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Les sites industriels les plus émetteurs de dioxyde de carbone (CO2) et les défis de la décarbonation et de la décarbonation et de la compétitivité

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 276 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 21/11/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Le 8 novembre dernier, le Président français Macron réunissait les 50 sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France pour les inviter à réduire par deux en dix ans leurs émissions ! L'on peut citer notamment ArcelorMittal, Yara, et ExxonMobil.

    Précisons que les entreprises du secteur de l'énergie n'y ont pas été conviées !

    Le Gouvernement français tendait également la carotte, en s'engageant à financer partiellement les efforts des industriels vis-à-vis de la décarbonation.

    En contrepartie, les entreprises concernées seront invitées à maintenir leur activité en France.

    En France, l'industrie (hors transports et hors production d'énergie) représente « à peu près 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre » selon l'Élysée, qui a inscrit la décarbonation de l'industrie dans les objectifs de la planification écologique du second quinquennat d'Emmanuel Macron.

    Cela supposerait des investissements massifs susceptibles de renchérir les coûts de production et de fragiliser la compétitivité des entreprises concernées face à des concurrents internationaux moins pressés de se décarboner. Selon Vincent Charlet, économiste à la Fabrique de l'Industrie, « la clé sera le montant de l'aide publique qui sera consentie » pour aider les industriels.

    Que pense Monsieur le Ministre de l'initiative française et quelle lecture en fait-il ?

    Qu'en est-il du dilemme entre la décarbonation et la potentielle fragilisation de notre compétitivité ?

    Quelle différence fait-il entre les accords de branche et l'exemple français ?

    La Wallonie s'inscrit-elle dans un système de cofinancement de la politique de réduction des émissions de CO2 ?

    Dispose-t-il de la liste des 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 sur le sol wallon ? Quels sont-ils ?

    Peut-il les localiser et détailler leurs émissions ?

    Le cas échéant et si cette liste n'existait pas ne serait-il pas utile de la composer ?
  • Réponse du 23/12/2022 | Annexe [PDF]
    • de HENRY Philippe
    Le Président Emmanuel Macron a récemment pris l’initiative de convier les 50 entreprises françaises les plus émettrices et d’écouter leurs besoins pour pouvoir se décarboner. Cette initiative vise à proposer des aides en contrepartie de la promesse de ces entreprises de rester en activité sur le territoire français. L’objectif du Président français est une réduction rapide des émissions de ces entreprises pour montrer l’impact de son deuxième quinquennat. Cette initiative ayant lieu juste après la COP27, elle montre l’engagement du Président français pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Cependant par rapport à ces objectifs annoncés de décarbonation rapide, il est important de remettre les éléments dans leur contexte. Il faut en effet rappeler que les industries françaises les plus émettrices sont reprises dans le système ETS européen. Il en est de même en Wallonie. En effet, sur les 50 entreprises les plus émettrices en Wallonie (voir liste fournie en fin de ce document), 46 sont reprises dans l’ETS. Les 4 entreprises non reprises dans l’ETS sont les 4 incinérateurs wallons qui sont exclues de ce système. Les objectifs de réduction des secteurs ETS sont gérés au niveau européen par le nombre de quotas limités, dont le nombre réduit chaque année. La Région wallonne n’est donc pas responsable de l’atteinte des objectifs des entreprises soumises à l’ETS. C’est le prix du carbone qui doit en première ligne conduire à des investissements de leur part pour diminuer leurs émissions. Il faut ajouter à cela que dans la crise énergétique que nous traversons aujourd’hui, les prix de l’énergie sont actuellement l’incitant majeur qui oblige les entreprises à être très économes.

    Suivre l’évolution de cette initiative française peut toutefois s’avérer intéressant dans un but de recherche de solutions pour le futur.

    L’écoute des besoins de l’industrie telle que promue dans l’initiative française pourrait aussi déboucher sur des accords fixant la mise en place de nouvelles mesures (infrastructures, cadre légal) autres que des aides financières classiques.

    Concernant les entreprises soumises à l’ETS, il n’y a pas de dilemme entre décarbonation et compétitivité. En effet, la concurrence intraeuropéenne est une concurrence saine, car les mêmes règles s’appliquent dans les différents Etats-Membres. Concernant la concurrence avec les entreprises ETS avec le reste du monde, celle-ci semble se jouer sur la différence de cout de la main-d’œuvre ou de matières premières et non sur la différence de prix du carbone. Les risques de délocalisation de certaines entreprises ETS sont d’ailleurs évités par le mécanisme d’allocation de quotas gratuits pour les produits à risque de « Carbon Leakage ». Ces risques pourront toujours continuer d’être évités dans le futur grâce à la proposition de Carbon Border Adjustement Mechanism, un mécanisme de prix carbone sur les produits importés proposé par la Commission européenne.

    Dans ce cadre, la compétitivité des entreprises en Wallonie n’est pas attaquée quand ses entreprises diminuent leurs émissions, cela peut même être le contraire. Pour booster la compétitivité des entreprises wallonnes de manière structurelle tout en réduisant leurs émissions, la Wallonie doit penser à l’amélioration des infrastructures qui les soutiennent et fixer un cadre légal clair. Améliorer les infrastructures (ex : accélérer la production d’énergies décarbonées, développer un réseau électrique compatible avec les énergies renouvelables, développer les infrastructures pour la capture du carbone et son transport, développer les infrastructures pour plus de fret sur réseau ferroviaire, aménager le réseau fluvial, et cetera) pourrait être un facteur qui maintiendrait et attirerait des entreprises en leur assurant un cadre physique dans lequel l’ensemble de leurs émissions directes et indirectes pourraient être réduites. La vision de long terme et un cadre légal clair ne pourront que renforcer la compétitivité des entreprises wallonnes. Ces conditions leur permettent d’investir à la fois à court terme, mais aussi à plus long terme, ce qui fait la clé de leur succès.

    Quand certaines entreprises prennent le lead de certaines innovations pour se décarboner il semble important de les soutenir. Les entreprises qui sont en avance dans la décarbonation ont l’avantage de conquérir des marchés avant les autres pour le futur. Les innovations améliorent la compétitivité des entreprises wallonnes. La Wallonie peut développer elle-même des soutiens aux innovations de décarbonation, mais il ne faut pas oublier non plus que des soutiens financiers existent déjà au niveau européen, tel que le fonds d’innovation.

    Une aide de la Région pour faciliter l’accès de nos entreprises à ces aides européennes pourrait donc également être mise en place.

    En ce qui concerne les Accords de Branche, il y a peu de différences entre la logique derrière les accords de branches et l’exemple français, l’objectif principal étant d’offrir des avantages à des entreprises en contrepartie d’une réduction des émissions. Une différence à souligner est que là où l’initiative française vise les 50 entreprises les plus émettrices pour mettre en place des accords au niveau des entreprises, les accords de branche au niveau wallon sont quant à eux des accords par fédération d’entreprises. Les accords de branches concernent donc in fine plus d’entreprises que les 50 entreprises françaises.

    Pour ce qui est du principe de cofinancement, la Wallonie s’inscrit effectivement dans un système de cofinancement. On peut notamment citer les accords de branche qui sont une aide aux entreprises. Les accords de branche offrent un cadre favorable pour les fédérations d’entreprises qui s’inscrivent dans une voie de décarbonation et d’efficacité énergétique en contrepartie d’avantages.

    Enfin, les 50 sites les plus émetteurs sur le sol wallon sont aisément identifiables. L’honorable membre trouvera la liste en annexe.