux répondre aux besoins des bénéficiaires ;
    - à la demande de mon Cabinet, la FEDITO a élaboré une note sur le financement des Plans stratégiques de Sécurité et de Prévention (PSPP) établis dans le cadre fédéral, insistant sur la nécessité de maintenir une offre assuétudes spécialisée et l’offre spécifique des MASS. D’emblée, je peux assurer que les MASS qui relèvent de la Région wallonne depuis la 6e réforme de l’État sont bien maintenues. De manière plus générale, mon Cabinet tiendra compte de la note de la FEDITO dans le cadre des concertations institutionnelles ;
    - la collaboration avec l’AViQ au travers notamment de l’alimentation des réponses aux questions parlementaires constitue également un point d’intérêt dans le sens où il importe que l’administration soit toujours à l’écoute des acteurs de terrain et de leurs réalités, pour soutenir au mieux la réponse aux besoins des bénéficiaires ;
    - enfin, parmi les préoccupations de la FEDITO, il y a aussi l’évolution des missions des services, le financement des services et des missions ou encore la participation à l’élaboration d’une stratégie wallonne en matière d’assuétudes. Dans le cadre de la réforme liée aux soins en santé mentale, il est prévu d’élaborer un plan stratégique des soins en santé mentale, en y incluant les assuétudes à l’instar des assuétudes qui sont reprises dans l’axe 2 du Plan de promotion de la santé, en même temps que la santé mentale : ce sera l’occasion d’une part de veiller à sortir des silos pour envisager la réponse aux besoins de la personne sous une forme coordonnée, intégrée et globale, mais aussi d’élaborer une stratégie en matière d’assuétudes, sans attendre une révision du CWASS.

    Par ailleurs, l’AViQ travaille actuellement aux indicateurs d’activité du secteur qui sont en attente de définition depuis plusieurs années : j’attends leur proposition afin d’en étudier l’impact sur le secteur et en particulier sur son financement.

    Ce rapport est donc une source d’informations, mais aussi d’orientation pour une amélioration du cadre en vue de soutenir les acteurs qui interviennent auprès des bénéficiaires.