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La faculté du réseau électrique à supporter l’augmentation de capacité photovoltaïque

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 203 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/10/2022
    • de SOBRY Rachel
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Monsieur le Ministre a récemment annoncé vouloir augmenter la capacité photovoltaïque des Wallons. Celle-ci serait doublée puisqu'on passerait d'une capacité de 10 à 20 kilowatts. Son cabinet justifie cette augmentation par la nécessité d'un usage accru de l'électricité notamment en raison des voitures électriques toujours plus nombreuses, mais aussi des pompes à chaleur qui sont désormais largement choisies comme source calorifique.

    Ceci étant, plusieurs spécialistes craignent le pire en raison de l'état du réseau électrique. En effet, s'il a fait l'objet de nombreux travaux de modernisation ces dernières années, le réseau est déjà en incapacité d'absorber l'énergie produite par le photovoltaïque en de nombreux endroits. De manière concrète : la surtension dans certaines rues, quartiers ou même villages entraîne la mise en sécurité des onduleurs.

    Aujourd'hui, les gestionnaires de réseau de distribution sont contraints d'investir largement, sans quoi ils ne pourront proposer un réseau fiable, stable et capable de répondre à ces défis. À défaut, de l'énergie produite de manière écologique sera tout simplement perdue.

    Sur base de ces informations, j'ai donc plusieurs questions à adresser à Monsieur le Ministre.

    Quelles mesures prend-il pour que le réseau électrique soit en mesure de supporter l'augmentation de capacité photovoltaïque qu'il a récemment annoncée ?

    Les travaux de modernisation du réseau vont-ils s'accélérer ?

    Alors que la CWaPE prévoit, en raison de la conjoncture actuelle, un plan d'austérité au niveau des réseaux de distribution, quels sont ses plans à moyen et long terme ?
  • Réponse du 29/12/2022
    • de HENRY Philippe
    Lors de la construction des réseaux, ceux-ci ont été dimensionnés selon une logique, d’une part, de productions centralisées de grande capacité et, d’autre part, de besoins de consommateurs finaux nécessitant une puissance de raccordement limitée. Le développement des technologies, la multiplication des appareils électroménagers, l’introduction des pompes à chaleur, des voitures électriques, et cetera. font que cette puissance n’est maintenant plus suffisante. De l’autre côté, la multiplication des installations de production décentralisées crée des injections de flux qui, à certains moments, peuvent être supérieurs à ce que peuvent absorber les réseaux.

    Comme elle le voit, une augmentation du seuil de puissance pour la compensation n’est pas à elle seule la cause de la nécessaire évolution des réseaux. Il s’agit d’un mouvement de fond qui résulte tant de l’évolution de la société que du changement de paradigme lié à la production énergétique. L’augmentation du seuil de puissance constitue un des éléments que le GRD doit prendre en compte lors de l’actualisation annuelle de son plan d’adaptation.

    La plus simple des solutions est de synchroniser la consommation avec la production. Pour inciter les usagers du réseau à aller dans cette voie, le décret « tarifaire » a été modifié pour qu’à l’avenir les tarifs incitent les consommateurs à consommer de préférence quand l’électricité est abondante et bon marché. Pour faciliter ce comportement, une prime à la mise en place de solutions domotique est octroyée. Malheureusement la CWaPE a dû reporter la nouvelle période tarifaire d’un an, ce qui fait que ces nouveaux tarifs incitatifs n’interviendront qu’en 2025.

    Par ailleurs, les GRD utilisent actuellement différentes solutions qui permettent de pallier à court terme d’éventuels problèmes : équilibrage des phases, adaptation de la tension de sortie des postes de transformation ou encore basculement des utilisateurs de réseau entre les cabines.

    Mais des solutions plus structurelles sont nécessaires et il ne s’agit pas uniquement d’une question wallonne.

    Au niveau européen, une étude de Deloitte-E.DSO-Eurelectric évalue les investissements nécessaires à entre 375 et 425 milliards d’euros entre 2020 et 2030, soit un effort annuel supérieur de 50-70 % à l’historique. Les investissements dans les réseaux sont cependant moins importants que dans le secteur énergétique dans son ensemble (+100 %) grâce aux mesures de flexibilité.

    Au Luxembourg, Creos prévoit un renforcement de 70 % de son réseau basse tension d’ici 2030 et un doublement de capacité d’ici 2040. Le renforcement de capacité du réseau moyenne tension est lui d’environ 45 % dans la prochaine décennie et de 65 % d’ici 2040.

    En Flandre, Fluvius prévoit 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires sur 10 ans : 50 % d’énergie électrique distribuée en plus dans les 10 ans, 27 000 transformateurs à remplacer sur 65 000. À l’horizon 2050, c’est un montant de 6 milliards d’euros d’investissements.

    En Wallonie, RESA a défini un plan de transition énergétique qui vise à doubler la capacité d’accueil (cabines, postes aériens, nouveaux câbles, et cetera). Cela équivaut à un doublement des investissements actuellement réalisés soit 820 millions d’euros indexés d’ici 2050. Ores est dans la même logique avec un budget estimé à 1 milliard d’euros sur la même période.

    Afin de soutenir les GRD dans la nécessaire mutation des réseaux, le projet smartisation a été inscrit dans le plan de relance. Ce projet vise à octroyer des moyens aux GRD afin d’accélérer les investissements dans la numérisation, la connaissance et la gestion intelligente des réseaux.

    Je ne considère pas que la CWaPE mène une politique d’austérité vis-à-vis des GRD. Elle détermine un revenu autorisé pour chaque GRD en vue de permettre l’amortissement de l’ensemble des investissements nécessaires à la transition énergétique. Mais elle essaye effectivement que cela se fasse au meilleur prix et tient donc compte d’une meilleure flexibilité des usages électriques et d’une gestion intelligente des réseaux pour limiter les renforcements du réseau à ce qui est nécessaire. Le fait que certains GRD génèrent des bonis lors de la période tarifaire actuelle semble montrer que la CWaPE n’a pas mené une politique exagérément austère jusqu’à présent.